Chaque semaine, les journalistes des Sports de La Presse répondent à une question dans le plaisir, et un peu aussi dans l’insolence.

Simon Drouin

Stéphane Ouellet

« Ouellet annonce la fin du monde… », pouvait-on lire dans le sous-titre de mon dernier article sur Stéphane Ouellet, publié le 17 décembre 2004, jour de son « ultime » combat professionnel contre Joachim Alcine au Centre Bell (il fera un retour en 2014). Après une absence de trois ans, le boxeur de Jonquière s’était livré à des déclarations pour le moins étranges lors de la pesée de la veille, dans une salle surchauffée du sous-sol d’un hôtel de l’est de Montréal, où le promoteur Régis Lévesque se frottait les mains. Se présentant comme « le troisième et dernier prophète », celui qui s’était rebaptisé « Mikaël Ouellet, arrivé sur la terre le 18 mai », avait prévenu tout le monde : « Riez si vous voulez, mais je trouve que si on rit présentement, on rit jaune en tabarouette. » Il avait promis de s’expliquer davantage dans un livre tiré à 3 millions d’exemplaires qu’il distribuerait lui-même gratuitement.

J’ai longtemps gardé la bande de l’interview qu’il m’avait ensuite accordée, où il parlait de son abstinence avant l’affrontement et du « bon spaghat » de sa blonde. « La fin du monde en 64 secondes », avait titré le collègue Richard Labbé au lendemain du combat où Alcine l’avait trucidé. Évidemment, le livre n’est jamais sorti. Mais Ouellet, l’un des êtres les plus charmants qu’il m’a été donné de couvrir, a repris sa vie en main et semble avoir trouvé le bonheur.

Mathias Brunet

PHOTO DARRYL DYCK, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Gino Odjick, lors du retrait du chandail numéro 10 de Pavel Bure par les Canucks, à Vancouver, en novembre 2013

Gino Odjick

J’ai trop de respect et d’affection envers Gino Odjick pour le qualifier d’étrange, mais il est sans doute le personnage le plus particulier, du moins authentique, qu’il m’ait été donné de côtoyer. Cet ancien dur à cuire des Canucks et du Canadien a toujours été profondément attaché à ses racines amérindiennes et sa façon d’agir et de penser tranchait des autres. Tantôt il semblait perdu dans ses pensées, tantôt il soutenait la conversation en vous regardant fixement. Il a admis après sa carrière que les commotions cérébrales n’avaient pas aidé. « Je me rappelle avoir subi une commotion cérébrale à Philadelphie, je me promenais dans les rues et les gens avaient l’air de Martiens, a-t-il déclaré il y a quelques années lors d’un symposium sur les commotions cérébrales. Ils semblaient venir d’une autre planète. Pendant une moitié de saison, je ne savais pas comment trouver le chemin de l’aréna. »

Gino m’a accordé à l’époque l’interview dont je suis le plus fier à ce jour. Il m’avait permis de comprendre l’essence de son peuple. Un Amérindien qui parle russe (grâce à son grand ami Pavel Bure) et qui dit enlacer un arbre dans la forêt pour trouver le réconfort dans les moments plus difficiles. Il y a un seul Gino Odjick. Quel être riche et unique !

Miguel Bujold

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Le quart Rakeem Cato, lors d’un match opposant les Alouettes aux Eskimos d’Edmonton, au stade Percival-Molson, à Montréal, en octobre 2016

Rakeem Cato

Rakeem Cato était arrivé en retard à son premier camp avec les Alouettes. L’année suivante, les Als ne savaient même pas s’il se présenterait. Il n’avait pas de téléphone portable et l’équipe était souvent incapable de communiquer avec lui… Le quart-arrière avait grandi dans l’un des quartiers les plus malfamés des États-Unis, Liberty City, à Miami. Il parlait avec l’argot et l’accent du Sud, et il était bègue. Il était donc très difficile de comprendre ce qu’il disait et c’était la même chose dans le caucus. Je me souviendrai toujours du jour où Cato s’en était pris à Duron Carter et à son cousin Kenny Stafford durant un entraînement. Les deux receveurs s’étaient moqués de la façon dont s’exprimait Cato, mais ils étaient restés bien assis sur le banc des joueurs pendant que Cato les enguirlandait… Cato ne faisait pas l’unanimité, mais le jeune homme avait un bon fond. S’il avait été un peu plus discipliné et mieux encadré, il serait probablement devenu un quart étoile dans la LCF.

