À la différence des Jeux olympiques de Sotchi, où deux chutes inexplicables l'ont sorti de la course, Charles Hamelin sait très bien pourquoi il n'est pas champion mondial: un dépassement téméraire en demi-finale du 1000 mètres qui lui a valu une disqualification et a ouvert la voie à son principal rival, le Russe Victor An.

«C'était ma faute, mon erreur», s'est blâmé Hamelin, très déçu, à la conclusion des Championnats du monde de patinage de vitesse de Montréal, hier après-midi.

Conséquence de son absence en finale du 1000 m, remportée par An, Hamelin devait absolument terminer parmi les trois premiers et surtout devancer le Russe lors de la «superfinale» de 3000 m, épreuve ultime des Mondiaux.

Ayant le beau jeu, An, un brillant tacticien, a dépassé Hamelin avec deux tours à faire, obligeant celui-ci à tenter le tout pour le tout dans le dernier virage. Les patins du Québécois ont accroché deux bornes, il est tombé sur le dos et a glissé jusque dans les coussins de protection. Son ambition de décrocher l'or à ses 10es Mondiaux individuels s'est éteinte en même temps que les cris des 4500 spectateurs partisans qui avaient rempli l'aréna Maurice-Richard.

«J'y allais pour la ligne assurément», a relaté Hamelin au sujet de sa dernière manoeuvre. «Je voulais essayer de le coiffer. Je prenais de la vitesse pour l'avoir, et je suis tombé.»

Sur l'écran, on a vu apparaître le visage en pleurs de sa blonde Marianne St-Gelais, qui attendait son amoureux sur le bord de la patinoire. Quand ils se sont fait une accolade, c'est presque Hamelin qui avait l'air de la consoler.

N'empêche, le triple champion olympique s'en voulait. Premier au début de la journée, il profitait d'un coussin de 31 points sur An. Quelques points supplémentaires au 1000 m auraient pu faire pencher la balance en sa faveur, ou à tout le moins changer le scénario du 3000 m.

Un dépassement trop serré

En demi-finale du 1000 m, Hamelin a réagi promptement quand le Chinois Jingnan Shi a pris sa mesure avec deux tours à faire. Malgré un espace quasi inexistant, le patineur de Sainte-Julie s'est glissé à l'intérieur dès le virage suivant, nuisant à l'avancée de Shi.

Par la suite, il a franchi la ligne au troisième rang. Son seul espoir était donc une requalification de la part des arbitres. Après consultation de la reprise vidéo, ceux-ci ont plutôt disqualifié le Canadien et requalifié le Chinois pour la finale.

«Je ne lui ai pas touché du tout, mais c'était un dépassement serré, a reconnu Hamelin. Quand c'est serré comme ça, l'arbitre peut pencher d'un côté comme de l'autre. C'est ma faute. Je n'aurais pas dû me mettre dans cette situation. J'aurais dû y aller par l'extérieur. Ça aurait été beaucoup plus facile pour moi.»

Huitième et dernier du 3000 m, Hamelin a dû se contenter du troisième rang au classement général. Cela lui vaut la cinquième médaille de sa carrière en 10 participations aux Mondiaux, mais l'or lui a encore échappé. Ça donne une idée de la valeur des quatre titres de Marc Gagnon, le dernier obtenu en 2001.

«Ce sera pour une prochaine fois», a espéré l'athlète de 29 ans, qui a déjà annoncé sa volonté de se rendre jusqu'aux JO de 2018.

De son côté, An est devenu champion mondial pour la sixième fois. Le Coréen d'origine avait déjà établi un record en remportant l'or cinq fois de suite de 2003 à 2007, à l'époque où il s'appelait Ahn Hyun-Soo. Après un froid avec sa fédération, la Russie lui a offert un pont d'or en vue des JO de Sotchi, où il a récompensé son pays d'accueil avec quatre médailles, dont trois en or.

Apparemment intouchable hier, An a cependant baissé la garde au relais 5000 m. À l'issue d'une finale un peu folle, à laquelle ne participait pas le Canada, le Russe s'est fait faire la barbe par les étonnants Néerlandais (or), les Coréens (argent) et même les Britanniques, dont le dernier finisseur, Jack Whelbourne, a joué son va-tout avant de tomber sur le dos et de se rendre jusqu'à l'arrivée les patins devant. La glissade a valu un bronze inespéré à son pays.