Elaine Tanner avait 15 ans quand elle a gagné sept médailles aux Jeux du Commonwealth de 1966 en Jamaïque. Elle a eu beaucoup de mal à s'ajuster à son nouveau statut de vedette instantanée, à son retour au pays.

«Je n'étais qu'une adolescente timide qui adorait nager et je n'ai jamais voulu être le centre de l'attention», écrit Mme Tanner dans un texte publié cette semaine sur cbc.ca.

Aux Jeux olympiques de Mexico de 1968, les attentes étaient énormes. «Je n'étais pas habituée à me glisser dans l'eau avec le poids d'une nation entière reposant sur mes épaules, raconte-t-elle. Dès que le coup de départ de ma première finale a été donné, m'étant qualifiée première, je m'étais déjà coulée.»

La jeune nageuse canadienne est montée cinq fois sur le podium, mais jamais sur la plus haute marche. «Tanner perd l'or», tranchaient les manchettes de l'époque. Profondément affectée, elle a même souffert d'un choc «post-traumatique», comprendra-t-elle plus tard.

Tanner ne veut pas que Penny Oleksiak vive un tel cauchemar. «Mon voeu le plus sincère est que Penny ne se perde pas dans toute cette frénésie et que, malgré les attentes, elle continue à faire de la compétition pour se faire plaisir à elle-même.»

Un peu moins d'un an après ses exploits aux JO de Rio, Oleksiak s'apprête à disputer ses premiers Championnats du monde à Budapest, en Hongrie. L'événement s'ouvre aujourd'hui avec des préliminaires en nage synchronisée et en plongeon. Le water-polo et la nage en eau libre suivront ce week-end, tandis qu'Oleksiak et les autres nageurs en piscine se mettront à l'oeuvre à partir du samedi 22 juillet.

Quelle pression?

La pression, Oleksiak s'en moque un peu. «Les gens auront toujours des attentes envers moi et ils essaient toujours de me les exprimer pour me motiver, j'imagine. Mais je ne prête pas attention aux attentes des autres. Pour être honnête, je ne m'en soucie pas vraiment», a-t-elle assuré hier midi lors d'une conférence téléphonique qui s'est tenue de Rome, où l'équipe canadienne de natation poursuit sa préparation.

Pratiquement inconnue avant ses quatre médailles à Rio, dont l'or au 100 mètres libre, Oleksiak ne veut pas changer son approche pour les Mondiaux. «De toute évidence, je suis encore un peu nerveuse, a admis la Torontoise de 17 ans. Je ne sais pas encore vraiment à quoi m'attendre, mais j'ai bel et bien une plus grande confiance après ce qui s'est passé l'été dernier et ce que j'ai fait cette année.»

Après s'être absentée d'une compétition à Atlanta pour des raisons familiales, début mai, elle s'en est tenue à deux rencontres du circuit Mare Nostrum. À Rome, elle a gagné l'argent au 50 m papillon, abaissant la marque nationale que détenait Katerine Savard, et le bronze au 100 m papillon, la distance qui l'a vue naître. À Canet-en-Roussillon, quelques jours plus tard, la vice-championne olympique est encore montée sur la troisième marche du podium au 100 m papillon.

Oleksiak n'occupe pas les premières places des bilans mondiaux, mais ce n'était pas différent avant Rio. «Durant cette tournée Mare Nostrum, j'ai été un peu plus rapide que je ne l'ai été l'an dernier, a-t-elle souligné. J'ai donc de grands espoirs pour Budapest.»

En Hongrie, elle retrouvera Sarah Sjöström, nageuse de l'heure sur la scène internationale. Championne olympique du 100 m papillon, la Suédoise a flirté toute l'année avec le record mondial du 100 m libre.

Oleksiak pense-t-elle pouvoir la battre comme à Rio? «Honnêtement, je n'en suis pas vraiment certaine, a-t-elle admis. Sarah a nagé très vite cette année. Ce sera une grande course et ce sera difficile de rivaliser avec elle. Mais en ce moment, je ne peux pas vraiment contrôler ce que Sarah va faire. Je vais donc juste essayer de nager le plus vite que je peux.»

Au début du mois, Oleksiak a annoncé une entente de quatre ans avec le fabricant de chaussures Asics Canada, son premier commanditaire. Jusque-là, elle avait repoussé les premières offres commerciales afin de préserver son statut amateur et de pouvoir un jour représenter une université américaine.

L'enthousiasme d'Oleksiak est l'une des raisons qui ont incité Sandrine Mainville à retourner à Toronto après une saison à Montréal pour poursuivre ses études en droit.

«Penny a pris beaucoup de maturité, mais elle n'a pas vraiment changé», a souligné la médaillée de bronze de Rio au 4 x 100 m, qui vise une première finale individuelle à Budapest. «Elle va toujours être une fille qui ne pense pas trop aux résultats. Elle met beaucoup de vie dans le groupe, mais elle se concentre toujours sur la job qu'elle a à faire.»

Elaine Tanner peut dormir en paix.