Au lendemain des Jeux olympiques de Pékin, le Canada s'est fixé un objectif ambitieux pour les JO de Londres: la 12e place au tableau des médailles. À six mois de l'échéance, la direction d'À nous le podium affiche un optimisme prudent.

Karine Sergerie était soulagée comme jamais en reprenant l'entraînement à Québec en début de semaine. Elle revenait d'une semaine de congé après avoir assuré sa qualification pour le tournoi de taekwondo des Jeux olympiques de Londres, dans le cadre d'une compétition de sélection à Vancouver.

Le processus a été éprouvant. Sergerie s'était pourtant jurée de le vivre plus sereinement que celui pour les Jeux de Pékin, où elle a gagné la médaille d'argent. «Finalement, ça a juste été plus difficile!» s'exclame-t-elle en entrevue téléphonique.

Sergerie évoque les critères parfois flous et contradictoires de sa fédération nationale, qui s'est déjà fait réprimander financièrement par l'organisme À nous le podium.

Par ordre du Comité international olympique, les places pour le tournoi olympique sont aussi plus restreintes que pour les Championnats du monde. Sergerie a donc dû changer de catégorie de poids et se mesurer à Melissa Pagnotta, une rivale ontarienne qui, en d'autres circonstances, est une coéquipière en compétition internationale.

Après une défaite, Sergerie a remporté l'affrontement décisif 6-3. Au terme du combat, elle s'est excusée auprès de son adversaire d'avoir brisé son rêve olympique. Quelques jours plus tard, Pagnotta lui a envoyé un courriel touchant. «Elle disait que j'avais fait de super bons combats, que j'étais son idole et de m'amuser à Londres, a expliqué Sergerie. Je ne savais pas trop quoi répondre.»

Des ennuis de santé, dont Sergerie refuse de préciser la nature, ont aussi représenté une sérieuse embûche sur son chemin vers Londres. Elle remercie son entraîneur Alain Bernier et l'équipe de professionnels qui l'entoure, sans qui elle ne serait pas passée à travers, pense-t-elle.

«Honnêtement, il y a eu un temps où je me suis dit: je ne sais pas si j'ai la force pour le faire, raconte l'athlète qui aura 27 ans le 1er février. J'ai eu des doutes et je ne suis pas une personne qui doute de moi, surtout pas quand il s'agit de mon sport. Ça fait tellement longtemps que je le pratique. Les sensations et la confiance que j'éprouve habituellement n'étaient pas là. Quand je me suis qualifiée, j'étais donc très contente, mais aussi très soulagée.»

Moins spectaculaire, aussi ambitieux

À six mois de la cérémonie d'ouverture des Jeux de Londres, Sergerie peut maintenant se concentrer uniquement sur sa préparation, comme ses partenaires d'entraînement Sébastien Michaud et François Coulombe-Fortier, les deux autres qualifiés canadiens en taekwondo.

Médaillée de bronze aux Mondiaux de 2011, Sergerie fait partie des athlètes ciblés par À nous le podium (ANP) pour contribuer à la cueillette de médailles canadiennes dans la capitale britannique.

Ce sera forcément moins spectaculaire qu'à Vancouver. Aux derniers Jeux d'hiver, l'équipe canadienne a frappé l'imaginaire en gagnant un nombre record de 14 médailles d'or, ce qui lui a permis de trôner au sommet du classement. Plus modeste en apparence, la cible pour les prochains Jeux d'été est néanmoins élevée: le 12e rang au total des médailles.

À Pékin, il y a quatre ans, le Canada avait surpris en terminant au 14e rang du tableau cumulatif des médailles, avec 18, à égalité avec l'Espagne. Pour atteindre la 12e place, les athlètes canadiens devront décrocher entre 22 et 25 médailles, calcule ANP, l'organisme national chargé de financer la performance de pointe. Ce ne sera pas une mince tâche. La dernière récolte équivalente remonte à la belle époque de Donovan Bailey, Bruny Surin et Marnie McBean, aux JO d'Atlanta, en 1996.

«Considérant les 18 médailles qu'on a gagnées à Pékin, c'est certainement un but ambitieux pour notre pays», reconnaît Anne Merklinger, la nouvelle directrice générale d'ANP, qui a profité d'un budget d'un peu plus de 32,5 millions pour 2011-12 comme directrie des sports d'été olympiques et paralympiques. «On place la barre haut et ça nous met au défi.»

En 2011, le Canada s'est classé au 14e rang avec 17 podiums dans les épreuves olympiques présentées dans le cadre de championnats du monde. Grimper de deux positions représentera un «grand pas» étant donné le grand nombre de pays qui se situent dans ce segment du tableau (entre 16 et 21 podiums). «Une seule médaille fera une grande différence sur notre rang au classement cumulatif», rappelle Mme Merklinger. «À ce point-ci, nous sommes confiants que le but est toujours à notre portée.»

