Quand la photo a été publiée sur les réseaux sociaux, il y a quelques jours, Geneviève Jeanson ne pensait pas qu'elle susciterait autant de réactions.

On y voit l'ancienne championne déchue à côté d'un vélo flambant neuf. «C'est avec une immense fierté que nous accueillons dans notre 808 Crit Team la plus grande championne cycliste que le Québec ait connue», pouvait-on lire le 23 avril sur Facebook.

Le 808 Crit Team se présente comme une équipe de coureurs montréalais qui utilisent des vélos à pignon fixe, bref, sans vitesses, sans dérailleur et sans roue libre. L'équipe participe à des courses qui ne sont pas encadrées par les fédérations sportives, comme le Red Hook Criterium qui avait lieu à New York à la fin d'avril. Elle est affiliée à une boutique de vélos du quartier Saint-Henri, à Montréal.

La photo et la phrase ont piqué la curiosité de la communauté cycliste. Des publications comme Pedal Magazine se sont posé la question: est-ce que Jeanson se prépare à revenir à la compétition? La cycliste qui a admis avoir consommé de l'EPO tout au long de sa carrière est suspendue jusqu'au 20 septembre 2017. Mais ce type de courses de vélos à pignon fixe n'est pas régi par l'Union cycliste internationale. Serait-ce une manière de contourner le règlement?

Pas du tout, assure Jeanson.

«Des courses de vélo, je pense que je n'en ferai plus jamais de ma vie. Même dans n'importe quel autre sport. Ça ne me tente plus de faire des courses. Ça ne me tente plus, la compétition», clame l'ancienne cycliste de 33 ans en entrevue.

Elle explique que la boutique publie des photos de tous les clients qui achètent un nouveau vélo, ce qu'elle venait de faire. Et sa participation avec l'équipe va se résumer à un ou deux entraînements par semaine. Pour elle, il n'y aura pas de course.

«Ils m'ont dit que ce serait le fun que je roule avec l'équipe. J'ai accepté, ça me tente. J'aime encore ça, faire du vélo. La culture du fixed, c'est quelque chose que je ne connais pas, explique Jeanson. Après une journée à l'université ou au travail, je trouve ça plate, de rouler seule. Pour moi, c'était juste de m'entourer de gens différents qui tripent sur le vélo.»

Geneviève Jeanson a écrit quelques-unes des pages les plus belles, mais surtout les plus sombres, du cyclisme québécois des années 2000. Elle a admis en 2007 avoir utilisé de l'EPO dès l'âge de 16 ans. Elle s'est ensuite exilée aux États-Unis puis est rentrée au Québec en 2012. Le film La petite reine, qui raconte en partie son parcours, a remis son nom sous les projecteurs.

Mais depuis des mois, on n'entendait plus parler de Jeanson, qui ne s'en plaignait pas. Elle étudie la neuroscience à l'université et travaille dans un restaurant de Saint-Henri.

«Je n'aurais jamais pensé que cette photo allait faire le tour du monde comme ça. Quand j'ai vu ça, je me suis sentie mal. Je me suis dit: "Dis-moi pas que je vais retomber dans toutes sortes d'histoires.» Je veux juste vivre ma petite vie tranquille", regrette-t-elle.

La plus grande de l'histoire?

La phrase utilisée par l'équipe cycliste pour présenter Jeanson en a toutefois fait rager plus d'un. «La plus grande championne cycliste que le Québec ait connue» a ensuite été modifiée sur Facebook pour «l'une des plus grandes...» Mais le mal était fait.

«Ce que j'ai trouvé déplorable, cela dit, c'est que la boutique la présente comme la plus grande championne cycliste au Québec, déplore Louis Barbeau, directeur général de la Fédération québécoise des sports cyclistes. C'est un commentaire d'abord tout à fait inexact et ensuite malheureux.»

«Sachant dans quel contexte elle a eu les performances qu'elle a eues, personne ne peut faire ce genre d'affirmation là, continue Barbeau, qui avait été mis au fait de la photo et de la diffusion Facebook dans les jours suivant leur publication. Est-ce que Geneviève Jeanson aurait pu être une grande cycliste sans faire usage de produits dopants? Possible. Mais on ne le saura jamais. Elle-même ne le saura probablement jamais et c'est très malheureux pour elle.»

Visiblement mal à l'aise devant ce début de controverse - qui semble surtout le résultat de l'enthousiasme malhabile d'un propriétaire de boutique -, Jeanson s'est dite à la fois «flattée» et «gênée» par la phrase.

«Peu importe, ça ne s'applique plus, maintenant. J'ai une vie différente, maintenant. La dernière course que j'ai faite, c'était en 2005. Ça fait dix ans! De l'eau a coulé sous les ponts.»

Elle veut maintenant se concentrer sur ses études, son travail, et rouler pour le plaisir avec d'autres passionnés.

«Aller à l'université, c'est tellement difficile que pour moi, elle est là, maintenant, ma compétition, dit-elle. Je veux finir mes études et trouver un travail dans mon domaine. C'est ça, ma compétition.»