Comment trouver les futures vedettes du golf avant tout le monde ?

C’est le défi que se sont lancé deux professeurs de HEC Montréal. Pendant sept ans, David Pastoriza Rivas et Jean-François Plante ont amassé des zillions de données sur les espoirs du golf. Leur âge. Leur expérience. Leur université. Leur force de frappe. Leur efficacité sur les verts. Vraiment tout, tout, tout. Ça leur a permis de construire un modèle, avec 105 critères de prédiction.

Les chercheurs ont ensuite passé tout ça au tamis. Et c’est à ce moment qu’ils ont fait non pas une, mais deux découvertes intéressantes. Deux des critères se sont avérés plus importants que les autres pour prédire le succès des jeunes golfeurs dans la PGA.

Lesquels ?

La réponse dans une minute. Promis.

Mais d’abord, juste un peu de contexte sur l’étude.

Quel est l’intérêt de deviner à l’avance les futures étoiles du golf ? Au hockey, je peux comprendre. Une équipe doit trouver les meilleurs espoirs pour les acquérir par l’entremise du repêchage ou du marché des transactions. Mais au golf, à qui peut bien profiter cette information ?

Aux commanditaires.

« Dans le système actuel, lorsque Coca-Cola commandite un athlète, celui-ci est déjà très bon et reconnu de tous », explique David Pastoriza Rivas, professeur au département des affaires internationales.

« C’est excellent pour les stars de la PGA, qui profitent de la concurrence et qui sont surpayées. Mais c’est une mauvaise chose pour les commanditaires, ainsi que pour les jeunes athlètes. Quand tu es un jeune golfeur, récemment marié, que tu as un jeune enfant, l’avenir est marqué d’incertitudes. La réalité, c’est qu’il y a peu de contrats pour les espoirs du golf. »

D’où l’idée de concevoir un modèle permettant de prédire les futures étoiles de la PGA. Les chercheurs se sont posé deux questions :

– Quel espoir un commanditaire doit-il cibler ?

– Quel est le moment optimal pour déposer l’offre ?

David Pastoriza Rivas et Jean-François Plante ont concentré leurs recherches sur les très jeunes joueurs. Ceux de la deuxième division (D2) de la PGA. L’équivalent des ligues mineures au hockey. C’est un circuit tampon par lequel sont passés presque tous les grands golfeurs entre les rangs amateurs et la PGA.

Les professeurs ont analysé les cinq premières saisons professionnelles des cohortes entre 2002 et 2015, pour tenter de trouver des caractéristiques communes à la très petite proportion de stars dans la PGA (10,3 %).

« Lorsque la saison en D2 commence, explique David Pastoriza Rivas, la seule information que possède notre modèle, c’est l’historique amateur du joueur. Est-il allé à l’université ? Si oui, dans quel établissement ? A-t-il remporté des tournois amateurs ? Puis, au fil des semaines, de nouvelles données enrichissent le modèle. »

Le nombre de coups. La distance de frappe. L’efficacité sur les verts. Les gains en argent. Plus il y a de statistiques, plus le modèle se précise. C’est ainsi que les chercheurs peuvent déterminer les critères pertinents – ou inutiles.

« Comme amateur de golf, raconte David Pastoriza Rivas, une chose qui m’a énormément surpris, c’est que les résultats chez les amateurs, ça compte, mais pas beaucoup. Par contre, d’autres variables deviennent extrêmement importantes. »

Notamment les deux critères que j’évoquais plus tôt.

Qui sont…

« La distance et la précision des coups de départ. On ne parle pas ici d’atouts pour réussir en D2, mais en D1. Ces deux aptitudes sont plus importantes que les pointages. D’ailleurs, vous remarquerez que plusieurs joueurs qui ne frappent pas trop fort obtiennent quand même de bons résultats en D2. Ils sont capables de produire sur certains terrains, car ils compensent [leur manque de force] avec leurs coups d’approche. En D2, ça fonctionne. Mais en D1, c’est insuffisant, démontre notre modèle. »

Selon Jean-François Plante, parmi les sept meilleurs espoirs identifiés par le modèle dans une cohorte, environ la moitié connaîtra le succès attendu. « Alors que si on prenait sept joueurs au hasard, on aurait tout juste 10 % en moyenne. On ne trouverait même pas une future vedette par saison. »

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Voilà pour la première question. La deuxième, maintenant.

Quel est le moment optimal pour déposer cette offre ?

Tôt. Très tôt.

Prenez Justin Thomas, une des grandes vedettes de la PGA. Dans le modèle, lors de la saison 2014, il était nettement ciblé comme une valeur sûre pour les commanditaires. « Pourtant, CitiBank a attendu à août 2015 pour lui faire une offre. À ce moment-là, Thomas avait déjà réalisé six top 10 dans la PGA », explique David Pastoriza Rivas.

Quelques grandes entreprises préfèrent attendre qu’un joueur soit établi pour lui offrir un partenariat. Sauf que la plupart des commanditaires n’ont pas le luxe de pouvoir payer le plein prix pour s’associer à un athlète au sommet.

« Pour ces entreprises, note David Pastoriza Rivas, les joueurs les plus intéressants, ce sont les belles surprises. Ceux qui, au début de leur carrière en D2, ne se distinguent pas du lot. Des gars comme Tony Finau. Pendant sa première saison, notre modèle suggérait qu’il allait devenir une étoile dans la PGA [ce qu’il est aujourd’hui]. Pourtant, Beats a attendu presque deux ans pour déposer une offre. »

Alors, quel est le meilleur moment pour devenir commanditaire d’une future star à un faible coût ?

Entre la 20e et la 30e semaine de la saison en D2, estiment Jean-François Plante et David Pastoriza-Rivas.

« C’est certain que plus tu attends longtemps, moins tu as de chances de te tromper, explique David Pastoriza Rivas. Sauf que ça va te coûter plus cher aussi. Pour les compagnies qui sont prêtes à se lancer tôt, il y a une fenêtre d’opportunité entre juin et juillet de la saison en D2. Après septembre, il y aura plus de compétition. C’est à ce moment-là que les prix augmenteront. »

« Est-ce que le modèle devrait être le seul critère pris en compte ? Non », ajoute Jean-François Plante.

« Mais être le dirigeant marketing d’une compagnie, j’en tiendrais compte. Je me servirais du modèle pour obtenir un avantage compétitif. J’encouragerais deux ou trois joueurs pour le prix d’une superstar. Et j’essaierais de me positionner comme étant l’entreprise qui encourage la jeunesse, et qui a l’air intelligente de donner l’argent [aux espoirs] qui obtiendront du succès. »

Un reportage troublant

Un court mot pour vous inviter à lire l’excellent reportage de mon collègue Marc Thibodeau, qui se trouve au Mexique pour enquêter sur la mort de la boxeuse Jeanette Zacarias Zapata.

Son récit est troublant. On y apprend que la boxeuse a commencé à s’entraîner pour son combat à Montréal quelques jours avant la fin d’un « repos total » imposé par un médecin mexicain. Que son entraîneur n’était pas vraiment son amoureux.

Que son père a refusé qu’elle se fasse opérer d’urgence. Une histoire d’insouciance, qui soulève aussi des interrogations à propos de la vérification des antécédents de certains boxeurs étrangers invités au Québec.

Un gros mandat pour le coroner attitré au dossier.