Cette dernière trouve son encouragement dans le nombre d'athlètes canadiens qui ont fini quatrièmes ou cinquièmes à des championnats du monde. «C'est arrivé à neuf reprises, souligne la directrice générale. À ce chapitre, on est deuxième parmi les pays qui se battent contre nous.»



Photo: Bernard Brault, La Presse

Karine Sergerie (taekwondo) fait partie des athlètes ciblés par À nous le podium pour contribuer à la cueillette de médailles canadiennes aux JO de Londres.

Les mauvaises surprises

Il faudra néanmoins «convertir» ces espoirs en métal sonnant. L'aviron, le plongeon, le canoë-kayak, la natation et la lutte féminine figurent parmi les sports les plus prometteurs. «Le sport qui a vraiment bondi parmi les médaillés potentiels est le cyclisme, souligne Merklinger. Ils n'ont pas gagné une médaille à Pékin et sont très bien positionnés pour en gagner une sinon plus à Londres.»

Le Comité olympique canadien espère aussi un premier podium en sport d'équipe depuis l'argent de l'équipe de basketball aux Jeux de... 1936. Le water-polo féminin et le soccer féminin sont les deux sports les plus susceptibles d'y arriver. Les deux équipes devront d'abord se qualifier pour les JO. En water-polo, ça se passera en Italie en avril. L'équipe canadienne de soccer tentait pour sa part d'assurer sa qualification en battant le Mexique en demi-finale de la Qualification olympique de la CONCACAF, tard vendredi soir, à Vancouver.

L'équipe canadienne n'est pas à l'abri de mauvaises surprises. Comme la mort subite de Hickstead, le cheval du champion olympique Éric Lamaze. Le cavalier a récemment acquis quatre nouvelles montures dans l'espoir de défendre son titre.

Dans un registre moins dramatique, il y a quatre ans, Judo Canada s'était engagée à gagner une médaille à Londres. Le Montréalais Sergio Pessoa était identifié comme le grand espoir. Des blessures ont toutefois ralenti sa progression. Il doit reprendre la compétition le mois prochain après une absence de six mois à la suite d'une rupture d'un ligament croisé antérieur.

«Avoir su toutes les difficultés rencontrées par Sergio durant le cycle, on aurait peut-être eu des objectifs un peu plus modestes, admet Nicolas Gill, entraîneur-chef national. On a quand même espoir que tout se replace en ce qui concerne la santé et qu'il puisse bien performer à Londres.»

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LE TOP 25 DES PAYS EN 2010-2011

Basé sur les résultats aux championnats du monde de 2011 et/ou 2010 dans 297 des 302 épreuves au programme des Jeux olympiques de Londres*

Rang - Pays - Or - Argent - Bronze - Total de médailles

1 - Chine - 43 - 32 - 28 - 103

2 - États-Unis - 36 - 19 - 27 - 82

3 - Russie - 30 - 22 - 24 - 76

4 - Grande-Bretagne - 13 - 30 - 16 - 59

5 - Allemagne - 14 - 20 - 20 - 54

6 - Japon - 14 - 12 - 16 - 42

7 - France - 13 - 11 - 17 - 41

8 - Australie - 15 - 13 - 6 - 34

9 - Italie - 12 - 7 - 12 - 31

10 - Corée-du-Sud - 6 - 6 - 15 - 27

11 - Nouvelle-Zélande - 7 - 5 - 9 - 21

12 - Ukraine - 6 - 3 - 11 - 20

12 - Pays-Bas - 5 - 8 - 7 - 20

14 - Kenya - 7 - 6 - 4 - 17

14 - Brésil - 7 - 5 - 5 - 17

14 - Belarus - 5 - 5 - 7 - 17

14 - Canada - 4 - 9 - 4 - 17

14 - Espagne - 4 - 1 - 12 - 17

19 - Hongrie - 5 - 5 - 6 - 16

19 - Kazakhstan - 2 - 7 - 7 - 16

21 - Iran - 7 - 3 - 5 - 15

22 - Azerbaïjan - 4 - 3 - 7 - 14

23 - Pologne - 2 - 7 - 3 - 12

23 - Cuba - 2 - 4 - 6 - 12

25 - Turquie - 2 - 5 - 3 - 10

* Exclut les cinq épreuves de tennis

Source: À nous le podium

Photo: AP

L'équipe canadienne n'est pas à l'abri de mauvaises surprises. Comme la mort subite de Hickstead, le cheval du champion olympique Éric Lamaze.