Joan Roch et Anne Genest ont pris part la semaine dernière à l’Ultra Run Rarámuri, au Mexique. Récit d’une expérience éprouvante. Et unique.

Joan Roch n’en est pas à son premier projet de course hors normes. Pour ne pas dire un peu fou. À l’été 2020, il a couru Percé-Montréal en 15 jours, une balade de 1135 km. En sandales.

Son exploit n’est pas passé inaperçu, sa femme Anne Genest et lui ayant été invités à se joindre au groupe de coureurs de l’Ultra Run Rarámuri 2022, dans les Barrancas del Cobre, aussi appelées Copper Canyon.

PHOTO JEAN-FRANÇOIS TANTIN, FOURNIE PAR ANNE GENEST

Anne Genest et Joan Roch à l’Ultra Run Rarámuri

Mais rien au Québec n’aurait pu les préparer à ce qui les attendait : un parcours de 190 km à une altitude de 2500 m, avec 10 000 mètres de dénivelé positif. Et par une chaleur accablante, plus de 40 degrés Celsius dans le fond des canyons.

On n’arrivait pas à faire 500 m sans suffoquer. C’était vraiment très difficile. Au-delà de ce qu’on avait imaginé.

Anne Genest

L’organisateur Jean-François Tantin leur a confirmé que les conditions étaient particulièrement chaudes cette année. Même pour la quinzaine de coureurs du peuple rarámuri, ajoute Joan Roch.

« Donc, pour nous, pauvres Québécois qui sortent d’un hiver interminable, ça a fait mal », dit-il.

Mal au point de laisser tomber. Dans la nuit suivant la première journée, au deuxième point de ravitaillement, après une cinquantaine de kilomètres.

PHOTO FOURNIE PAR JOAN ROCH

Anne Genest à un point de ravitaillement

« On se disait qu’on allait se reposer un peu et sûrement que la sensation étrange de chaleur allait disparaître. On a bu l’eau de la rivière et tout ce qu’on pouvait boire pour faire baisser la sensation de soif extrême et de chaleur, mais ça ne passait pas. On ne se sentait pas bien du tout. Donc, on a décidé à ce moment-là d’abandonner », a expliqué du Mexique la coureuse et écrivaine, mercredi dernier.

Et d’autres les ont imités au même moment.

Avec la déshydratation, on sentait que nos pas étaient moins sûrs. On s’est dit que repartir à la grosse chaleur et risquer de dévier d’une trajectoire qui ne permet aucune erreur, ç’aurait peut-être été un petit peu dangereux.

Joan Roch

Parce qu’au-delà du défi physique extrême, le relief de l’Ultra Run Rarámuri requiert en soi beaucoup de concentration.

Dans l’un des segments, les athlètes doivent descendre sur les fesses. Et, pour s’accrocher, ils sont entourés de cactus… Mais il y a bien pire.

« Des sentiers où tu ne passes pas les deux pieds, il faut que tu t’accroches à la roche pour ne pas tomber dans le canyon qui fait un kilomètre… C’est le genre de course à laquelle on était confrontés », explique Anne Genest.

  • Les gorges de Barrancas del Cobre, au Mexique, site de l’Ultra Run des Rarámuris

    PHOTO FOURNIE PAR ANNE GENEST

    Les gorges de Barrancas del Cobre, au Mexique, site de l’Ultra Run des Rarámuris

  • Les montagnes des Barrancas del Cobre

    PHOTO JEAN-PHILIPPE LEFIEF, FOURNIE PAR ANNE GENEST

    Les montagnes des Barrancas del Cobre

  • Dans les gorges de Barrancas del Cobre

    PHOTO JEAN-PHILIPPE LEFIEF, FOURNIE PAR ANNE GENEST

    Dans les gorges de Barrancas del Cobre

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« Mais on a confirmé avec l’organisateur qu’au moins, sur le plan des paysages, on a vu les plus belles parties des canyons, se console le coureur, aussi conférencier, notamment. La deuxième partie de la course est moins belle, moins exotique. Les canyons extrêmement profonds, les falaises, tout ce qui est très typique, on a vu l’essentiel. »

Bref, le couple n’a aucun regret. D’autant que l’Ultra Run Rarámuri, c’est la course, mais aussi l’aventure.

Par exemple, dormir en plein air, sur les berges sablonneuses d’une rivière au fond d’un canyon.

« Avec un ciel étoilé comme on n’en voit pas en ville », décrit Joan Roch.