Richard Labbé

PHOTO SHAUN BEST, ARCHIVES REUTERS

Lawrence Philllips dans l’uniforme des Alouettes, en novembre 2002

Lawrence Philllips

J’ai souvenir d’un gardien du Canadien qui voulait que personne ne s’approche de son équipement, d’un autre gardien du même club qui avait chialé parce qu’il n’avait pas été nommé parmi les trois étoiles à la suite d’un match. Mais tout ça, c’est de la très petite bière par rapport à Lawrence Philllips. Ce porteur de ballon n’a disputé qu’une seule saison avec les Alouettes à Montréal, en 2002, mais quelle saison ce fut. Il a quitté l’équipe deux fois (!); à son retour la deuxième fois, il avait choisi de venir s’expliquer aux médias lors d’une conférence de presse dans l’Ouest… avant de changer d’avis et de rester dans sa chambre, malgré les supplications du directeur des communications de l’équipe. C’est sans compter toutes les fois où le bon Lawrence dormait sur un tabouret devant son casier, la tête recouverte d’une serviette, avant des entraînements un peu trop matinaux à son goût. Dire qu’il s’était lui-même proclamé le meilleur demi du football canadien après seulement quelques jours avec les Alouettes… À la suite d’ennuis répétés avec la justice, il était clair que l’histoire de Lawrence Phillips allait mal finir, et puis, en effet, elle a mal fini : dans une prison, où il est mort en 2016. Quel gâchis, tout de même.

Guillaume Lefrançois

PHOTO TIRÉE DU COMPTE TWITTER @GUYSEROTA

Guy Serota

Guy Serota

L’a-t-on vraiment couvert ? Allez savoir. On recule au 26 novembre 2012, en plein lock-out de la Ligue nationale. On annonce que trois médiateurs sont nommés afin d’aider les joueurs et les propriétaires à trouver un terrain d’entente. S’il y a des gens dont on ne s’attend pas à parler, ce sont bien des médiateurs du gouvernement américain. Mais voilà, un des trois médiateurs, Guy Serota, s’adonne à avoir un compte Twitter, où le niveau de langage n’est pas exactement gouvernemental. Il y cible notamment la comédienne Sarah Silverman avec des propos dégradants. Deux heures plus tard, l’agence gouvernementale retire Guy Serota de ce dossier. Quand on connaît la lourdeur de l’appareil gouvernemental, la vitesse de réaction mérite ici d’être soulignée.

Simon-Olivier Lorange

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, ARCHIVES LA PRESSE

Logan Hensley

Logan Hensley

Logan Hensley m’avait été décrit comme « spécial ». On ne m’avait pas menti. Le gardien de but américain de 18 ans défend le filet des Mustangs de Maniwaki, une équipe d’âge junior qui regroupe étonnamment des joueurs de partout dans le monde. Jeune homme longiligne de 6 pi 3 po et 154 lbs, poli et posé, il m’a raconté sa vie en version accélérée, sans prendre son souffle. Originaire de l’Idaho, il joue dans une province ou un État différent chaque année depuis qu’il a 12 ans. Il est républicain jusqu’au bout des ongles. Il prie avant ses repas. Et il se présente toujours à l’aréna en complet-cravate, immergé dans une routine qui peut durer des heures. Après un monologue de 10 minutes, il a consulté sa montre, s’est levé, m’a serré la main et s’est dirigé vers la patinoire. Je ne comprenais pas trop ce qui venait de m’arriver.

Pascal Milano

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Mignane Diouf, lors d’un entraînement de l’Impact en septembre 2011

Mignane Diouf

On est au début du mois de mai 2011, au bord d’un terrain sans charme de Saint-Léonard. L’entraînement de l’Impact terminé, on nous vante, comme le veut la coutume, les qualités de la nouvelle acquisition. Un collègue et moi nous approchons ensuite de l’attaquant/ailier Mignane Diouf. « Devant le but, je ne suis pas bon », dit-il d’une faible voix. Pardon ? Ai-je bien entendu ? Oui, on a tous compris la même chose de la part du joueur offensif, ce qui n’est pas franchement rassurant pour la suite de la saison NASL. Imaginez une déclaration aussi étrange de la part d’un joueur du Canadien…

Alexandre Pratt

PHOTO ROBERTO BOREA, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Hideki Irabu, lors d’un match hors concours opposant les Expos aux Twins du Minnesota, à Jupiter, en Floride, en mars 2000

Hideki Irabu

L’ex-lanceur était un étrange ovni. Le dernier joueur que j’ai vu fumer entre les manches. Le propriétaire des Yankees – exaspéré – l’avait surnommé « Fat Toad ». Le gros crapaud. Or, ça fait quoi, un crapaud qui fume ? Ça explose ! C’est exactement ce qui s’est produit lors de son court passage avec les Expos, en 2000. Sa forme physique était déplorable. Son humeur, massacrante. Au point de battre son interprète dans le vestiaire. Un jour, les Expos en ont eu assez. Ils l’ont cédé à leur club-école. Sa réaction ? Il est parti sur une cuite monumentale, qui s’est terminée dans un hôpital de Buffalo. Tout ça reflétait une détresse profonde. Malheureusement, sa situation n’a fait qu’empirer après sa retraite. Il a mis fin à ses jours en 2011.