Sans grand fracas, la LHJMQ a dévoilé la semaine dernière de nouvelles mesures destinées à « prévenir les comportements problématiques » au sein du circuit. Si cette initiative est perçue comme un pas dans la bonne direction, elle est néanmoins jugée « maladroite » par deux organismes qui viennent en aide aux victimes d’agressions sexuelles.

La nouvelle politique se décline en deux volets. D’une part, la ligue renforce la prévention auprès des joueurs, en s’appuyant sur les programmes déjà en place et en ajoutant des séminaires obligatoires sur les violences sexuelles et sur la notion de consentement. L’autrice et chercheuse bien connue Léa Clermont-Dion donnera notamment des formations aux athlètes et aux entraîneurs. Les joueurs devront par la suite signer un « code de conduite », lit-on dans la documentation fournie par la ligue.

D’autre part, un processus d’« intervention » a été mis en place pour accompagner les personnes visées par des « incidents d’agression ou de violence ».

Cette démarche vise à encourager les « présumées victimes » à dénoncer les comportements inappropriés. On les invite d’abord à alerter la police, « la voie prioritaire pour les victimes dans notre société ». Si la personne ne souhaite pas le faire, elle peut se tourner vers un comité indépendant formé de huit membres de différents horizons — des psychologues, un avocat et un policier à la retraite, par exemple, mais également des visages connus du sport québécois comme Patrice Bernier, lui-même un ancien joueur de la LHJMQ, et Isabelle Leclaire, entraîneuse des Carabins de l’Université de Montréal. La ligue précise qu’un membre du comité recevra la plainte et qu’un « processus d’enquête interne » sera déclenché. Trois membres seront mis à contribution « s’il y a une situation à gérer ».

Si une victime ne souhaite emprunter aucune de ces deux avenues, elle peut communiquer directement avec la directrice des services aux joueurs de la LHJMQ, qui traitera l’affaire avec le commissaire et les avocats du circuit.

« À l’interne »

En entrevue avec La Presse, le commissaire Gilles Courteau souligne que cette nouvelle politique vise à indiquer « clairement » aux joueurs « les conséquences que peuvent avoir » les gestes qu’ils posent. De fait, une plainte déposée à la police entraînera une suspension immédiate du joueur visé, et ce, pour une durée « indéfinie ». Les deux autres options, toutefois, n’entraîneront pas de sanction avant une « vérification de la validité des faits », précise M. Courteau.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Gilles Courteau, commissaire de la Ligue de hockey junior majeur du Québec

Cette nouvelle politique a été élaborée « à l’interne », sans l’aide d’organismes ou de chercheurs universitaires. C’est plutôt l’opinion du comité indépendant qui a été mise à contribution.

À ce sujet, Natacha Llorens, directrice des services aux joueurs, invoque une contrainte de temps — la LHJMQ souhaitait fermement dévoiler la procédure avant le début de la saison 2022-2023. Le projet a été amorcé il y a « plus d’un an », soit bien avant que le scandale à Hockey Canada soit mis au jour. Les multiples révélations des derniers mois ont toutefois accéléré les choses, concède Mme Llorens.

« Quand est arrivé le scandale, on s’est dit : il faut faire plus que de juste travailler sur les formations », dit-elle. La politique est ainsi appelée à évoluer.

Questionnements

Même si cette procédure ne vise pas que le traitement des plaintes pour agression sexuelle, cet aspect est inévitable, à plus forte raison vu les incidents qui ont éclaboussé le hockey junior canadien au cours des dernières années.

Invités par La Presse à y jeter un œil, deux organismes d’aide aux victimes d’agressions ont soulevé plusieurs questions. La plateforme « Je porte plainte » est déjà an place depuis février 2021, souligne-t-on. On s’interroge également sur le respect de la confidentialité des victimes à travers le processus.

« Je pense que c’est rempli de bonnes intentions, mais c’est très maladroit », résume Mélanie Lemay, porte-parole de Québec contre les violences sexuelles.

Cette dernière se demande notamment quelle formation recevront les membres du comité indépendant, afin que les victimes puissent faire leur « dévoilement » dans un cadre « bienveillant », qui ne « perpétue pas de mythes ».

Pour l’heure, il ne semble pas qu’une formation spécifique soit prévue, répond-on du côté de la ligue. On s’en remet au « vécu » et à l’« expérience » des membres du comité, note Gilles Courteau, qui ajoute néanmoins que « rien ne les empêche de s’adjoindre » des ressources externes.

Mme Lemay se serait plutôt attendue à ce qu’on « aille chercher des gens avec une expertise spécifique ». « Ce n’est pas vrai qu’on peut s’improviser expert en violence sexuelle », tranche-t-elle.

Deborah Trent, directrice générale du Centre pour les victimes d’agression sexuelle de Montréal, abonde dans le même sens.

Si une dénonciation est faite, on doit s’assurer que la personne victime est accompagnée. L’accueil adéquat d’un premier dévoilement est primordial pour l’aider à aller mieux.

Deborah Trent, directrice générale du Centre pour les victimes d’agression sexuelle de Montréal

Mme Trent martèle l’importance pour la victime d’être « crue, entendue et traitée avec dignité » dans un contexte sécuritaire.

Mélanie Lemay se désole, pour sa part, que la solution principale, la « voie royale », demeure de dénoncer à la police. Elle rappelle qu’une infime minorité de victimes portent plainte aux autorités policières, « ce qui est un peu la raison même du mouvement #metoo ». Tous les cas d’agression ne se traduiront pas par des accusations criminelles, souligne-t-elle.

On va continuer de mettre en échec les victimes si on continue de les envoyer aux mêmes personnes.

Mélanie Lemay, porte-parole de Québec contre les violences sexuelles

Le système idéal « n’existe pas », concède Mme Lemay, qui salue le fait que la LHJMQ « prenne l’initiative là où Hockey Canada a lamentablement échoué ».

À ses yeux, il demeure néanmoins nécessaire que les organisations aient « l’humilité de reconnaître qu’elles n’ont pas toutes les réponses » et « diversifient les gens qu’[elles] intègrent à leur système décisionnel ».

Gilles Courteau ne nie pas les enjeux de masculinité toxique liés au hockey. Il croit que la ligue qu’il dirige a déjà fait beaucoup pour améliorer la culture du sport, mais concède qu’« on n’est pas parfaits ». Il ajoute qu’« il faut toujours s’améliorer ».

Sur le fait que des améliorations sont encore nécessaires, il s’entend avec les organismes d’aide aux victimes. Encore qu’il faille bien commencer quelque part.

Rectificatif
Une version précédente de ce texte indiquait que la plateforme « Je porte plainte » avait été mise en place par l’Institut national du sport (INS). Elle relève plutôt du Regroupement Loisirs et Sports du Québec.