Ce n’est pas seulement la réponse de Marc Bergevin qui m’a surpris. Le ton aussi. Ses mots sont tombés d’un seul coup, sans l’ombre d’un sourire : « Il reste une année à mon contrat et je vais l’honorer. »

Ce n’était pas la première fois de ce point de presse que Bergevin était interrogé sur son désir de demeurer associé au Canadien à long terme. Il a d’abord esquivé la question, se contentant de rendre hommage à ses joueurs. Plus tard, quand un journaliste est revenu à la charge, il a martelé cette phrase intrigante.

Compte tenu de l’étonnant parcours du CH en séries, j’aurais pensé que le DG s’exprimerait avec plus d’entrain à ce sujet. D’autant que pour la première fois depuis sa nomination au printemps 2012, il est en voie d’atteindre l’objectif évoqué publiquement par Geoff Molson ce jour-là : rétablir la « culture d’équipe gagnante » du CH.

Les séries de 2014 ont constitué un excellent pas dans cette direction, mais les choses se sont gâtées par la suite. Bergevin a alors connu des années difficiles et le CH a multiplié les insuccès. Au point où Geoff Molson, après la saison 2018, n’a pas caché son impatience dans une entrevue qu’il m’accordait.

Aujourd’hui, un vent favorable pousse le CH vers des lendemains prometteurs. Et Bergevin est certainement un des responsables des conséquences positives ainsi provoquées.

D’abord, sur le plan de l’image de marque, les succès éliminatoires ont redonné de l’enthousiasme à de nombreux fans longtemps déçus par leur équipe. La cote d’amour du Canadien est en hausse partout au Québec.

Ensuite, sur le plan des finances, cette participation à la finale de la Coupe Stanley positionne magnifiquement l’organisation dans ce qui sera, espérons-le, l’ère post-pandémie. La possibilité de maximiser les revenus la saison prochaine est réelle.

Enfin, sur le plan du hockey, l’équipe n’a jamais compté un aussi grand nombre de joueurs prometteurs depuis l’arrivée de Bergevin aux commandes. Bref, les perspectives du club sont les meilleures depuis longtemps.

Dans ce contexte, pourquoi Bergevin n’a-t-il pas exprimé haut et fort son désir de rester longtemps en poste ? Est-ce une stratégie de négociation ? Aurait-il aimé recevoir une offre plus tôt ? Veut-il s’accorder quelques mois de réflexion avant de décider de la suite de sa carrière ?

Bien sûr, la journée de vendredi a été longue pour lui et les dernières semaines ont été riches en émotions. Le DG a sûrement besoin de recharger ses batteries, ce qui est bien compréhensible. Cela explique peut-être son propos laconique. Il n’empêche qu’à ce niveau hiérarchique, les mots et le ton comptent. Et Bergevin, qui est en poste depuis neuf ans, le sait très bien.

Chose sûre, si le DG amorce la prochaine saison sans une prolongation de contrat, le sujet deviendra inévitablement une distraction pour l’équipe. Ce n’est jamais optimal de laisser le DG (ou l’entraîneur-chef) écouler la dernière année de son entente. Cela crée de l’incertitude, surtout dans un marché où le hockey est roi.

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La journée de vendredi a été étonnante à un autre titre. Le départ de Joël Bouchard prive le CH d’un homme de hockey avec du coffre.

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Joël Bouchard a été l’entraîneur-chef du Rocket de Laval au cours des trois dernières saisons.

Si Bouchard avait accepté un poste derrière le banc d’une équipe de la LNH, comme entraîneur-chef ou adjoint, la nouvelle n’aurait pas été étonnante. Travailler au plus haut niveau du hockey professionnel est une occasion qui ne se refuse pas. Mais à Anaheim, Bouchard tiendra exactement le même rôle qu’avec l’organisation du Canadien : coach de la filiale de la Ligue américaine.

En clair, Bouchard a choisi de quitter l’organisation du Canadien. Peut-être estime-t-il que ses chances d’obtenir un poste d’entraîneur-chef dans la LNH seront meilleures avec les Ducks.

Bergevin a assuré hier avoir agi correctement dans ce dossier. Mais on sait tous à quel point Bouchard a bien travaillé avec les jeunes du Rocket de Laval. Son énergie contagieuse était un atout pour l’organisation.

Comme l’impression que le CH s’ennuiera beaucoup de Bouchard. Souhaitons-lui de se retrouver bientôt à la tête d’une équipe de la LNH. Il a certainement le talent et les aptitudes pour réussir.

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Dominique Ducharme sera de retour derrière le banc du CH la saison prochaine, une excellente nouvelle. Derrière un micro, il n’est pas flamboyant. Mais ses yeux brillants révèlent sa détermination. « Je n’aime pas trop parler de moi », a-t-il dit, hier, quand les journalistes ont voulu en savoir plus long sur les émotions qu’il a ressenties au cours des dernières semaines.

Cette réaction en dit long sur sa personnalité. Ducharme ne sera jamais là pour voler la vedette aux joueurs. Mais on devine sa force de caractère, son esprit cartésien et sa capacité d’introspection. « J’aime les choses claires, a-t-il dit, je ne veux pas de zones grises ». Les joueurs et les entraîneurs adjoints apprécient les coachs avec cette philosophie. Cela leur permet de conserver un point d’ancrage durant les nombreux impondérables qui marquent une saison.

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Dominique Ducharme sera de retour derrière le banc du Canadien en vue de la saison prochaine.

Ducharme est sans contredit la plus belle découverte chez le Canadien en 2021. Il a saisi sa chance lorsque Bergevin lui a confié la succession de Claude Julien. Et aujourd’hui, son travail est reconnu aux quatre coins de la LNH. Une présence en finale de la Coupe Stanley ne passe jamais inaperçue.

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La fabuleuse roue du hockey professionnel s’arrête rarement. La saison à peine terminée, le reste de juillet sera fertile en rebondissements. Bergevin devra attendre au mois d’août avant de prendre des vacances. D’ici là, des décisions importantes l’attendent : repêchage de l’expansion, repêchage amateur, le cas Phillip Danault, la gestion de la masse salariale, embaucher un entraîneur-chef pour le Rocket…

Mais Geoff Molson a aussi un énorme dossier sur lequel il devra se pencher : celui de l’avenir de son DG.