Le désir de Floyd Landis de commanditer une équipe cycliste québécoise avec son entreprise de produits dérivés du cannabis risque de se heurter aux rigueurs de la loi québécoise.

Alors que le Canada légalise la marijuana à partir d'aujourd'hui, les dirigeants de la future formation établie à Montréal se demandent toujours si ses coureurs pourront porter les couleurs de Floyd's of Leadville, producteur américain de cannabidiol (CBD), une composante non psychoactive du cannabis dont les prétendues vertus suscitent intérêt et méfiance dans le monde du sport.

«Avant de commencer le projet, nous avions confiance que cela pouvait être fait parce que Floyd's of Leadville ne vend que des produits de CBD dérivés de la marijuana qui ne contiennent pas de THC et qui sont spécifiquement mis en marché pour les athlètes», a indiqué lundi Scott McFarlane, copropriétaire de l'équipe.

L'homme d'affaires et entraîneur montréalais dit être actuellement en discussion avec Cyclisme Canada et Sport Canada. Il pense pouvoir obtenir des clarifications d'ici une semaine ou deux.

«Les lois autour du marketing dans les sports sont très brumeuses, a affirmé McFarlane. Elles semblent parfois faire la distinction entre le chanvre et les produits dérivés de la marijuana, et d'autres fois non. On a parlé à quelques personnes en amont et on s'est fait dire que ça devrait être correct. Notre compréhension est que ce serait possible [de commanditer une équipe]. En ce moment, on essaie de s'assurer que tout cela est bel et bien exact.»

Comme le tabac

Au Québec, une telle commandite pourrait poser problème. La Loi encadrant le cannabis interdit clairement «d'associer à une promotion du cannabis, d'une marque de cannabis, de la SQDC [Société québécoise du cannabis] ou d'un producteur de cannabis toute commandite directe ou indirecte». Une publicité ne peut non plus associer «directement ou indirectement l'usage du cannabis ou d'un accessoire à un style de vie», écrit le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) dans son site internet sur le cannabis.

Contrairement au THC (tétrahydrocannabinol), le CBD n'a pas de propriétés psychoactives et ne crée donc pas de buzz. La composante se présente généralement sous forme d'huile, de gélule, de supplément en poudre ou même de crème. Depuis le 1er janvier, le CBD ne fait plus partie de la liste des interdictions de l'Agence mondiale antidopage (voir autre onglet).

«Je me sens coupable»

Dans un texte publié il y a deux semaines dans le Wall Street Journal, Landis annonçait sa volonté de faire un retour dans le cyclisme. Dépossédé de sa victoire au Tour de France 2006 après un test antidopage positif à la testostérone, l'Américain de 44 ans affirmait vouloir réinvestir l'argent obtenu dans le cadre de la poursuite pour fraude du gouvernement américain contre Lance Armstrong.

À titre de lanceur d'alerte, Landis aurait reçu 1,1 million des 5 millions de dollars américains versés par son ancien coéquipier déchu dans le cadre d'une entente à l'amiable. Après paiement de ses frais juridiques, il lui resterait 750 000 $ US, qu'il compte injecter entièrement dans une équipe de développement portant le nom de Floyd's of Leadville, sa société productrice de CBD qui doit aussi contribuer au capital.

«Je me sens coupable de ce qui est arrivé, mais tu ne peux jamais revenir en arrière et changer les décisions que tu as prises, avait fait valoir Landis au quotidien américain. Au moins, les gens peuvent voir que je suis prêt à passer à autre chose.»

Plutôt que de bâtir une formation à partir de zéro, Landis s'est associé à son ancien coéquipier ontarien Gord Fraser et à McFarlane, respectivement directeur sportif et directeur général de la maintenant défunte équipe canadienne Silber Pro Cycling, dont le principal financier, l'homme d'affaires Arthur Silber, a tiré sa révérence après cinq ans.

L'apport de Landis doit permettre à quelques cyclistes canadiens et québécois prometteurs de poursuivre leur carrière sur le circuit nord-américain. Floyd's of Leadville doit également compter sur des cyclistes américains. Mais la licence continentale (troisième division) canadienne recherchée garantit une majorité de coureurs à la feuille d'érable.

Selon McFarlane, pour qui cette facture canadienne était incontournable, l'incertitude entourant la commandite ne met pas en péril le lancement de la nouvelle formation.

«N'oublions pas que l'équipe est financée en grande partie par l'entente sur la poursuite dénonciatrice contre Lance Armstrong, a-t-il précisé. Ce n'est pas Floyd's of Leadville, c'est Floyd Landis qui dit: "Je ne veux pas faire un profit sur la période où j'ai triché".»

Une loi «obscure»

Pour l'heure, McFarlane veut des éclaircissements sur les applications d'une loi qu'il juge «obscure». «Je veux des assurances avant de pouvoir aller de l'avant parce que je ne veux pas amener dans le sport des problèmes dont je ne serais pas au courant.»

Me Mylany David incite l'équipe à la plus grande prudence. Avocate associée à la firme Langlois, elle représente depuis un an et demi des clients dans l'industrie du cannabis.

«Je les inviterais à ne pas afficher leur logo sur le maillot des cyclistes jusqu'à ce qu'il y ait des amendements à la loi permettant de le faire», a-t-elle prévenu.

Au Canada, le CBD n'est pas distingué du cannabis dans les textes de loi. «On comprend qu'il y aura probablement des règlements futurs, des spécifications concernant le CBD, mais ce n'est pas encore en vigueur et ça n'existe pas aujourd'hui», a précisé Me David.