Kim Boutin est une triple médaillée olympique. Autant elle a reçu de l'attention en février dernier à PyeongChang, autant elle s'est volontairement retirée des projecteurs peu après son retour au pays.

«En vivant autant d'émotions durant un mois, il y a des choses dont je ne me souviens plus, a confié la patineuse de 23 ans en entrevue téléphonique, hier matin. Je suis encore en train de découvrir ce que les Jeux m'ont apporté. Je n'ai pas la réponse à tout. Et je n'ai pas non plus toujours quelque chose de pertinent à dire... Des fois, c'est mieux de se retirer, de prendre le temps [de réfléchir]. J'aime voir les choses comme ça.»

La veille, Boutin était revenue du Kazakhstan, où elle a fait son retour en Coupe du monde la semaine dernière. Elle n'a pas perdu de temps: deux médailles individuelles - l'argent au 1000 m et le bronze au 1500 m - et deux podiums dans les relais, dont l'or à la nouvelle épreuve mixte.

Elle abordait pourtant cette première compétition depuis les Championnats du monde de Montréal, au printemps, avec une bonne dose d'appréhension. Elle s'en était ouverte à son entraîneur Frédéric Blackburn avant de sauter sur la glace. Il l'a rassurée, persuadé que le naturel reviendrait au galop.

«Comme de fait, c'est revenu assez rapidement, constate-t-elle. La motivation n'est pas la même pour une Coupe du monde que les Jeux olympiques. N'empêche, quand j'arrivais sur la glace, la Kim de toujours était là. Je suis compétitrice dans l'âme. C'est naturel pour moi de foncer et de vouloir gagner. Mais en dehors de la glace, ça a été un ajustement, parce que la motivation était un peu différente.»

La Montréalaise originaire de Sherbrooke a mis deux mois de plus que ses coéquipières avant de reprendre l'entraînement à temps plein. Elle a d'abord refait sa base aérobie en patinant avec l'équipe masculine du centre régional canadien sous la gouverne de Marc Gagnon. «On y a vraiment été de façon graduelle pour que je puisse être performante en fin de saison.»



«Une sage décision»

Quand elle a rejoint son groupe habituel, celui-ci se préparait pour les deux premières Coupes du monde de la saison, à Calgary et à Salt Lake City. Boutin avait déjà annoncé qu'elle n'y participerait pas. Le forfait d'une coéquipière a cependant ouvert une porte à une semaine du départ pour l'Alberta. Blackburn l'a refermée.

«J'avais le goût de partir, mais Fred a vraiment tiré la corde. Il a dit: "Kim, je ne pense pas que tu sois encore prête." Ça s'est bousculé un peu comme cheminement. Physiquement, j'étais prête, mais mentalement, mes objectifs n'étaient pas clairs. Mes coachs et mon entourage ont vraiment pris la décision pour moi. Je ne pense pas que j'étais assez lucide pour voir clairement les choses. Ça a vraiment été une sage décision. Je suis bien contente que mon coach ait tiré la laisse!»

Durant son éclipse médiatique de presque six mois, Kim Boutin a pris du temps pour digérer ce qu'elle a vécu à PyeongChang: les médailles, mais aussi les menaces de mort des partisans coréens sur les réseaux sociaux, après la disqualification de leur favorite Choi Min-jeong à la suite d'un contact avec la Canadienne. La tempête a laissé des traces.

«Je devais voir où j'en étais par rapport à moi. Ce n'est pas parce que je suis performante que j'ai envie de continuer. Ça a été un peu de revenir à la base, du pourquoi je patine. Qu'est-ce qui me motive? Est-ce je dois revenir à un niveau supérieur ou même égal? Est-ce moi qui exige ça ou est-ce la pression que je reçois de l'extérieur?»

Une psychologue l'a aidée à mettre les choses en perspective. En 2015 et en 2016, elle s'était aussi mise à l'écart de la compétition, une décision inhabituelle pour une athlète de son statut, mais qui lui a ultimement souri.

«Par rapport aux Jeux, je n'ai pas encore de réponses. Je suis encore en train de chercher toutes les émotions que ça a créées. Depuis à peu près trois mois, je reviens là-dessus avec ma psy. Je vois pourquoi je réagis comme ça. Je ne suis pas encore prête à donner de réponses pour le moment. C'est quelque chose que je prends par petites gouttes, chaque semaine. Je trouve ça le fun de prendre le temps. C'est un moment à moi, que je savoure actuellement. Quand les gens m'en parlent, on dirait que je ne peux pas aller plus loin. C'est encore très vague pour moi! Ça viendra peut-être.»

Son retour à la compétition a cependant confirmé son désir de se dépasser, de s'améliorer encore pour battre cette satanée Suzanne Schulting, qui l'a devancée deux fois au Kazakhstan. «Je pense que je suis sur la bonne voie, je sais pourquoi je fais ça.»

Photo Alain Roberge, La Presse

Kim Boutin