La pandémie pourrait empêcher certains pays de participer aux Jeux olympiques de Tokyo, pense Richard Pound, le doyen du CIO.

S’il le pouvait, Richard Pound céderait volontiers sa place à un athlète olympique pour le vaccin de la COVID-19.

L’homme de bientôt 79 ans a souligné en entrevue la semaine dernière qu’« à part être trop vieux », il n’avait pas de problèmes de santé. « Je serais heureux de me retirer si je pouvais en quelque sorte désigner un athlète olympique pour obtenir ma dose », avait-il ajouté.

Le doyen du Comité international olympique (CIO) réagissait à ses propres propos diffusés le 7 janvier par Sky News. La vaccination préalable des athlètes est la façon la plus réaliste de tenir les Jeux olympiques de Tokyo l’été prochain, soutenait-il.

« Au Canada, où nous comptons entre 300 et 400 athlètes – il faudrait qu’on obtienne entre 300 ou 400 doses sur les quelques millions qui seront disponibles afin que le Canada soit représenté dans un évènement sportif international de cette envergure –, je ne crois pas que ça soulèverait un tollé au sein de la population », avait-il déclaré.

Le Comité olympique canadien et des athlètes comme la championne de lutte Erica Wiebe s’étaient distanciés de cette suggestion, avançant que les travailleurs de première ligne et les personnes vulnérables devraient être priorisés.

M. Pound est parfaitement d’accord, mais il précise que la chaîne britannique a coupé les deux premières minutes de sa réponse où il affirmait exactement la même chose.

« Une fois que les cas urgents auront été pris en charge, chaque pays devra décider d’une sorte de triage pour administrer le vaccin, ajoute-t-il. Ce que j’ai dit, c’est qu’en établissant cette liste, n’oubliez pas que nous enverrons des athlètes dans presque l’épicentre où cela a commencé. Il y a manifestement un danger là. On devrait penser à des mesures pour les protéger aussi. »

Oui aux Jeux de Tokyo

Au lendemain de son interview à Sky, Pound a indiqué à la BBC qu’il ne pouvait être certain que les Jeux de Tokyo iront de l’avant. Encore une fois, sa déclaration a fait le tour du monde.

« Vous savez que vous devez me poser cette question, je sais que vous la poserez et vous savez que rien n’est certain. Je ne sais pas si je serai vivant demain matin. Donc, êtes-vous certain que les Jeux seront présentés ? Vous ne pouvez en être certain, mais selon toutes les indications et sur la base des informations disponibles hier, tout laisse croire que ce devrait être possible. On se prépare tous en fonction de ça, mais comme le veut l’expression, l’éléphant dans la pièce est la COVID. »

L’avocat montréalais affirme que la décision définitive ne reviendra ni au CIO ni au comité organisateur local, mais plutôt aux autorités de santé publique, en particulier l’Organisation mondiale de la santé.

« Il y aura peut-être des pays où la pandémie est si sévère que ce sera dangereux pour eux de voyager et d’être avec les autres. On pourrait avoir à faire le tri des pays où c’est trop sérieux pour voyager. »

Les conditions de préparation différentes d’un pays à l’autre pourraient « causer des perturbations » dans le niveau de compétition, mais il est persuadé que les Japonais livreront des évènements « de première classe ». Spectateurs ou non.

« À l’échelle mondiale, on sait que 99,5 % des gens suivent les Jeux olympiques par l’entremise de la télévision ou d’une autre plateforme électronique. C’est bien d’avoir des spectateurs parce que ça rend le tout plus excitant au moment de le vivre. Mais ils ne sont pas essentiels comme on l’a vu ici en Amérique du Nord avec nos sports. [...] Ce sera différent, mais le message de résilience est probablement encore plus grand considérant tous ces défis. »

La question du dopage

La question du dopage l’inquiète davantage.

Il y a certainement un risque et cela a été difficile de mener des tests inopinés hors compétition. Il y a du dopage en ce moment, mais en un sens, on devra peut-être se fier à des analyses ultérieures des échantillons. C’est un sujet de préoccupation, mais pas au point de devoir annuler les Jeux.

