Qui ont été les athlètes québécois les plus influents des 40 dernières années ? L’équipe des sports de La Presse en a identifié huit, de tous les horizons. Aujourd’hui : Joannie Rochette.

Depuis quelques mois, Elladj Baldé est devenu un phénomène viral sur les réseaux sociaux.

Plutôt que de s’exécuter devant des juges, l’ancien patineur artistique se produit pour ses quelque 400 000 abonnés sur Instagram. Son but : promouvoir son sport, évidemment, mais aussi soulever des questions sur les obstacles financiers qui empêchent les Canadiens issus de minorités culturelles et de communautés autochtones de s’épanouir dans le sport de haut niveau.

« C’est un patineur qui ne s’est jamais rendu aux Jeux olympiques, mais qui a fait sa marque sur les réseaux sociaux. Il amène autre chose au patinage, il fait des chorégraphies à des endroits magnifiques comme sur les lacs en Alberta ! Ça montre qu’il n’y a pas que les résultats qui comptent. »

IMAGE TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM D’ELLADJ BALDÉ

Elladj Baldé au lac Minnewanka, à Banff, en Alberta

Joannie Rochette a de l’admiration pour Elladj Baldé. Tout comme elle en a pour Kurt Browning, grand nom du patinage artistique canadien, mais qui ne compte aucune médaille olympique dans sa collection.

« Kurt Browning et Elvis Stojko ont marqué leur sport de plein de façons, mais beaucoup parce qu’ils sont restés impliqués. Ils font encore des spectacles, ça me dépasse ! Ils se gardent vraiment en bonne forme. »

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Joannie Rochette et Patrick Chan en 2019. Les deux athlètes devaient être ambassadeurs des Mondiaux 2020, à Montréal, mais l’évènement a dû être annulé à cause de la pandémie.

Josée Chouinard n’a jamais terminé sur le podium aux Jeux olympiques, aux Championnats du monde non plus. Mais la Québécoise fait néanmoins partie des nombreuses inspirations de Joannie Rochette.

« Je l’ai rencontrée pour la première fois quand j’avais 12 ou 13 ans, elle m’avait donné plein de super bons conseils », se souvient Rochette.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Josée Chouinard aux Jeux de Lillehammer, en 1994

On triche un peu. Au cours de cette entrevue sur le rôle que peuvent avoir les modèles dans le sport, Joannie Rochette nous mentionne aussi des médaillés olympiques : Elvis Stojko, Michelle Kwan, Tara Lipinski…

Mais l’idée est qu’une médaille olympique, malgré toute la gloire qu’elle peut entraîner, n’est pas une condition sine qua non pour qu’un athlète influence son sport.

« Les résultats vont amener une crédibilité, mais je ne pense pas que ce soit un must. Par contre, c’est sûr que ça aide, car les athlètes amateurs ne sont pas aussi médiatisés que les athlètes professionnels », rappelle l’ancienne patineuse au bout du fil.

L’impact

On fait remarquer à Joannie Rochette que sa liste d’influences ne compte pas nécessairement beaucoup de Québécois. Il y a eu Chouinard, de même que Sébastien Britten, mais les autres athlètes sont issus du Canada ou des États-Unis.

« Le patinage est un langage universel. On ne parle pas sur la glace, rappelle-t-elle. C’est assez universel, les émotions que l’on ressent en patinant. »

Mais à Patinage Québec, une figure comme Joannie Rochette, ça vaut son pesant d’or.

« Même après tous ses succès, elle est restée impliquée », souligne Any-Claude Dion, directrice générale de la fédération, rappelant que Rochette devait être ambassadrice des Championnats du monde de Montréal, annulés en raison de la pandémie. Elle l’a aussi été pour les Internationaux Patinage Canada à Laval en 2018.

On a eu plusieurs grands patineurs au Québec, mais des Québécoises, francophones, qui performent aux Jeux olympiques, on n’en a pas eu beaucoup.

Any-Claude Dion, directrice générale de Patinage Québec

Dans une fédération où 80 % des membres sont de jeunes filles, les succès de Rochette ont été une bénédiction.

« Joannie a performé en simple, chez les filles, et c’est ce qui est le plus pratiqué parmi nos membres, rappelle Mme Dion. Donc c’est évident que ça marque plus les esprits que la danse ou les couples. En bas âge, ce sont surtout les habiletés individuelles que l’on développe. »

Mme Dion note au passage une croissance de 15 % entre 2007 (36 293 membres) et 2019 (42 064). « Dès les Jeux de Turin, Joannie a commencé à recevoir davantage d’attention médiatique, suite à sa 5e position », rappelle-t-elle.

Deux moments marquants

Les Jeux de Vancouver sont évidemment devenus le moment phare de la carrière de Joannie Rochette. Mais avant même la mort tragique de sa mère, il y avait un certain niveau d’appréhension, et pas seulement parce que les JO avaient lieu sur le sol canadien.

« Ça faisait 22 ans qu’une patineuse canadienne avait gagné une médaille en solo, souligne Rochette. Personne depuis Elizabeth Manley. Je me souviens, quand je l’ai rencontrée, elle m’avait dit que j’étais celle qui avait une chance. Quand on est concentrée sur nos objectifs, c’est le genre de chose qui est dur à réaliser, mais cette rencontre me l’avait fait comprendre. »

Le public canadien s’est littéralement retrouvé en communion avec la patineuse de l’île Dupas, résultat des circonstances tragiques que l’on connaît. Rochette a offert deux performances légendaires. Sa résilience lui a valu la médaille de bronze.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE


Joannie Rochette aux Jeux de Vancouver. Elle y a remporté la médaille de bronze.

« Oui, c’est sûr que les Jeux, le fait que ma mère soit morte deux jours avant [mon programme court], c’est ce qui a le plus marqué les gens à l’extérieur du sport », reconnaît-elle.

« Mais les gens du milieu, eux, me parlent souvent de mon premier titre de championne canadienne, quand j’avais réussi la combinaison triple-triple ! »

> Revoyez sa combinaison triple-triple dans le programme libre des Championnats canadiens de 2005

Aujourd’hui, Joannie Rochette se consacre à temps plein à sa deuxième carrière en médecine. Elle a commencé sa résidence il y a sept mois, en anesthésie, ce qui l’a évidemment menée à limiter ses engagements. Ça, et une certaine pandémie… C’est ainsi que son mandat comme ambassadrice des Championnats du monde de patinage artistique 2020, prévus à Montréal, ne s’est jamais matérialisé.

« J’avais tellement hâte, j’avais pris une semaine de congé à l’école pour être là à temps plein ! », se désole-t-elle.

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Joannie Rochette lors de son intronisation au Panthéon des sports du Québec, en 2018

Sinon, elle a aussi offert au fil des ans des séminaires « pour partager [son] vécu avec les jeunes ». « Parfois, des jeunes me disaient qu’ils se souvenaient de mon costume, de ma musique, pour telle ou telle compétition. Ça me rappelle quand j’étais jeune et que je me rappelais les sauts et le programme d’Elvis Stojko !

« Les séminaires, c’était une façon plus concrète d’influencer mon sport. Chaque athlète a sa façon. Certains vont s’impliquer dans des fondations, faire des spectacles, coacher. Laurent Duvernay-Tardif a trouvé sa façon avec sa fondation, ça motive les jeunes à bouger, sans nécessairement que le but soit de se rendre dans la NFL. »