Puis, avez-vous hâte à vendredi ?

Quoi ? Vous avez oublié ? Je vous rassure, ce n’est pas votre anniversaire de mariage. C’est le moment où les joueurs de la LNH devaient retourner sur la glace. Du moins, selon les journalistes qui inhalent un peu trop l’hélium des ballons d’essai lancés par la ligue.

Pas besoin de vous rendre à Brossard. Les joueurs du Canadien n’y seront pas.

La vérité, c’est qu’on ignore quand il y aura des entraînements et des matchs.

PHOTO IVANOH DEMERS, ARCHIVES LA PRESSE

On ignore encore quand il y aura des entraînements et des matchs dans la LNH.

« Personne n’en a aucune idée », a confié à ESPN l’attaquant Gerald Mayhew, du Wild du Minnesota. « Ils ont parlé de rouvrir les installations pour que les joueurs puissent s’entraîner. Mais je ne sais pas comment ça fonctionnera si l’équipe n’est pas là au complet. C’est rendu un jeu de devinettes. Je ne sais pas à quoi pense Gary Bettman. Il ne veut pas perdre d’argent. Ça prend une éternité. Tout le monde est frustré. »

Soyons lucides. Depuis la pause, la LNH joue aux aguicheurs.

Terminer la saison au Dakota. Au New Hampshire. À Moncton. Puis non, dans les marchés de la ligue. Comme Edmonton. Puis non, pas Edmonton, l’Alberta ne veut pas. Tenir un repêchage avant de connaître le classement final. Peut-être pas, finalement. Présenter des séries éliminatoires avec 16, 20, 24 ou 31 clubs. Selon l’alignement de Jupiter, Saturne et Mars avec la Lune.

Tout ça, sans aucune garantie de l’Association des joueurs ni des autorités de la Santé publique.

Ça suffit, les faux espoirs. Vous méritez mieux que ces chimères.

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Les propriétaires d’équipes veulent sauver leur mise. C’est tout à fait légitime.

Comment s’y prennent-ils ? En imposant leur ordre du jour. Leurs idées. Leurs volontés. Comme ils le font au quotidien dans leurs autres entreprises, avec leurs partenaires et les gouvernements, depuis des décennies. Aucun problème avec ça. C’est leur argent. C’est leur business.

Avec la pandémie, le rapport de force a changé. Les propriétaires ne peuvent plus agir unilatéralement, comme l’ont fait ceux du baseball, lundi, en annonçant leur intention de reprendre les matchs le 4 juillet. Sans s’entendre avec les joueurs et les autorités sanitaires.

Leur plan repose sur des parties à huis clos. Sans spectateurs, les revenus chuteront de 40 %. Les propriétaires veulent donc que les joueurs réduisent leurs salaires entre 25 % et 50 %. Une demande qui viendra assurément aussi dans la LNH, la MLS et la LCF.

Pensez-vous vraiment que les joueurs accepteront comme des béni-oui-oui ?

Et comme la Californie, où évoluent cinq clubs, refuse de promettre la réouverture des stades cet été, il est question d’enfermer les joueurs dans une bulle en Floride ou en Arizona pendant trois ou quatre mois. Ça non plus, ça ne passe pas. Surtout que les patrons, eux, ne seront pas soumis à cette vie d’ascète.

« Je ne raterai pas la naissance de mon premier enfant », a indiqué à NBC le joueur le plus populaire du baseball majeur, Mike Trout, dont la femme est enceinte. « On ne peut pas rester assis dans une chambre d’hôtel, aller jouer, revenir dans notre chambre et ne rien faire d’autre. C’est débile. »

Ça, c’est la version polie.

Danny Rose, footballeur pour le club anglais de Tottenham, a été pas mal plus cinglant en commentant un possible retour au jeu le 1er juin.

« C’est une putain de joke. Je ne vous mentirai pas. Le gouvernement affirme que le soccer doit reprendre pour remonter le moral de la nation. Je n’en ai rien à cris*** du moral de la nation […] Des vies humaines sont à risque. Comprenez-vous ce que je veux dire ? On ne devrait même pas parler du retour du soccer avant que le nombre [de morts] chute massivement. C’est de la b***shit… »

PHOTO ANDREW BOYERS, ARCHIVES REUTERS

Danny Rose

En plus des négociations avec les joueurs qui s’annoncent houleuses, les clubs doivent convaincre les autorités sanitaires de rouvrir les stades. C’est moins facile que prévu. Ici comme ailleurs. La semaine dernière, la Santé publique a refusé aux joueurs de l’Impact l’accès au centre d’entraînement. Le président de l’équipe, Kevin Gilmore, n’a pas apprécié.

« Je suis déçu, parce que l’idée derrière ça – et ça vient de la ligue et ça vient des clubs –, c’est qu’avec l’arrivée du beau temps et les parcs qui sont remplis à craquer, on veut éviter des situations où nos joueurs décident d’aller s’entraîner dans nos parcs et s’exposent à une possibilité de contamination. D’avoir accès à nos terrains privés, avec un protocole précis qui élimine l’interaction entre eux, […] avec les entraîneurs », a-t-il expliqué à La Presse canadienne.

J’attire votre attention sur la première phrase.

« Ça vient de la ligue et ça vient des clubs. »

Les boss ont de la difficulté à accepter cette perte de contrôle. Cette nouvelle réalité. Je les comprends. C’est un grand vertige. Pour chaque match annulé, ils perdent des centaines de milliers de dollars. Je ne les envie pas.

Sauf que les propriétaires n’ont pas d’autre choix. Ils sont condamnés à dépendre des scientifiques de la Santé publique pour encore des mois. Voire des années. Aussi bien travailler avec eux que contre eux.

Alors la prochaine fois que vous verrez une date de retour pour la LNH, ou le baseball majeur, ou la NBA, ou la MLS, ou la LCF, lisez les petits caractères. Cherchez les appuis des joueurs. De la Santé publique. Sans eux, il n’y aura pas de saison.

Le reste, ce ne sont que des ballons.

Vos suggestions de documentaires

Ma chronique sur les documentaires sportifs a suscité une abondante correspondance. La seule fois que j’ai reçu plus de courriels, c’est lorsque des hackers turcs ont attaqué mon compte Caramail, en 1998. Je promets de tous vous lire aujourd’hui, et de publier les meilleures suggestions plus tard cette semaine.