(Pékin) Il y a un intrus au sommet du classement des marqueurs du tournoi olympique de hockey. Un joueur méconnu du grand public qui, il y a une semaine, se battait pour un poste sur le quatrième trio de son pays.

Son nom ?

Sean Farrell. Il a 20 ans, il est américain, et le Canadien de Montréal l’a repêché au quatrième tour, en 2020. De tous les espoirs que j’ai vus cette semaine à Pékin, c’est celui qui s’est le plus démarqué.

OK. Petite précision avant que vous ne brodiez son nom sur votre maillot bleu-blanc-rouge : je ne prédis pas que Farrell connaîtra une aussi belle carrière dans la Ligue nationale qu’Owen Power, Matthew Beniers, Mason McTavish ou Kent Johnson, tous à Pékin et repêchés parmi les cinq premiers, l’été dernier. Ça n’arrivera sûrement pas. Je souligne simplement qu’après deux matchs, c’est celui qui a le mieux réussi son entrée.

Jeudi, Farrell a inscrit trois buts et deux passes en moins de 12 minutes de jeu. D’accord, c’était contre les Chinois. Mais c’était quand même la meilleure performance de son équipe.

Samedi, contre les Canadiens, il a réussi le plus beau jeu du match, une feinte de tir transformée en une passe spectaculaire à son coéquipier Ben Meyers, qui a ensuite marqué. Mon voisin de bureau, un collègue américain, était ébahi.

« Farrell, c’est lui que tu as interviewé après l’entraînement, hier ?

— Oui.

— Tu as misé sur le bon cheval, mon homme ! »

Contre les Canadiens, l’espoir du Tricolore a été le meilleur attaquant de son équipe en première période. On l’a moins vu par la suite, son entraîneur lui préférant des joueurs défensivement supérieurs pour protéger l’avance. Difficile de le lui reprocher : les Américains ont gagné 4-2.

Sean Farrell est évidemment satisfait de ses succès. D’autant que jusqu’au forfait des joueurs de la LNH, en décembre, jamais il n’avait imaginé participer aux Jeux olympiques de Pékin. « Les deux derniers mois ont été fous, m’a-t-il raconté. Tout s’est passé tellement vite. Un dimanche, après une partie avec l’Université Harvard, mon entraîneur est venu m’annoncer que j’avais été sélectionné par l’équipe américaine. Quelques semaines plus tard, j’étais à Los Angeles pour le camp d’entraînement. Et maintenant, je suis ici. J’ai dû virer de bord rapidement. »

C’est que contrairement aux vétérans qui ont fait le voyage, Farrell, lui, est encore aux études. À Harvard, je le rappelle. En économie. Il n’était pas question de prendre une session de congé. « J’ai apporté mes devoirs avec moi [rires] ! Je fais de mon mieux pour maintenir ma moyenne. On va voir comment ça va se passer. Heureusement, tout le monde à l’université me soutient. Comme je travaille fort, j’ai droit à un peu de clémence. »

Un qui se réjouit que Sean Farrell soit en Chine, c’est l’entraîneur-chef de l’équipe américaine, David Quinn. Il connaît très bien le jeune attaquant. Depuis longtemps, en plus. « J’ai suivi sa progression dans le hockey mineur », m’a-t-il confié. Farrell était alors le joueur étoile d’une équipe de Boston dirigée par l’ancien porte-couleurs des Nordiques de Québec, Scott Young. Et Young, lui, travaillait avec Quinn à l’Université de Boston. Le monde du hockey est petit ? Attendez : Quinn, Young et Farrell sont tous les trois ici, à Pékin, avec la délégation américaine.

« Sean m’impressionne, poursuit Quinn. C’est un joueur très talentueux, très compétitif, avec beaucoup d’énergie. Sa petite taille [5 pi 9 po] ne l’empêche pas d’être productif. Il est difficile à affronter. Franchement, il joue très bien pour nous. »

Ce qu’on remarque immédiatement, en le regardant jouer, c’est son aisance avec la rondelle. Il la protège vraiment bien, surtout pour un joueur de sa taille. C’est aussi un très bon passeur. En défensive, je serais étonné qu’il gagne un jour le trophée Frank-Selke, mais il est assidu dans son échec avant.

« C’est un joueur intelligent », indique son partenaire de trio à Harvard et coéquipier avec l’équipe américaine, Nick Abruzzese. « Il patine très bien. Il possède des habiletés de niveau élite. C’est le fun de jouer avec lui. On dirait que tout est plus facile lorsqu’il est là. »

Les habiletés offensives de Farrell lui ont permis d’inscrire des points à la douzaine partout où il est passé. Après avoir dominé les ligues de hockey mineur à Boston, il en a fait tout autant à l’école préparatoire, où il marquait près d’un but par match. De 15 à 17 ans, il a évolué au sein du Programme national de développement des États-Unis, avec Cole Caufield, Jack Hughes et Trevor Zegras. Il a ensuite passé deux saisons dans une ligue junior, la USHL, où comme joueur plus âgé que la moyenne, il a remporté un championnat des marqueurs par 15 points. Cette saison, il a amorcé sa carrière universitaire sur le premier trio de Harvard, où il a compté huit buts et amassé 11 aides en seulement 17 matchs.

Prochaine étape, les rangs professionnels ?

Oui, mais ça n’arrivera pas immédiatement après les Jeux. Ni même la saison prochaine, m’a-t-il affirmé.

« Mon plan, c’est de poursuivre à Harvard. J’ai encore vraiment des choses à accomplir là-bas. Comme joueur, j’ai encore beaucoup de choses à apprendre, et sur lesquelles travailler. C’est pourquoi je veux y retourner la saison prochaine. »

L’échantillon des Jeux olympiques est évidemment petit. La qualité de l’opposition, variable. Alors je le répète, ne partez pas en peur : Sean Farrell ne relancera pas l’avantage numérique du Canadien de sitôt.

Mais est-il un projet emballant ?

Absolument.

Dans le calepin

PHOTO JONATHAN ERNST, REUTERS

Frederik Dichow

Le Canadien a un autre espoir à ces Jeux, le gardien danois Frederik Dichow, qui s’est bien débrouillé face aux Russes dans une défaite de 2-0. Il a réalisé 31 arrêts… Après la contre-performance d’Eddie Pasquale samedi, Claude Julien n’a pas voulu annoncer qui gardera les buts contre la Chine… Le premier choix du dernier repêchage, Owen Power, a de nouveau été le joueur canadien le plus utilisé… Le troisième choix du dernier repêchage, Mason McTavish, est transparent sur le premier trio du Canada… Les Canadiennes retrouveront les Suissesses en demi-finale du tournoi chez les femmes. Au tour préliminaire, les Marie-Philip Poulin et compagnie avaient gagné 12-1.