Qui sera le prochain président, ou la prochaine présidente, du CF Montréal ?

La personne choisie devra posséder plusieurs qualités : leadership naturel, capacité de gestion, sens du marketing et amour du sport. Mais un atout sera encore plus important : un don pour la communication. Car il ne faut pas s’y tromper : l’échec de Kevin Gilmore est d’abord le résultat de ses difficultés sur ce plan.

Jamais reconnu pour être le plus jasant des hommes à l’époque où il occupait un poste de direction chez le Canadien, Gilmore a été incapable de corriger cette lacune lorsqu’il est devenu président de l’Impact, un poste sous le feu des projecteurs.

Le changement de nom de l’équipe, aussi malavisé fût-il, aurait mieux passé si une opération de communication cohérente avait été mise sur pied. Gilmore a plutôt pensé tout régler en une conférence de presse. Au fil des mois, comme l’a noté mon collègue Alexandre Pratt dans une récente chronique, ses liens avec beaucoup d’intervenants faisant partie de l’écosystème du club, dont les partisans les plus inconditionnels, se sont détériorés.

Près d’un an après la transformation de l’Impact en CF Montréal, personne ne comprend encore vraiment les raisons ayant motivé cette coupure draconienne avec le passé. Le message a toujours été confus et l’organisation en paie maintenant le prix.

Dans le monde d’aujourd’hui, qu’il s’agisse de sport professionnel ou de tout autre secteur d’activité, le don de la communication est un atout indispensable pour les gestionnaires. Il faut expliquer et convaincre, plutôt que décréter et faire fi des critiques.

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Dans un monde idéal, l’organisation embaucherait une personne avec le profil d’Isabelle Charest. Olympienne, chef de mission d’Équipe Canada aux Jeux olympiques de PyeongChang en 2018, ministre déléguée à l’Éducation et à la Condition féminine, elle est aussi responsable des dossiers sportifs dans le gouvernement Legault.

Charest a pris position sur des sujets sensibles impliquant la Ligue de hockey junior majeur du Québec. J’ai parfois l’impression qu’elle exerce l’« autorité parentale » sur ce circuit ayant parfois besoin d’un rappel à l’ordre. Excellente communicatrice et dotée d’une grande force de caractère, elle dégage une autorité naturelle. Cela dit, sa carrière politique est en plein essor et elle souhaite sûrement poursuivre son travail au gouvernement. Je prédis néanmoins ceci : le jour où elle deviendra « joueuse autonome », elle recevra de nombreuses offres d’emploi du milieu sportif.

La notoriété n’est cependant pas une condition incontournable pour prendre les rênes du club. En 1999, lorsque Ronald Corey a quitté la présidence du Canadien, les premiers noms à avoir circulé dans le public pour lui succéder étaient ceux de gens à qui la Ligue nationale de hockey était familière. Les amateurs, pour la plupart, n’avaient jamais entendu parler de Pierre Boivin, qui a finalement été le choix des Compagnies Molson.

Boivin ne connaissait pas les réseaux de pouvoir et d’influence dans la LNH. Il a vite décodé son nouvel environnement et compris comment les choses fonctionnaient. Son regard frais sur les opérations du Canadien lui a permis de moderniser les manières de fonctionner.

Dans une industrie en pleine mutation, l’arrivée de Pierre Boivin a fait passer le Canadien à une vitesse supérieure.

Sous la gouverne de Boivin, le Canadien n’a pas remporté de Coupe Stanley. Mais le volet affaires a été mis en ordre : ventes de billets, relations publiques, marketing, partenariats avec le monde des affaires… Et l’organisation a enfin réussi à remplir son nouvel amphithéâtre de 21 000 sièges.

En dirigeant une entreprise dotée d’une caisse de résonance aussi puissante que celle du Canadien, Boivin a créé sa propre notoriété et personne ne s’est jamais demandé qui était le chef quand il était aux commandes. Il a démontré qu’une personnalité forte pouvait s’imposer au sein d’une entreprise dirigée par un propriétaire exigeant.

Composer avec George Gillett n’a sans doute pas toujours été facile pour Boivin. De la même manière, la personne qui dirigera le CF Montréal devra apprendre à travailler avec la famille Saputo tout en imposant sa propre vision.

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Depuis son entrée en Major League Soccer en 2012, la concession « Impact/CF Montréal » ne m’a jamais semblé en si piètre état. Étant donné les difficultés liées à la pandémie, son bilan sportif est honorable. Mais son rayonnement stagne dangereusement.

Il faudra fermement redresser la barre pour corriger la situation. Cette absurde modification du nom de l’équipe, qui a relégué aux oubliettes une riche histoire, compte parmi les pires erreurs commises par une organisation sportive québécoise. Nous sommes ici dans la catégorie de l’échange de Patrick Roy à l’Avalanche du Colorado en 1995, ce qui n’est pas peu dire.

Le premier défi de la personne sélectionnée sera de faire la paix avec ses supporters. Et pour cela, le retour au nom « Impact » est essentiel.

Les propriétaires devront marcher sur leur orgueil et admettre qu’ils se sont trompés en autorisant ce changement. Une équipe développe l’ancrage dans sa communauté grâce à la passion qui se transmet de génération en génération. Ainsi, nos grands-parents, nos parents et nos enfants ont tous vu jouer le Canadien. Les époques ont changé, mais pas le nom du club. C’est ainsi que se tisse la légende d’une équipe.

L’Impact, une organisation beaucoup plus jeune, bâtissait brique par brique son histoire au moment où on a décidé d’abattre le mur et de recommencer à zéro. Pourtant, des souvenirs s’inscrivaient déjà dans l’imaginaire collectif : des matchs devant 60 000 personnes au Stade olympique, les buts de Marco Di Vaio, l’arrivée flamboyante de Didier Drogba, les miracles d’Ignacio Piatti, le panache de Patrice Bernier…

Le futur président, ou la future présidente, devra respecter cette histoire et s’en servir comme pierre d’assise de la nécessaire reconstruction. Rétablir le lien de confiance avec l’immense majorité des fans est une lourde tâche, mais pas une tâche impossible.

Il faudra aussi élargir la palette des partisans, en plus de sensibiliser le milieu des affaires au plaisir et aux avantages de compter sur une équipe de MLS. Car si les dossiers des Nordiques et des Expos nous ont appris quelque chose, c’est combien il est difficile de récupérer ce qu’on a perdu. Il faut éviter un scénario pareil avec notre club de soccer.

Trouver la personne idéale pour présider aux destinées du club ne sera pas facile. Voilà pourquoi l’organisation aurait avantage à explorer toutes les avenues possibles. Le boulot à accomplir est gigantesque. Mais il existe sûrement quelque part au Québec une perle rare capable de se montrer à la hauteur du défi. Aux propriétaires de l’équipe de la trouver. L’avenir du club en dépend.