Vendredi soir, Joannie Rochette est rentrée dévastée dans sa chambre d'hôtel de Goyang City. Il y a longtemps qu'elle n'avait connu pareille déconvenue sur la patinoire. Sans énergie et désorientée par le décalage horaire avec la Corée, elle a abouti au sixième et dernier rang de ce programme court de la finale du circuit Grand Prix ISU de patinage artistique. «Un désastre total», fut son résumé.

Qu'allait-on penser d'elle ? se demandait Rochette, qui figurait parmi les favorites en vertu de ses victoires précédentes à Ottawa et à Paris. Et surtout : quel souvenir laisserait-elle aux juges avant les prochains Championnats du monde de Los Angeles ?  

On peut dire qu'elle a bien réagi. Face au gotha des meilleures patineuses de la planète, Rochette a livré une solide prestation, obtenant le troisième pointage du programme libre, samedi. Cette performance lui a permis de remonter au quatrième rang de la compétition remportée par la Japonaise Mao Asada. Avec un total de 166.36 points, la Québécoise a fini à moins de deux points de la troisième marche du podium et de l'Italienne Carolina Kostner (168.01).

 

La cérébrale Rochette a rapidement calculé qu'une combinaison dans son Lutz lui aurait permis de refermer ce mince écart. «En même temps - et je serai dure envers moi-même - je ne méritais pas d'être troisième ici à cause du court que j'ai fait. C'est une bonne claque derrière la tête», a-t-elle avoué à l'autre bout du fil, en route pour l'hôtel.

 

Deuxième à l'issue du programme court, Asada a démontré pourquoi Rochette la considérait comme la patineuse de l'heure, même si elle l'avait battue en novembre à Paris.

 

Rapide et gracieuse, la Japonaise de 18 ans n'a commis qu'une seule faute, une chute sur son triple flip, pour s'installer en tête. Dernière concurrente et double championne en titre, la Coréenne Yu-na Kim, poussée par un public sur le bord du délire, n'a pu lui résister. Asada, championne mondiale, l'a emporté avec 188.55 points, contre 186.35 points pour sa grande rivale, la reine Yu-na, qui est entraînée par le Canadien Brian Orser. Il s'agissait d'une première victoire pour Asada en finale du Grand Prix, compétition qui réunit les six meilleurs patineurs de chaque catégorie.

 

Première à s'élancer pour le programme libre, Rochette ne sentait pas beaucoup mieux que la veille. Le triple Lutz d'ouverture ne laissait d'ailleurs présager rien de bien encourageant. Mais l'athlète de 22 ans s'est ressaisie. Un deuxième triple Lutz changé en double a été sa seule erreur de parcours.

 

Rochette était surtout heureuse de la façon dont elle a conclu sa chorégraphie sur le Concierto de Aranjuez (ital.), un classique du patinage artistique. Le sourire cachait un niveau d'acide lactique frôlant le maximum. «J'ai réussi une fin de programme parfaite, ce que je n'ai pas fait à Skate Canada, a souligné la quadruple championne canadienne. Dans le fond, cette année, j'ai fait des parties de programme idéal. Il faut juste que je les mette ensemble. Je suis contente de ça, surtout que je manquais d'endurance à la fin. J'ai été capable de me dire : lâche pas, c'est important ces derniers éléments-là. C'était vraiment un combat dans ma tête.»

 

Rochette reviendra ragaillardie de ce périple coréen qui aurait pu virer au cauchemar. Sa troisième place au programme libre lui servira de carte de visite aux Mondiaux de Los Angeles, en mars.

 

«J'ai dû puiser dans mes réserves d'énergie, a-t-elle souligné. Ça montre aux juges de quoi je suis capable. Notre sport est jugé. C'est quand même important de laisser les juges sur une bonne impression. Une chance que j'ai fait ça ce soir. Sinon, j'aurais été dans le pétrin...»

C'est là que Rochette a dû interrompre la communication. Elle avait une terrible envie et une nuée de fans l'attendaient dans le lobby de l'hôtel. Ça lui aura fait une meilleure soirée.