Une rafraîchissante anomalie. Voilà comment on pourrait qualifier la confrontation qui commence ce soir entre les Rangers du Texas et les Giants de San Francisco. C'est la Série mondiale que personne n'avait vue venir.

Début octobre, les astres semblaient suffisamment bien alignés pour permettre aux Phillies de Philadelphie de retourner en Série mondiale pour la troisième année consécutive et, pourquoi pas, prendre une revanche bien sentie contre les Yankees de New York.

Fin octobre, ce sont finalement les combatifs Rangers du Texas et les étonnants Giants de San Francisco qui rivaliseront pour l'obtention du plus précieux trophée sur la planète baseball. Ce que quelques semaines de jeu peuvent chambouler...

Le gérant Ron Washington et ses Rangers ont montré la porte de sortie aux Yankees en six rencontres lors de la série de championnat de la Ligue américaine, tandis que les Giants de Bruce Bochy ont fait subir le même sort aux Phillies dans la Ligue nationale.

Une chose demeure certaine: le dénouement de cet affrontement original et inattendu entre les représentants du Texas et ceux de San Francisco, au plus tard le 4 novembre, revêtira inévitablement un caractère historique.

Pourquoi?

Parce que jamais les futiles Senators de Washington (1961-1971) devenus Rangers du Texas n'avaient atteint la Série mondiale, voire gagné une ronde éliminatoire, avant 2010.

Et parce que jamais les Giants n'ont sablé le champagne depuis le déménagement de la concession de New York vers San Francisco, à la fin des années 50.

D'un côté du losange, une équipe en finira donc avec une longue période de sécheresse parsemée de déceptions. De l'autre, un groupe poursuivra sa traversée du désert.

Le premier match de la Série mondiale version 2010 sera présenté ce soir à San Francisco, alors que deux lanceurs surdoués monteront sur la butte du AT & T Park: Cliff Lee et Tim Lincecum.

Les Rangers feront ensuite confiance, dans l'ordre, aux partants C.J. Wilson, Colby Lewis et Tommy Hunter. Les Giants répliqueront vraisemblablement avec Matt Cain, Jonathan Sanchez et Madison Bumgarner.

Les Giants profitent de «l'avantage du terrain» grâce à la victoire de la Nationale contre l'Américaine au match annuel des Étoiles, le 13 juillet dernier, au Angel Stadium d'Anaheim.

En duels interligues, les Rangers n'ont jamais gagné au AT & T Park, et pas plus dans le vieux Candlestick Park (0-11).

Autrement dit, San Francisco semble porter malheur aux Texans.

Mais, franchement, les Rangers se moquent un brin de cette donnée statistique obsolète par les temps qui courent. Cinq de leurs sept gains nécessaires pour aboutir en Série mondiale ont été concrétisés en territoire hostile. Pour les complexes, on repassera.

«Apparemment, nous croisons une meilleure équipe que la nôtre dans chaque série, a dit l'efficace et barbu stoppeur des Giants, Brian Wilson. On nous regarde de haut, et c'est bien comme ça. Personne ne veut la pression qui vient avec l'étiquette de favoris.»

Une équipe «qui ne sait pas perdre»

Les nostalgiques de l'époque des Expos seront heureux de constater que Vladimir Guerrero, malgré quelques ratés offensifs depuis le début des éliminatoires, représente toujours une authentique menace pour les lanceurs adverses.

On verra d'ailleurs l'agent Vlad patrouiller le champ extérieur pour une rare occasion ce soir, et peut-être demain aussi, au domicile des Giants, stade de la Nationale où la règle du frappeur désigné ne s'applique pas.

«Cette formation dispute la Série mondiale parce qu'elle ne sait pas comment perdre», a constaté le voltigeur Josh Hamilton, nommé joueur par excellence de la série de championnat de l'Américaine en vertu de ses quatre circuits et sept points produits contre les Yankees.

Avec une attaque aussi destructrice et diversifiée et l'essentiel coup de pouce de Cliff Lee et de ses collègues au monticule, on comprend les joueurs des Rangers «de ne pas savoir perdre» cet automne.

Les Giants, eux, ont connu le succès avec un amalgame de jeunes baseballeurs talentueux - le receveur Buster Posey, notamment - et surtout de vétérans colmateurs de brèches recyclés par le directeur général Brian Sabean en provenance d'autres organisations.

Non, les Cody Ross, Pat Burrell, Aubrey Huff et autres Juan Uribe, Edgar Renteria et Mike Fontenot ne flirtent pas avec l'élite de leur profession sur une base individuelle. Mais tous ensemble, ils sont convaincus de pouvoir déplacer des montagnes.

N'ont-ils pas écarté de leur chemin les invincibles Phillies?

Et parmi tous les acteurs de cette Série mondiale, lequel gardera assurément le sourire, qu'importent les circonstances?

Réponse: le receveur des Rangers (et ancien homme masqué des Giants), Bengie Molina. Gagne ou perd, il recevra une bague de la Série mondiale, et deux chèques assez imposants en guise de récompense pour services rendus.

C'est ce qu'on appelle se retrouver aux bons endroits, aux bons moments.

Prédiction: Rangers en 6