Édouard Fullum-Huot a reçu un texto inattendu la semaine dernière. Celui de Yannick Lupien, qui le complimentait pour avoir battu son record provincial au 100 m libre aux Essais canadiens de natation Bell, vendredi soir, à Toronto.

La marque de Lupien (49,65 s) tenait depuis les Jeux du Commonwealth de Melbourne en 2006. Fullum-Huot avait alors 3 ans.

« Il m’a écrit personnellement pour me féliciter et me dire que j’étais sur la bonne voie », a relaté le Montréalais maintenant âgé de 20 ans, lundi après-midi, alors qu’il revenait de Toronto avec son père.

« J’étais très content et surpris qu’il suive encore ça. C’est quand même une légende dans l’histoire du Québec au sprint. »

Fullum-Huot a franchi les deux longueurs en 49,43 s pour terminer troisième de la finale et ainsi se qualifier pour le relais des Championnats du monde aquatiques de Fukuoka, au Japon, du 23 au 30 juillet. C’est une première pour lui.

« C’était un objectif, mais les performances que j’ai faites aux Essais sont surprenantes. C’était ma première compétition de l’année en grand bassin, je ne savais pas trop à quoi m’attendre. »

Au 50 m libre la veille, le représentant du club de natation de Pointe-Claire (PCSC) a bien failli garantir sa place dans cette épreuve, se classant deuxième… à quatre centièmes de la norme minimale de World Aquatics. Il a réalisé un autre record provincial. En théorie, il devrait néanmoins pouvoir nager cette course au Japon.

« C’est sûr que j’aurais aimé faire le temps A, mais je ne pouvais pas demander beaucoup mieux pour cette compétition. »

Fullum-Huot fait partie des 14 athlètes masculins sélectionnés par Natation Canada pour les Mondiaux. Deux coéquipiers au PCSC l’accompagneront : Eric Brown, vainqueur des 400, 800 et 1500 m libre, et Patrick Hussey, médaillé d’argent au 200 m libre. Le natif de Montréal Ilya Kharun, un spécialiste du papillon qui nage dans le Nevada, figure également parmi les élus.

PHOTO SCOTT GRANT, FOURNIE PAR NATATION CANADA

Patrick Hussey

Du côté féminin, Katerine Savard (100 m papillon) et Mary-Sophie Harvey (4 x 100 m, 4 x 200 m), coéquipières au club CAMO, ont atteint la cible dans un groupe féminin de 17 nageuses mené par la sensation Summer McIntosh, 16 ans et auteure de deux records mondiaux à Toronto.

Au total, ce sont donc cinq nageurs représentant la fédération québécoise qui participeront aux Championnats du monde. Tout un contraste avec 2019, où aucun n’avait fait la cote, tant chez les juniors que chez les seniors.

Fullum-Huot attribue son éclosion à sa dernière année passée chez les Gators de l’Université de Floride, où l’environnement est ultra compétitif, ne serait-ce que pour la qualification interne en vue des duels et des championnats de division.

« C’est ça qui fait toute la différence, a affirmé l’étudiant de première année en management du sport. Dans le fond, chaque entraînement est une compétition. Toutes les personnes avec qui on s’entraîne sont de niveau mondial. Tout le monde veut faire des équipes internationales, aller aux Olympiques. On a tous les mêmes buts et on travaille dans le même sens. Ça nous pousse à nous améliorer. »

« On apprend beaucoup »

Avec les Gators, un mélange de professionnels et d’étudiants comme lui, il côtoie entre autres Katie Ledecky, septuple championne olympique et plus grande crawleuse de l’histoire. Plus récemment, Caeleb Dressel, quintuple médaillé d’or aux Jeux de Tokyo qui avait pris une pause, réintègre graduellement son groupe.

« La première fois que je me suis retrouvé dans le même couloir que lui, c’était vraiment impressionnant de le voir nager, pousser du mur, faire des coulées, a admis l’athlète originaire d’Hochelaga-Maisonneuve. On apprend beaucoup. »

Ancien des clubs CAMO et Neptune Natation au Stade olympique, Édouard Fullum-Huot a déménagé en pension dans l’ouest de l’île pour se joindre au PCSC en cinquième secondaire. « Je voulais étudier en anglais pour aller à l’université à l’extérieur du Québec et vivre une autre expérience. »

L’an dernier, son entraîneur Martin Gingras l’a mis en contact avec Anthony Nesty, champion olympique pour le Surinam et entraîneur-chef avec l’Université de Floride, une puissance de la natation américaine et mondiale. Eric Brown, de Pointe-Claire, a suivi Fullum-Huot en Floride.

