David Boily s'est mis au vélo à l'âge de 14 ans après 10 ans de patinage artistique. Bien qu'il soit surtout reconnu comme un grimpeur, le cycliste de 21 ans s'emploie actuellement à se développer comme coureur de classement général.

David Boily nous attendait dans le stationnement du Village Vacances Valcartier. Ça sentait le chlore et on entendait les adolescents rire dans les glissoires à quelques mètres de là. Le cycliste de 21 ans ne nous avait pas conviés à une baignade. Le complexe aquatique servait simplement de point de départ à cette randonnée vers Tewkesbury et Stoneham.

Normalement, Boily part à vélo de chez lui à Neufchâtel, pour un aller-retour qu'il complète en trois heures et demie. Il voulait nous épargner le «bout un peu plate» pour sortir de la ville et nous faire plonger dans le vif du sujet : la route ondulée qui serpente le long de la magnifique rivière Jacques-Cartier et ses reflets cuivrés.

C'est beau dès qu'on sort de Valcartier et qu'on traverse le petit pont au revêtement de bois. Boily y passe presque une fois par semaine pour l'entraînement. Le rang de campagne et l'air pur lui rappellent son Alma natal. «La route est assez belle, ce qui est maintenant très rare au Québec», souligne-t-il en saluant un couple de cyclistes arrivant en sens inverse.

Peu de voitures, un accotement raisonnable, mais on roule côte à côte et quelques conducteurs de camionnettes signalent leur mécontentement en klaxonnant. On frissonne un peu quand un miroir frôle le coude de notre guide. Il hausse les épaules: «Ça fait partie de mon métier de cycliste. C'est bien pire dans la ville de Québec.»

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De Valcartier à Tewkesbury, ça monte constamment. Parfois un peu sec, avec un passage à 14% et un autre à 17%. Curieusement, ça ne paraît pas tant que ça. Sans doute parce que Boily, comme la plupart de ses collègues professionnels, est un gentleman. Il se met subtilement à mon rythme et on peut parler entre deux de mes halètements.

À six pieds et 130 livres, Boily est très à l'aise en montagne. Ce n'est pas un hasard si, en février, il a décroché le maillot de meilleur grimpeur au Tour de Sardaigne, sa toute première course par étapes en Europe. Il raconte le détail de son exploit, la contribution indispensable de ses équipiers de SpiderTech, dont il porte les couleurs depuis deux ans.

Un grimpeur, donc, qui veut se développer comme coureur de classement général. Une rareté au Québec, où sprinters et spécialistes de courses d'un jour ont occupé le haut du pavé depuis une dizaine d'années. Physiquement, il fait un peu penser à Andy Schleck. Boily rétorque que le Luxembourgeois est plus grand et plus léger que lui.

Pour parvenir à ses fins, Boily veut développer ses qualités de contre-la-montreur. Il a fini 25e des Mondiaux U23 l'automne dernier, une course qu'il a d'ailleurs préparée sur la route de Tewkesbury, en roulant derrière une moto pilotée par son coéquipier Bruno Langlois, fréquent partenaire d'entraînement. «Aux prochains Mondiaux de Copenhague, j'aimerais bien percer le top 15», dit Boily, à qui il reste deux saisons chez les U23.

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Avant de se mettre au vélo, Boily a fait 10 ans de patinage artistique, le sport de sa mère, qui l'enseigne toujours. Il était très bon, le Comité olympique canadien l'identifiant comme espoir il y a une dizaine d'années. Il s'est déjà classé quatrième des championnats canadiens juvéniles, à quelques centièmes de point du podium et d'un certain Patrick Chan, futur champion du monde.

«Physiquement, les deux sports ne se ressemblent pas du tout, dit-il. Mais j'ai forgé mon caractère en patin et ça m'est resté en vélo. Quand tu tombes 200 fois sur la glace, ça fait mal. Tu te relèves quand même. Dans une bosse, quand ça fait mal, je me dis que les autres aussi ont mal. Alors tu enlèves une dent et tu continues.»

Il s'est mis au vélo à 14 ans, suivant ainsi les traces de son père, un ancien coureur amateur. Un talent naturel? Pas du tout, répond Boily. À ses premières courses, le temps qu'il réussisse à enclencher ses pédales, le peloton s'était déjà envolé.

Quand même, quelques années plus tard, il a pris le troisième rang du Tour de l'Abitibi. «C'était mon premier podium dans une course internationale. Ça a été un déclic», souligne-t-il.

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La petite église en bois de Tewkesbury, qui domine la vallée de la Jacques-Cartier, annonce les dernières dizaines de mètres d'ascension. On fond ensuite vers Stoneham. À 60-65 km/h, la tête presque posée sur ses avant-bras, Boily raconte comment il a modifié sa position de contre-la-montre après de récents tests en soufflerie. «En cyclisme, les détails font la différence», glisse-t-il avec l'assurance d'un vétéran.

Après une trentaine de kilomètres à pédaler, on s'arrête au dépanneur Ultramar situé tout près de la route 175 qui mène à Saguenay. Boily s'assoit pour engloutir un strudel aux pommes, un énorme muffin au chocolat et un Coke. Ça promet pour le retour.

Sagement, j'accepte l'offre du photographe Hugo-Sébastien: je prendrai le volant pendant qu'il tournera des images en vue du reportage vidéo pour Cyberpresse.

Le retour vers Valcartier ne prend pas beaucoup plus qu'une demi-heure. Et il est spectaculaire. Calé dans le coffre arrière, profitant de l'aspiration, Boily file de 40 à... 80 km/h. Il s'amuse comme un fou. Je le vois dans le rétroviseur, zigzaguant devant l'objectif de la caméra en riant. Après une demi-heure de ce manège, il tire quand même la langue, ce qui me rassure un peu. «J'ai fait des intervalles hier. Je commence à avoir mal à la vie...»

On s'arrête dans le petit parc jouxtant le pont de bois pour une séance photo et vidéo. Boily répond patiemment aux questions. Impassible même si les moustiques lui bouffent les bras et les jambes. À la fin, on sent qu'il en a assez. Il nous serre la main avant de remonter en selle. Deux motards, assis sur un banc à siroter leur bière d'après-promenade, se demandent avec qui ils viennent de partager leur belle route.

Photo: Hugo-Sébastien Aubert, La Presse

Le retour de Stoneham vers Valcartier ne prend pas beaucoup plus d'une demi-heure. Et il est spectaculaire. Calé dans le coffre arrière, profitant de l'aspiration, David Boily file de 40 à... 80 km/h. Et il s'amuse comme un fou.