Marc Bergevin souhaite que sa situation contractuelle ne soit plus un enjeu sur la place publique. Désolé, ça n’arrivera pas. Tout simplement parce que la conjoncture est bizarre chez le Canadien.

Contre toute attente, l’équipe a participé à la dernière finale de la Coupe Stanley. Son parcours a enthousiasmé les fans. Le match du 24 juin, lorsque le CH a éliminé les Golden Knights de Vegas, a été un moment unique de réjouissances.

Ces succès ont dynamisé l’image de marque du CH. Bergevin devrait normalement en être récompensé. En novembre 2015, Geoff Molson a prolongé son entente de 5 ans – 18 mois avant l’expiration de son contrat initial – malgré des résultats moins percutants. Le propriétaire-président vantait alors ses mérites à chaque occasion.

Six ans plus tard, l’ambiance est plus feutrée. Molson s’enferme dans le mutisme à propos de l’avenir de son DG, qui semble subitement plus inquiet. La semaine dernière, il a publiquement exprimé son désir de poursuivre son travail. En juillet dernier, lors de son bilan d’après-saison, il était beaucoup plus réservé à ce sujet. D’un ton sec, sans l’ombre d’un sourire, il avait simplement dit qu’il entendait « honorer » la dernière année de son contrat.

Cette réaction dénuée d’enthousiasme a-t-elle déçu Molson ? Après tout, on se serait attendu à ce que Bergevin clame haut et fort son désir de rester à Montréal. L’émergence de jeunes joueurs prometteurs annonce un avenir intéressant pour l’équipe.

Après être passé si près de rafler une Coupe Stanley, il aurait été normal que le DG évoque son désir de mener l’affaire à bout.

Trois mois plus tard, Bergevin affirme que, dans « un monde idéal », il souhaite demeurer en poste.

La notion de « monde idéal » est difficile à définir. Molson et lui n’en ont peut-être pas la même conception. Le « monde idéal » d’un vice-président n’est pas nécessairement celui de son président. La durée du contrat, le salaire versé, le niveau d’autonomie, la vision du développement, la philosophie de l’organisation, tout cela peut représenter des sources d’irritation entre les deux parties.

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Au-delà de ces enjeux, la question fondamentale demeure : pourquoi Molson hésite-t-il à prolonger le contrat de Bergevin, qui demeure populaire auprès de nombreux fans ?

Voici quatre hypothèses :

1 – Des résultats en dents de scie

Avant d’atteindre la finale de la Coupe Stanley l’été dernier, le Canadien a déçu au cours des saisons précédentes. De 2016 à 2019, l’équipe a participé une seule fois aux séries, une élimination dès la première ronde.

En 2020, les choses allaient mal quand la pandémie a frappé. À la reprise des activités, le CH a été invité au tournoi d’après-saison malgré sa 24place au classement général.

Un an plus tard, les performances inquiétantes du CH ont incité Bergevin à congédier Claude Julien, Kirk Muller et Stéphane Waite. Il sentait manifestement la soupe chaude. La suite a été au-delà des espérances, mais est-ce suffisant pour que Molson oublie les ratés du passé ?

2 – Les termes du prochain contrat

Depuis son arrivée chez le Canadien, Bergevin a obtenu deux contrats de cinq ans. Beaucoup de DG signent plutôt des ententes de trois ans. Molson veut-il s’engager de nouveau pour cinq ans envers Bergevin, ou souhaite-t-il une durée plus courte ?

Molson préfère peut-être attendre les résultats de cette saison avant de trancher sur l’avenir de son DG, ce qui serait un peu injuste. Oui, la saison s’annonce difficile. Mais on ne peut tout de même pas tenir Bergevin responsable de l’absence de Carey Price et de Shea Weber.

3 – Le talent québécois

Au repêchage et sur le marché de l’autonomie, Bergevin a fait le plein de joueurs québécois au cours des derniers mois. Mais impossible d’oublier que, le 10 mai dernier, sous son leadership, le CH n’a aligné aucun Québécois. Ce fut un moment sombre pour l’organisation et une désolante première dans son histoire.

Certains diront que les absences de Jonathan Drouin et de Phillip Danault ont conduit à cette situation. La réalité est plus lourde : si le CH avait sélectionné et embauché plus de joueurs d’ici au cours des années précédentes, on aurait évité cet œil au beurre noir. Il fallait y penser avant. Ça n’a pas été fait. L’absence de plan sur un sujet aussi sensible est une zone d’ombre dans le palmarès du DG.

4 – L’affaire Logan Mailloux

La sélection de ce jeune homme a terni l’image du Canadien. Gary Bettman a même déclaré que ce choix l’avait « stupéfait ». On peut donc croire que Molson a reçu un appel courroucé du commissaire et que l’influence du CH dans les affaires de la LNH ne doit pas être optimale ces jours-ci.

Même si Molson a donné son aval à la décision, c’est Bergevin qui a ultimement jugé que le risque en valait le coup. Cette erreur de jugement a incité des partenaires d’affaires du CH à manifester leur désarroi. Molson a eu beaucoup de pots à recoller au cours des jours suivants. Cette affaire a-t-elle terni la relation entre Bergevin et lui ? À mon avis, poser la question, c’est y répondre.

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Bergevin sera-t-il de retour en poste la saison prochaine ? Difficile de répondre à cette question. Les noms de successeurs potentiels alimentent les conversations des amateurs (Patrick Roy, Mathieu Darche, Martin Madden fils, Vincent Damphousse, Stéphane Quintal, d’autres encore...), mais tout cela n’est que conjectures. Et n’oublions pas que Bergevin a réussi de bons coups, notamment au chapitre des transactions.

Alors, quel avenir pour Bergevin ? À Molson de donner l’heure juste.