Et avec, en prime, les vaches, les mules et les chèvres qui se baladent en liberté.

Il y a eu des expériences magiques au milieu d’un contexte physiquement éprouvant. On venait aussi pour ce genre de choses qu’on n’avait pas prévues et on n’a pas été déçus du tout.

Joan Roch

INFOGRAPHIE LA PRESSE

Les Rarámuris

La course. L’aventure. Mais l’expérience culturelle constitue également une part importante de cet évènement atypique.

« On voulait vraiment plonger dans le monde des Rarámuris », lance Joan Roch.

À la base de cet intérêt, le best-seller Born to Run, dans lequel l’auteur, Christopher McDougall, retrouve ce peuple, fasciné par ses aptitudes pour la course.

« On est tous là parce qu’on a lu ce livre », lâche Roch, en entretien du Mexique. Même le traducteur de la version française du bouquin y était.

Forcément, l’œuvre est un peu romancée. Mais pas tant que ça, a constaté l’ultramarathonien et auteur.

« Il y a beaucoup de choses qui sont vraies, pas du tout exagérées, affirme-t-il. Autant sur l’attitude des Rarámuris que sur leurs sandales. »

Voilà, on y revient : les sandales.

Comme lors de son Percé-Montréal, Joan Roch a couru en sandales de cuir traditionnelles. Il en a acheté sur place, des sandales artisanales, « mais qui fonctionnent extrêmement bien ».

PHOTO FOURNIE PAR JOAN ROCH

Joan Roch avec ses sandales huaraches pendant l’Ultra Run Rarámuri

Pour les attacher, il a demandé l’aide de l’un des coureurs rarámuris.

« Il l’a fait avec un grand sourire, il m’a attaché un premier pied, j’ai fait le deuxième seul et il n’arrêtait pas de rire en me voyant refaire ce qu’il m’avait montré parce qu’évidemment, je me suis trompé. Il n’a rien dit, il s’est penché et a refait mon laçage », relate le Québécois.

Toujours en riant, mais très poliment.

« Après, il est reparti. »

Les échanges n’ont pas été très nombreux, cela dit. D’abord, la plupart des Rarámuris ne parlent pas espagnol. Joan Roch et Anne Genest non plus, de toute façon.

  • La plupart des Rarámuris ne parlent pas espagnol, mais le contact a été néanmoins enrichissant.

    PHOTO JEAN-PHILIPPE LEFIEF, FOURNIE PAR ANNE GENEST

    La plupart des Rarámuris ne parlent pas espagnol, mais le contact a été néanmoins enrichissant.

  • La plupart des Rarámuris ne parlent pas espagnol, mais le contact a été néanmoins enrichissant.

    PHOTO JEAN-PHILIPPE LEFIEF, FOURNIE PAR ANNE GENEST

    La plupart des Rarámuris ne parlent pas espagnol, mais le contact a été néanmoins enrichissant.

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Et puis, ils sont très discrets. Mais le contact n’en a pas moins été enrichissant.

À sa grande surprise, cependant, Joan Roch était l’un des rares en sandales dans les sentiers. Seulement deux de la quinzaine de coureurs rarámuris en portaient. Trois, lui y compris.

« C’est la grande déception pour tous les autres coureurs occidentaux invités. On vient aussi pour courir avec les locaux en sandales et même ceux qui couraient en sandales les années précédentes ont mis des chaussures cette année. »

Ils auraient été forcés par leur « agent mexicain », qui souhaite les faire rayonner sur la scène internationale, indique Joan Roch. Alors que, de toute évidence, ajoute Anne Genest, les Rarámuris n’étaient pas du tout à l’aise en chaussures.

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE L'ÉVÈNEMENT

Le podium de l’Ultra Run Rarámuri 2022 : Julien Chorier (25 h 01 min), suivi des Rarámuris Pedro Parra et Reyes Satevo Sarabeachi

Quoi qu’il en soit, quoi qu’ils portent, les Rarámuris ont constamment de longues distances à parcourir. Même d’une maison haut perchée à une autre. Pour emprunter du lait au voisin, prévoir une bonne partie de la journée…

Cela explique sans doute partiellement la rapidité de leurs déplacements.

PHOTO JEAN-PHILIPPE LEFIEF, FOURNIE PAR ANNE GENEST

Un matin, Anne Genest et Joan Roch ont vu un groupe d’enfants descendre les canyons pour se diriger à l’école.

En courant, évidemment.

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