Imaginez la scène: vous roulez à 160 km/h sur l'autoroute lorsque la voiture devant vous applique subitement les freins. Vous tentez de l'éviter, et c'est l'accident. En gros, voici résumé le 10e Grand Prix du Canada disputé hier par Jacques Villeneuve.

Imaginez la scène: vous roulez à 160 km/h sur l'autoroute lorsque la voiture devant vous applique subitement les freins. Vous tentez de l'éviter, et c'est l'accident. En gros, voici résumé le 10e Grand Prix du Canada disputé hier par Jacques Villeneuve.

Le pilote québécois avait pourtant connu un excellent départ, peut-être le meilleur de sa saison, gagnant deux positions dès le premier tour. Il occupait le huitième rang à un peu plus de 12 tours de la fin lorsqu'une manoeuvre de dernière seconde, destinée à éviter la collision contre la voiture de Ralf Schumacher, l'a projeté contre le mur. On l'a vu lever les bras au ciel, atterré.

«Ralf roulait très lentement depuis plusieurs tours, a expliqué Villeneuve, les mâchoires serrées. Il a freiné pour me laisser passer au moment où l'on approchait de la chicane. J'ai dévié de ma trajectoire pour l'éviter et j'ai alors sali mes pneus avec les morceaux de gomme qui traînaient sur la piste. Ma voiture est partie comme sur une patinoire.»

Laissant sa monoplace à moitié démolie sur le circuit, Villeneuve est rentré en courant dans les quartiers de BMW où il est demeuré jusqu'à la fin de l'épreuve.

«La voiture était compétitive et je crois que j'aurais pu facilement terminer huitième, a-t-il dit, livide. Il m'aurait toutefois été impossible de dépasser la voiture devant moi- celle de Felipe Massa. Les Ferrari étaient trop fortes dans les lignes droites.»

Le pilote québécois s'interrogeait toutefois sur la stratégie d'arrêts aux puits adoptée par son équipe. «Je ne m'attendais pas à ce qu'on demande à Nick de rentrer aux puits avant moi, a-t-il dit au sujet de son deuxième arrêt. C'est frustrant parce que j'étais alors devant lui et je me suis retrouvé dans le trafic en retournant en piste.» Se promettait-il une discussion dans le blanc des yeux avec les ingénieurs? «Non, il n'y a personne à blâmer. It's just racing...»

Le patron de l'écurie, Mario Theissen, a souligné que Villeneuve s'est lui-même tiré dans le pied en s'arrêtant un mètre trop loin lors de son deuxième arrêt. Le Québécois a ainsi perdu un temps précieux de quatre secondes.

«Quant à notre stratégie, nous avons simplement évalué la position des voitures derrière et devant nous, a-t-il dit. Nous croyions que c'était la meilleure décision à prendre à ce moment-là. Par ailleurs, nos calculs indiquaient qu'une stratégie d'un seul arrêt n'aurait pas donné de meilleurs résultats.»

L'ingénieur allemand s'est dit heureux de la course disputée par Villeneuve, mais déçu de son dénouement. Qu'allait-il lui dire lors de leur briefing d'après-course? «Je vais lui demander comment on se sent lorsque l'on tape contre un mur...»

Quant à Heidfeld, il a terminé l'épreuve en septième place, récoltant deux points pour son équipe. BMW lorgne toujours le cinquième rang du championnat des constructeurs, dix points derrière son plus proche rival, Honda.

Rencontrée à l'extérieur des puits, la mère de Villeneuve, Joann, devinait toute la déception qui habitait son fils. «Je pense qu'il va avoir besoin de décompresser», a-t-elle dit. Allait-elle le consoler? Une pause, puis un sourire: «Non, je pense que sa petite femme va très bien s'en occuper...»

Toujours les ailerons

Samedi soir, une rumeur avait commencé à circuler dans le paddock à l'effet que l'écurie allemande utilisait un aileron arrière illégal. Rigide à l'arrêt, l'aileron fléchirait à haute vitesse pour permettre à la voiture d'augmenter son allure, ce qui est contraire au règlement de la Fédération internationale automobile.

«Nous avons eu vent des préoccupations des autres écuries et nous avons décidé d'appeler nous-mêmes la FIA pour tirer la chose au clair», a indiqué Theissen.

«J'ai eu un entretien ce matin avec le directeur de course de la FIA, Charles Whiting, et il a examiné nos ailerons. Il a jugé qu'ils étaient conformes au règlement et nous en sommes restés là.»

Chez Honda, l'écurie qui avait d'abord sonné la charge contre BMW, on ne lâche pas prise. «Nous sommes toujours convaincus que BMW est dans l'illégalité, a confié le directeur de l'écurie, Nick Fry, à La Presse. Le problème, c'est que les tests de conformité de la FIA ne permettent pas de le vérifier. Il va falloir que ça change bientôt parce qu'en attendant, ça donne à des équipes comme BMW un avantage injuste.»