À travers le désert, les prairies, les montagnes. Dans la chaleur accablante de l’Arizona et le froid du Colorado. De la côte ouest à la côte est des États-Unis. Sébastien Sasseville a roulé. Il a parcouru 4800 km à vélo en 11 jours, 22 heures et 25 minutes. Tout ça, alors qu’il est atteint de diabète de type 1.

L’ultracycliste de Québec a conclu la Race Across America (RAAM), une des courses cyclistes les plus difficiles du monde, le 26 juin. Il a terminé au 12e rang du classement général, alors que près de la moitié des 33 participants ont abandonné en cours de route.

Il était tout juste de retour à Québec, mardi après-midi, quand il a pris l’appel de La Presse. Au bout du fil, on le sentait encore épuisé – avec raison.

« Ça fait du bien [d’être de retour] et, en même temps, on est quasiment tristes que ce soit fini », lance-t-il.

PHOTO DAN APONTE, FOURNIE PAR SÉBASTIEN SASSEVILLE

Sur la ligne de départ, sur la côte Ouest

Sasseville utilise le « on » plutôt que le « je » pour parler de son défi. Défi qui, bien qu’il l’ait réalisé dans la catégorie « solo », est tout sauf individuel. En fait, 10 personnes l’ont accompagné, chacune avec un rôle précis : cuisinier, technicien de vélo, personnel médical… Sasseville s’est assuré de recruter une équipe de soutien aussi compétitive que lui, pleine de « belles personnalités » et de gens qui pensent à l’équipe plutôt qu’à eux.

  • Une équipe de dix personnes entourait Sébastien Sasseville, chacune avec un rôle précis : cuisinier, technicien de vélo, personnel médical.

    PHOTO DAN APONTE, FOURNIE PAR SÉBASTIEN SASSEVILLE

    Une équipe de dix personnes entourait Sébastien Sasseville, chacune avec un rôle précis : cuisinier, technicien de vélo, personnel médical.

  • Une équipe de dix personnes entourait Sébastien Sasseville, chacune avec un rôle précis : cuisinier, technicien de vélo, personnel médical.

    PHOTO DAN APONTE, FOURNIE PAR SÉBASTIEN SASSEVILLE

    Une équipe de dix personnes entourait Sébastien Sasseville, chacune avec un rôle précis : cuisinier, technicien de vélo, personnel médical.

  • Une équipe de dix personnes entourait Sébastien Sasseville, chacune avec un rôle précis : cuisinier, technicien de vélo, personnel médical.

    PHOTO DAN APONTE, FOURNIE PAR SÉBASTIEN SASSEVILLE

    Une équipe de dix personnes entourait Sébastien Sasseville, chacune avec un rôle précis : cuisinier, technicien de vélo, personnel médical.

  • Une équipe de dix personnes entourait Sébastien Sasseville, chacune avec un rôle précis : cuisinier, technicien de vélo, personnel médical.

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    Une équipe de dix personnes entourait Sébastien Sasseville, chacune avec un rôle précis : cuisinier, technicien de vélo, personnel médical.

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« C’est comme une minientreprise, image-t-il. C’est de créer une culture. Et il n’y a rien de tout ça qui s’est fait tout seul. »

Ce groupe de gens là, qui est devenu une famille, on est liés par ça pour toujours. On ne va jamais oublier ces moments-là. L’émotion, c’est la colle de la mémoire. C’est ça que je vais chérir.

Sébastien Sasseville

Déconfiture

La préparation de l’équipe pour la RAAM a duré un an. Mais aussi bonne ait-elle été, certaines choses ne s’apprennent qu’avec l’expérience. Par exemple, la stratégie de sommeil, qui a presque poussé l’équipe à l’abandon au jour 9. En fait, il était initialement prévu que Sasseville roule en moyenne de 21 à 22 heures et dorme 2 heures par jour.

Sauf qu’après avoir roulé 525 km le premier jour, le cycliste n’a réussi à dormir que 45 minutes sur une longue pause de 5 heures. « C’était de l’excitation. Je ne sais pas, de l’adrénaline », dit-il.

« Au jour 2, on enfile ça avec un 425 km, un bloc de 22 heures, et je n’arrive pas à dormir, continue-t-il. Au jour 3, j’ai réussi à dormir 2 heures. Grosso modo, on était à 1500 km de parcourus et je n’avais eu que 2 heures et 45 minutes de sommeil. J’étais complètement à terre. »

  • Épuisé, Sébastien Sasseville et son équipe ont songé à l’abandon au jour 9 de la course.

    PHOTO DAN APONTE, FOURNIE PAR SÉBASTIEN SASSEVILLE

    Épuisé, Sébastien Sasseville et son équipe ont songé à l’abandon au jour 9 de la course.

  • Épuisé, Sébastien Sasseville et son équipe ont songé à l’abandon au jour 9 de la course.

