J’aurais préféré vous parler du record de Stephen Curry. De la sortie de Jeff Petry. De golf, de handball, d’équitation, de saut à la perche. Mais bon, une rafale est en train de balayer le sport nord-américain.

Quelle rafale ?

La COVID-19.

Dans la seule journée de mardi, 18 joueurs de la Ligue nationale de hockey et 36 joueurs de la Ligue nationale de football ont dû s’isoler. Morgan Frost, des Flyers de Philadelphie, et Tucker Poolman, des Canucks de Vancouver, ont dû quitter leur équipe au beau milieu d’une partie. Joli brouillamini.

Les Flames de Calgary sont à l’arrêt. Les Hurricanes de la Caroline, les Bulls de Chicago et les Otters d’Erie aussi. La Nouvelle-Écosse interdit les tournois de hockey. Le Nouveau-Brunswick va encore plus loin : fini les sports organisés pour tous les enfants de moins de 12 ans. Pour les plus vieux, seuls les entraînements sont autorisés (les clubs de la LHJMQ ont une exemption).

C’est décourageant.

Démoralisant.

Démotivant.

J’en ai plein mon casque. Vraiment. Ce ressac est d’autant plus difficile à encaisser qu’il frappe après une longue accalmie, rendue possible grâce à la vaccination.

Quel sera son impact ici ? À Québec, on m’a dit mardi qu’il n’était pas question de réduire la capacité maximale dans les stades intérieurs « pour le moment ». Ça peut changer rapidement. D’autres provinces et plusieurs régions d’Europe sont d’ailleurs déjà rendues là.

Ce qui me préoccupe davantage, c’est le sort des activités sportives pour nos jeunes. Pour le moment, c’est le statu quo. Sauf que, de façon réaliste, si on se fie à la gestion des premières vagues, on se doute bien que la Santé publique voudra en débattre avec le gouvernement. Plutôt tôt que tard.

À très court terme, je doute qu’un arrêt des activités sportives ait un impact significatif. C’est qu’à partir de dimanche, presque toutes les ligues scolaires et civiles au Québec tombent en relâche pour trois semaines.

Aussi, jusqu’à maintenant, le sport pour enfants n’a pas été un grand agent de contamination au Québec. Sur les 274 éclosions actives sur l’île de Montréal, seulement 5 sont liées à un sport d’équipe avec des contacts fréquents. Pour un total de 21 personnes infectées. C’est le plus haut total depuis plusieurs semaines.

Au Québec ? Malheureusement, les données publiques sur le sport sont noyées dans un grand ensemble, qui comprend également les rassemblements privés et les activités religieuses. Notez toutefois que seulement 6 % des éclosions actives sont classées dans ce tiroir fourre-tout.

Je concède qu’il puisse y avoir un gain à court terme. À long terme ? C’est le contraire. Ça cause plusieurs problèmes.

L’enfance et l’adolescence sont des périodes critiques pour intégrer l’activité physique dans une routine quotidienne. Or, que constate-t-on depuis le début de la pandémie, dans des États où le sport a été mis sur pause ?

  • Une chute importante des inscriptions dans presque toutes les fédérations sportives québécoises, souvent de plus de 20 % ;
  • Une baisse massive du nombre d’adolescents canadiens considérés comme « actifs ». Selon Statistique Canada, entre 2018 et 2020, la proportion de jeunes « actifs » de 12 à 17 ans est passée de 51 % à 37 % ;
  • Un désintérêt pour la pratique sportive. Selon une étude réalisée en Ontario par le groupe MLSE, 30 % des filles et des jeunes femmes se disent moins intéressées par la pratique d’un sport qu’avant la pandémie.

Je souligne qu’avant la pandémie, seulement une jeune Québécoise sur trois était considérée comme « active ». De loin le pire bilan au Canada. Ça ne s’est assurément pas amélioré depuis.

La nature ayant horreur du vide, si les jeunes ne sont pas au gymnase ou à l’aréna, ils seront ailleurs. Probablement avec d’autres jeunes – et moins d’encadrement.

* * *

Je ne sous-estime pas le variant Delta, qui a fait trop de victimes. Encore moins Omicron, un variant beaucoup plus contagieux, qui échappe mieux à la couverture vaccinale.

Si, dans quelques semaines, les urgences et les unités de soins intensifs débordent, au point que le gouvernement doive refermer les écoles, le sport écopera. À l’impossible, nul n’est tenu.

Mais pour le moment, il est encore possible de maintenir les activités, tout en diminuant les risques de contagion. D’ailleurs, tout est encore permis.

Les 20 derniers mois nous ont appris que les sports individuels – le patinage artistique, la gymnastique, le tennis, le plongeon, l’athlétisme – ne sont pas des grands vecteurs de contagion. Pareil pour les sports extérieurs, comme le ski alpin et le ski de fond. À moins qu’Omicron nous réserve une très mauvaise surprise, l’interdiction de ces sports devrait être une solution de dernier recours.

Pour les sports d’équipe, attendez-vous à ce que ce soit plus compliqué. Surtout pour le hockey, que le virus affectionne particulièrement.

La bonne nouvelle ? Les nouveaux protocoles ont résisté au variant Delta. Entre autres parce que tous les hockeyeurs fédérés de plus de 12 ans sont vaccinés. La vaccination des plus jeunes est aussi en cours.

La mauvaise nouvelle ? Peu de joueurs ont reçu leur troisième dose, qui permet d’affronter Omicron avec plus d’efficacité. On ignore à quel moment cette dose de rappel sera offerte pour tous les groupes d’âge.

D’ici là, il y a lieu de renforcer les mesures déjà en place. Non, les entraîneurs ne portent pas tous le masque derrière le banc. Non, les joueurs ne portent pas tous le masque dans le vestiaire. Non, les spectateurs ne respectent pas toutes les règles sanitaires. À 300 cas par jour, ce n’était pas un souci. À 2300, oui.

Boire dans la même gourde, est-ce une bonne idée ? Non.

S’installer dans le vestiaire une heure avant la partie, est-ce une bonne idée ? Non.

Prendre une bière avec les boys après le match dans une pièce de 50 m2 sans aération, est-ce une bonne idée ? Non plus. Un petit tour de vis dans les protocoles ne nuira à personne.

Ensuite, faut-il annuler les parties ? Pas encore. Les matchs sont une grande source de motivation pour les jeunes – surtout les ados. Avant d’interdire les rencontres, il y a des étapes à considérer. On pourrait utiliser des tests rapides. Limiter les déplacements entre les régions. Refaire le calendrier, pour réduire le nombre d’adversaires. Pas obligé d’affronter 15 équipes différentes d’ici la fin de la saison. Trois ou quatre, c’est tout aussi correct.

Je le répète : à l’impossible, nul n’est tenu. S’il y a explosion du nombre d’hospitalisations et de décès, et que les services essentiels sont affectés, activer le frein d’urgence sera nécessaire. Mais tant que ce sera possible, faisons l’effort maximal pour limiter l’impact sur les jeunes. Pour des dizaines de milliers d’entre eux, le sport organisé, c’est une source de motivation à l’école.

C’est le cœur de leur vie. C’est un service essentiel.