Richard Pound

L’après-COVID-19 sera l’occasion de revoir le calendrier sportif international, qu’il juge beaucoup trop long et rempli. « Cela augmente les chances de blessures. Dans un monde post-pandémie, on doit voir ce qu’on peut faire pour rationaliser le nombre de compétitions, dont beaucoup sont inutiles. »

Les Jeux olympiques de la jeunesse, par exemple, doivent être remis en question, selon le Canadien.

« À l’origine, cela devait faire partie de la réponse du CIO à l’inactivité physique et au style de vie sédentaire, ce genre de choses. Mais pour faire partie des Jeux olympiques de la jeunesse, vous devez déjà être enregistré auprès d’une fédération nationale et internationale. Alors comment cela va-t-il faire sortir une seule personne du divan ? »

Comme à l’Agence mondiale antidopage, dont il a dû se retirer le 31 décembre pour cause de fin de mandat, M. Pound tirera sa révérence du CIO à la fin de 2022 (l’âge limite pour siéger comme membre est de 80 ans).

Il promet de rester impliqué et de continuer de donner des conseils, qu’on le lui demande ou pas. « Je peux être utile dans le sens où je peux dire des choses qui ne peuvent être dites par les politiciens du sport, mais que tout le monde pense. »

Confinement ou pas, M. Pound n’aura pas le temps de s’ennuyer. Il est toujours avocat-conseil à la firme Stikeman Elliott et il écrit beaucoup. Il planifie d’ailleurs une autobiographie.

« J’ai toujours dit que j’attendais d’être vieux ! J’y suis probablement maintenant. J’y songe depuis six ans, mais je ne veux pas que ce soit le tome un de sept volumes ou quelque chose comme ça. Ce sera le fun à faire, parce qu’il y a eu quelques situations intéressantes dans ma vie... »

Dick Pound sur...

Le breakdance aux Jeux de Paris en 2024

« [Rires] Je pense que je ne suis pas de la bonne génération. On verra. J’en ai regardé aux Jeux olympiques de la jeunesse à Buenos Aires [en 2018]. Ce n’est pas pour moi, mais en revanche, il y a des breakdancers très talentueux en compétition. C’est peut-être une nouvelle direction. Mais à 79 ans, si je m’imagine faire ça, je peux déjà sentir mes os se briser ! »

Le projet de nouveaux Jeux olympiques d’hiver à Vancouver en 2030

« Mon seul souci est qu’il y aura des Jeux aux États-Unis [à Los Angeles] en 2028 à l’heure du Pacifique. Et des Jeux au Canada dans le même fuseau horaire moins de 18 mois plus tard. Comme toujours, la clé est qui d’autre est dans la course ? Gardons à l’esprit que l’Europe est toujours le centre de gravité [de l’olympisme]. Il y aurait donc deux Jeux à l’extérieur de l’Europe. Quoiqu’avant cela, il y en aura deux consécutifs en Europe [Paris 2024 et Cortina 2026]. Pourrions-nous le faire ? Bien sûr, il n’y a aucun doute. Et il semble y avoir de l’enthousiasme pour cela à Vancouver. »

La décision du Canada de devancer le CIO en annonçant son intention de ne pas aller aux Jeux de Tokyo s’ils étaient présentés à l’été 2020

« Plusieurs personnes en ont été contrariées. Les mémoires sont longues dans le Mouvement olympique. On devra donc s’assurer qu’on garde nos soutiens par la suite. Ce n’était pas une décision facile. Je n’étais pas impliqué, mais je la soutenais. »

Les sports qu’il aime suivre

« J’ai toujours aimé regarder le baseball en dépit des Mark McGwire et autres Barry Bonds. [...] J’aime regarder le hockey, mais ce n’est pas encore parfait à la télévision. J’aime le golf. Mais aux Olympiques, comme je suis un nageur, j’aime voir la natation. [...] J’aime bien aussi regarder l’haltérophilie, même si je sais que tout le monde est dopé jusqu’aux yeux ! Avec les trois levés, c’est un sport très spectaculaire, tactique et stratégique. Aux Jeux d’hiver, j’adore le patinage de vitesse. Le longue piste est un sport très gracieux et puissant. J’aime donc à peu près tout. Quand c’est pratiqué par les meilleurs au monde, c’est toujours très excitant. »