C’est le retour de la rubrique dans laquelle les journalistes des Sports de La Presse répondent à une question dans le plaisir, et un peu aussi dans l’insolence

Richard Labbé

Été 2002. En pleine saison magique des Alouettes, un patron de La Presse décide de m’envoyer au Nebraska, histoire de faire toute la lumière sur Lawrence Phillips. Le porteur de ballon vedette connaît une saison de rêve à Montréal, mais peu de gens connaissaient son sordide passé sur les terrains de la NCAA, notamment une accusation d’agression à l’endroit de son ex-copine. On met la main sur tous les documents possibles, dont sa photo au poste de police. Il ne fallait pas s’attendre à des félicitations de la part du club à la suite de cette enquête, et lors du match suivant des Alouettes à Hamilton, c’est une bonne partie de l’équipe qui me prend en grippe en raison de cette histoire, notamment le centre-arrière Bruno Heppell et aussi l’entraîneur Don Matthews, qui ira jusqu’à essayer de me bannir du vestiaire, sans succès. Heureusement, un membre de la ligne à l’attaque m’avait offert sa protection dans le vestiaire si jamais ça dégénérerait. Mais les choses ont fini par se tasser, le club a tout gagné et tout le monde a tout oublié... sauf Phillips lui-même, qui a tenté de me bousculer dans un hôtel de Calgary un an plus tard. « Ce gars-là va finir en prison », m’avait dit un membre de la direction des Alouettes. C’est en plein ce qui est arrivé.

Alexandre Pratt

PHOTO ROBERT MAILLOUX, ARCHIVES LA PRESSE

David Samson, ancien vice-président des Expos de Montréal

À ne pas mettre dans la même équipe au 500 : l’ancien vice-président des Expos, David Samson, et moi. Chaque fois qu’on se croisait, il me sermonnait pour mon dernier article sur sa gestion catastrophique de la franchise. Et chaque fois, je lui répondais la même chose : « C’est quoi votre plan pour garder l’équipe à Montréal ? J’écoute... » La journée du congédiement du gérant Felipe Alou, un collègue lui a posé ma question fétiche. Samson a explosé. Extrait de mon article du lendemain : « Ses nerfs étaient à vif. Il a crié au complot, et remis en question nos méthodes journalistiques. Dans une scène que vous ne verrez jamais à la télévision, M. Samson a même pris le calepin du collègue Serge Touchette, et lui a demandé de changer de travail quelques minutes. Aucun journaliste n’a ri. C’était tendu dans l’air. Le point de presse a pris fin là-dessus. » À la fin de la saison, Jeffrey Loria et David Samson vendaient les Expos au baseball majeur, laissant la franchise en lambeaux.

Guillaume Lefrançois

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

James Neal avec les Penguins de Pittsburgh en 2013

James Neal n’a jamais eu la meilleure réputation parmi les collègues et j’ai compris en partie pourquoi lorsque Radio-Canada Sports m’a dépêché en Pennsylvanie pour la série Penguins-Flyers en 2012. Les Flyers signent un gain de 8-5 dans le deuxième match et prennent l’avance 2-0 dans la série. Le lendemain, direction Canonsburg, au centre d’entraînement des Penguins. Le sujet du jour : le trio formé par Neal (– 4), Evgeni Malkin (– 4) et Chris Kunitz (– 5), qui a connu une soirée difficile la veille. Je pose une question à James sur le différentiel de son trio la veille. Réponse : « Il y a eu un but dans un filet désert, deux buts quand on était en avantage numérique. Je ne me suis pas vraiment arrêté pour penser à notre différentiel. » Va pour le but dans un filet désert, mais je n’ai toujours pas compris en quoi accorder un but quand l’équipe détient l’avantage d’un homme est moins grave... Mais bon, c’est la suite qui est intéressante. Je me dirige vers le casier de Marc-André Fleury, et Neal décide d’intervenir dans l’entrevue, qu’il ne comprend évidemment pas. Aucunement passif-agressif, il demande à haute voix à Fleury : Bon, est-ce qu’il est encore en train de parler de notre différentiel ? » Rarement ai-je été aussi peu impressionné par un athlète.

Miguel Bujold

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Robert Edwards avec les Alouettes de Montréal en 2006

Il y a eu la fois où Diamond Ferri avait pété les plombs devant moi sans aucune raison valable dans la boîte à lunch qu’est le vestiaire des Alouettes au stade Percival-Molson, mais je vais plutôt vous parler de Robert Edwards. Un ancien choix de première ronde des Patriots de la Nouvelle-Angleterre, qui avait joué quelques saisons à Montréal après avoir subi une terrible blessure à un pied qui avait presque mis fin à sa carrière, Edwards était le porteur de ballon régulier des Als. C’était en 2007 et je commençais à écrire régulièrement sur l’équipe. Edwards en arrachait et j’avais carrément écrit qu’il était au bout du rouleau, qu’il n’arrivait même plus à traverser sa ligne offensive et que les Alouettes devaient le remplacer. Le lendemain, Edwards ne m’a pas parlé de l’article, mais m’a fusillé du regard durant tout l’entraînement. Je vous confirme qu’on peut effectivement affronter quelqu’un avec ses yeux... Je n’avais pas tort puisque les Alouettes l’ont libéré peu de temps après, mais j’ai appris ce jour-là qu’il y avait une façon d’émettre des opinions, sans manquer de sensibilité ou de délicatesse. Je pèse mieux mes mots depuis. Edwards était un gentilhomme et méritait plus de respect.

Jean-François Tremblay

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Nick De Santis

J’ai eu quelques fois (souvent en fait) des moments de tension. Comme quand Claude Julien ne m’a répondu que « oui » ou « non » pendant des mois puisqu’il n’avait pas aimé une question un peu trop directe (et peut-être mal posée, je dois l’admettre). Cela dit, une seule fois ai-je été confronté directement, et c’était par Nick De Santis. Il n’avait pas aimé un article où l’ancien joueur de l’Impact Massimo Di Ioia me racontait qu’il croyait mériter plus de temps de jeu. Il m’avait appelé un soir pour me dire sa façon de penser, en termes assez crus. La discussion s’est toutefois terminée dans le calme relatif et nos vies se sont poursuivies sans trop de heurts. J’ai souvent fait d’autres entrevues avec De Santis ensuite et il a toujours été lui-même : un véritable passionné, qui a tout donné au CF Montréal, dans tous les rôles imaginables. D’ailleurs, il reste à mon avis le grand oublié du Mur de la renommée du CF Montréal, une erreur qu’il faudrait corriger au plus tôt.