Les militants occidentaux de la cause homosexuelle ont certes appelé au boycottage des JO d'hiver 2014 à Sotchi mais, en Russie, ils espèrent au contraire que les athlètes viendront et afficheront leur hostilité à une loi controversée.

L'appel au boycottage avait été lancé en Occident après la promulgation par le président Vladimir Poutine d'une loi punissant la «propagande» homosexuelle devant mineur. Un texte qui, selon ses adversaires, permettrait de condamner un couple homosexuel se tenant par la main en public.

Mais les militants homosexuels vivant à Sotchi estiment que leur cause serait mieux défendue si les athlètes participant aux JO affichaient ouvertement leur opposition à cette loi.

Les homosexuels de Sotchi sont «catégoriquement opposés au boycottage», a affirmé Andreï Tanitchev, propriétaire d'un club gai de cette ville des bords de la mer Noire, au pied de la chaîne du Caucase, dans le sud de la Russie.

Pour lui, les sportifs pourraient exprimer leur position d'une manière que les chaînes de télévision ne pourraient cacher: en arborant les couleurs de l'arc-en-ciel sur leurs vêtements pendant les compétitions.

«Sotchi plus homophobe que Moscou»

«La Russie ne pourra rien faire contre les athlètes qui ont l'intention de mettre un T-shirt avec un arc-en-ciel», a-t-il expliqué.

Vladislav Slavski, un élève de terminale qui milite pour les droits des homosexuels à Sotchi, s'affirme lui aussi opposé au boycottage.

Il estime que le Comité international olympique (CIO) devrait par contre prendre position en exigeant de la Russie qu'elle abroge la loi controversée.

Lors d'une visite à Sotchi fin septembre, Jean-Claude Killy, l'ancien champion de ski français, président de la commission de coordination des JO-2014, avait douché ces espoirs en déclarant que le CIO n'avait «pas vocation» à discuter des lois des pays hôtes.

Le président russe, Vladimir Poutine, a du reste interdit par décret toute manifestation à Sotchi qui n'aurait pas de lien avec les Jeux olympiques.

À l'AFP, qui lui demandait en septembre si cette formulation signifiait qu'une manifestation pour les droits des homosexuels serait interdite, le chef du Comité d'organisation russe Dmitri Tchernichenko avait répondu, de manière évasive, que la décision reviendrait aux autorités municipales.

Les militants locaux estiment cependant que la ville n'est guère encline à tolérer de telles manifestations. «Sotchi est encore plus homophobe que Moscou», estime Vladislav Slavski.

Pas de défilé de la fierté gaie

Selon lui, un défilé de la fierté gaie, sous la forme festive qu'elle a prise dans les pays occidentaux, serait de toute façon déplacée en Russie: «De quoi pourrait-on se réjouir? De l'homophobie, des meurtres et des suicides?»

En juin, il a organisé à Sotchi une petite manifestation pour les droits des homosexuels. Les policiers ne sont pas intervenus, mais selon lui simplement parce qu'ils ne comprenaient pas les slogans affichés en anglais.

Le jeune homme a tenté aussi de créer une organisation locale de défense des droits des homosexuels, mais il dit avoir abandonné, faute de soutien dans la communauté gaie locale.

«Personne n'ira à un défilé de la fierté gaie, et personne n'a besoin de ce type de parade aujourd'hui», dit Andreï Tanitchev, le patron du club gai, selon qui 99 % des clients de son club sont opposés à ce type d'événement «provocateur».

Cet homme d'affaires raconte que, par précaution, la porte d'entrée de son club est toujours fermée à clef et que tout nouveau venu doit être parrainé.

Vladislav Slavski affirme de son côté avoir été victime de harcèlement. «Je suis au lycée, et c'est l'enfer. Chaque jour j'y vais comme si j'allais au front», dit-il, expliquant avoir l'intention de quitter la ville après son baccalauréat, après avoir perdu espoir de changer les choses à Sotchi.