PHOTO SCOTT GRANT, FOURNIE PAR NATATION CANADA

Eric Brown

« C’est ma réalité, a expliqué Martin Gingras. Je suis un développeur. Mon rôle est d’amener les athlètes au plus haut niveau possible avant qu’ils aient 19 ans. »

N’est-ce pas frustrant de perdre ses meilleurs éléments au profit du système universitaire américain ?

« C’est dur, tu n’as pas idée comment, a-t-il admis. Il y a un peu de jalousie là-dedans. Je dois me dire que s’ils se sont rendus là, c’est parce que je leur ai donné de bons outils pour continuer à performer. »

Le niveau des clubs de la NCAA n’a pas d’équivalent au Canada, souligne-t-il. Eric Brown a réussi le doublé 800 m-1500 m pour la troisième année de suite sur la scène nationale. « Peu importe où il va au Canada, il est le meilleur. »

En Floride, Brown compte sur une douzaine de partenaires d’entraînement avec qui il doit rivaliser sur une base quotidienne. « Il s’entraîne avec Ledecky tous les jours. Il faut que tu te tiennes les fesses serrées avec elle si tu ne veux pas te faire battre ! C’est un environnement d’entraînement incroyable. »

Même chose avec Fullum-Huot, qui se frotte à son ami et compatriote Josh Liendo, le meilleur nageur canadien actuellement.

« Il y a d’autres gars super forts dans le sprint en Floride, a rapporté Gingras. Ils m’ont dit que leur entraînement ressemble énormément à ce que j’écrivais sur le tableau ici. Édouard ne nage pas différemment et il n’a pas changé sa technique par rapport à l’an passé. Il est juste plus fort et il a développé une confiance qu’il n’avait pas parce qu’il est mis au défi tous les jours. »

Fullum-Huot veut poursuivre sa progression et se qualifier pour les Jeux olympiques de Paris, où les critères seront resserrés l’an prochain.

« Je suis sur la bonne voie, surtout au 50 m. Le but d’Anthony Nesty est de mettre le plus de monde possible dans des équipes olympiques. C’est l’un des objectifs. On s’entraîne donc beaucoup en long bassin, même pendant la saison universitaire [en verges]. »

Une petite seconde

Patrick Hussey, de Beaconsfield, vient pour sa part de conclure sa troisième année à l’Université de Caroline du Nord, où il étudie en économie. Mark Gangloff, double médaillé d’or olympique au relais, est son entraîneur.

« Ma sœur l’a fait avant moi et elle était heureuse de son expérience, a-t-il expliqué à son retour à Chapel Hill, lundi après-midi. Je voulais suivre ses traces. J’ai trouvé une bonne école qui voulait me soutenir et de bons entraîneurs qui voulaient que tous mes rêves s’accomplissent. C’est quand même difficile d’équilibrer les études et la natation, mais ça va quand même bien. »

Hussey s’est qualifié au relais 4 x 200 m avec une médaille d’argent à l’épreuve individuelle et un record provincial. Il a retranché deux secondes à son meilleur temps établi un an plus tôt.

« Je suis à seulement une seconde du standard olympique, a mentionné celui qui avait pris part aux Mondiaux de Budapest et aux Jeux du Commonwealth l’an dernier. Ça me motive à m’améliorer beaucoup et ça me rapproche de mon but de faire l’équipe olympique. »

Summer McIntosh, Maggie Mac Neil et Taylor Ruck nagent elles aussi aux États-Unis. Parmi les vedettes féminines, Penny Oleksiak fait maintenant figure d’exception, elle qui parfait sa rééducation au Centre de haute performance de l’Ontario à Toronto, sous la supervision de l’entraîneur montréalais Ryan Mallette.

Les cinq nageurs québécois qualifiés pour les Mondiaux se retrouveront pour un stage de préparation de Natation Canada à Majorque. Ils participeront ensuite aux étapes de Barcelone et de Monaco du circuit de la Mare Nostrum.

Yannick Lupien sera sûrement à l’affût.