    PHOTO DAN APONTE, FOURNIE PAR SÉBASTIEN SASSEVILLE

    Épuisé, Sébastien Sasseville et son équipe ont songé à l’abandon au jour 9 de la course.

  • Épuisé, Sébastien Sasseville et son équipe ont songé à l’abandon au jour 9 de la course.

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    Épuisé, Sébastien Sasseville et son équipe ont songé à l’abandon au jour 9 de la course.

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Même s’il a été capable de dormir les jours suivants, son corps était un peu comme une bombe à retardement. Si bien qu’il a complètement lâché au jour 9.

C’est ça qui est dangereux quand l’esprit veut plus que le corps. Tu amènes le corps quelque part de dangereux. Mais le corps a toujours le dernier mot, il a des mécanismes de protection. Ç’a été un shutdown complet.

Sébastien Sasseville

« À ce point-là, c’est super intéressant parce que tu es dans une position de vulnérabilité et d’humilité incroyables, enchaîne-t-il. Je souhaite à tout le monde de vivre ça. Tu es comme la marionnette [de tes coéquipiers]. Eux décident ce que tu manges, quand tu le manges, combien d’heures tu dors et quand tu les dors. »

L’équipe a finalement décidé de le faire dormir cinq longues heures afin qu’il puisse recharger sa batterie le plus possible.

« Moi, j’ai ma part à faire. Et c’est le vélo. De savoir qu’ils étaient là, qu’ils seraient là jusqu’à la fin… On a fait une journée à la fois, une heure à la fois. Tout s’est bien passé et on a terminé. »

Une fois la ligne d’arrivée franchie, l’athlète de 43 ans a été assailli de fierté et de joie. La joie « d’avoir eu une idée, d’y avoir cru, d’avoir fait des sacrifices ».

PHOTO DAN APONTE, FOURNIE PAR SÉBASTIEN SASSEVILLE

Fierté et joie une fois la ligne d’arrivée franchie, après avoir parcouru 4800 km en 11 jours, 22 heures et 25 minutes.

Grandes joies, grandes noirceurs

Après avoir franchi la ligne d’arrivée située à Annapolis, au Maryland, Sébastien Sasseville est monté sur la scène du RAAM, où un animateur lui a posé quelques questions sur son aventure. Il a notamment raconté avoir éclaté en sanglots en croisant un chat écrasé sur sa route, ce qui lui a rappelé son chat resté à la maison.

PHOTO DAN APONTE, FOURNIE PAR SÉBASTIEN SASSEVILLE

En entrevue sur la scène du RAAM, à Annapolis

Quand on lui rappelle cette anecdote, l’athlète rit. « Ça montre à quel point cette course-là t’amène quelque part où tu n’es jamais allé et te fait traverser des noirceurs que tu n’as jamais vécues », soutient-il.

« C’est super cyclique. Tous les jours, tu as deux ou trois moments de grande noirceur. C’est une heure ou deux. Après ça, ça va bien pendant quatre heures, tu vas bien, tu roules bien, le psychologique est là. […] Ça n’allait tellement pas bien pour que le fait de voir un animal qui s’est fait frapper me mette dans un état comme ça. Là, j’en ris, c’est correct. Mais ce qui enveloppe ça est plein de sens. »

« Une course par-dessus la course »

On le disait : Sébastien Sasseville est diabétique de type 1, la forme la plus sévère de la maladie. Sa vie dépend de plusieurs injections d’insuline par jour. Naturellement, le niveau de difficulté est plus élevé pour lui que pour les autres participants. C’est « une course par-dessus la course ».

PHOTO DAN APONTE, FOURNIE PAR SÉBASTIEN SASSEVILLE

Gérer le diabète, c’est « une course par-dessus la course », souligne l’athlète de 43 ans.

« Ce sont des heures et des heures de travail pendant [la course] pour gérer la glycémie, explique-t-il. C’est une gestion d’heure en heure, de minute en minute. C’est ultracomplexe. »

C’est un équilibre super fragile. Tu prends une bouchée de trop, la glycémie va trop haut et ça a un impact sur la performance.

Sébastien Sasseville

Voilà de nombreuses années que Sasseville a reçu son diagnostic. Il l’accepte : « La vie m’a donné ça et moi, je gère ça », résume-t-il. Et puis, c’est loin d’être la première fois qu’il se lance ce genre de défis : il a notamment gravi l’Everest et traversé le Canada à la course et à vélo. Il souhaite montrer aux autres diabétiques de type 1 que tout est possible.

« Juste d’être sur la ligne de départ, il y avait un message puissant. Ensuite, de la terminer, pas dans une mauvaise position… Je suis vraiment heureux de ce qu’on a accompli et du message que ça peut envoyer. »

« Les gens demandent si je suis un adrenaline junkie. Ce n’est tellement pas ça. […] Ç’a toujours été basé sur un message, ce que je fais. C’est d’accumuler des expériences enrichissantes pour apprendre, me développer, faire des rencontres. Et créer ces souvenirs-là avec des gens qu’on aime. »