À 36 ans, Brent Hayden a fait tout un pari en tentant un retour après sept années hors des bassins. Le report des Jeux olympiques de Tokyo ne change pas ses plans. Il pense même en tirer avantage.

Le report des Jeux olympiques de Tokyo n’était pas officiel que déjà Brent Hayden avait pris sa décision : il continue. « Ce n’était même pas une décision. Quand j’ai eu la nouvelle, je me suis seulement dit : “OK, une autre année.” »

Le nageur de 36 ans était en voie de confondre les sceptiques moins de deux mois après son retour à la compétition.

« J’étais déçu parce que je pense que j’étais un bon modèle pour les plus jeunes athlètes », a raconté Hayden tandis qu’il promenait son chien autour de sa résidence de New Westminster, près de Vancouver, plus tôt cette semaine.

« Je leur faisais réaliser qu’ils pouvaient continuer d’avoir du succès non seulement en vieillissant, mais aussi s’ils vivaient un recul ou s’absentaient de l’entraînement pour un an ou même deux. »

Le médaillé de bronze des Jeux de 2012 au 100 m libre s’est absenté des bassins pendant sept ans. Annoncé au début de l’automne, son retour a pris la forme d’une course contre la montre. Avant de replonger en compétition, il devait attendre six mois, la période minimale pour satisfaire à la réglementation antidopage.

Je dois croire qu’il y a un avantage caché à ce délai d’un an. Comme celui de me donner plus de temps pour l’entraînement, plus de temps pour raffiner certaines habiletés comme mon départ, qui est en fait meilleur qu’il ne l’était. […] Profiter d’une autre année pour développer ça, c’est excitant.

Brent Hayden

Après avoir brisé la glace à Calgary en février, Hayden s’est approché à deux dixièmes de son record national au 50 m lors d’une rencontre à Des Moines, en Iowa, le 7 mars.

« J’étais super fier de ce que j’avais réussi. Tu pouvais voir que mon coach [Tom Johnson] était aussi super excité. Non seulement c’était un standard A de la FINA [donnant un accès direct aux Jeux], mais c’était mon quatrième temps le plus rapide à vie. Deux d’entre eux ont été réussis dans une combinaison intégrale [aujourd’hui bannie], et pour l’autre, j’étais en plein mode compétition, rasé et reposé. À Des Moines, c’était pratiquement une compétition en saison. Compte tenu du contexte, c’était donc probablement le meilleur 50 m de ma vie. »

Le Canadien n’a été devancé que par deux des meilleurs sprinteurs sur la planète, les Américains Caeleb Dressel, double tenant du titre mondial, et Nathan Adrian, médaillé de bronze à Rio.

Mécanique

En observant Dressel, qui est en train de révolutionner la technique de départ, Hayden a pris des notes : ce qu’il fait avec ses bras en se propulsant du bloc, la position de ses hanches, sa façon de pousser vers le haut avec sa jambe arrière.

« Il était à côté de moi et je le voyais sauter sur place. La hauteur qu’il peut atteindre, c’est fou ! Moi, demande à n’importe lequel de mes coéquipiers, je suis le plus mauvais dans les sauts verticaux. Je suis un athlète de 6 pi 5 po incapable de dunker ! Mais il y a des trucs dans la mécanique de Dressel que je peux utiliser pour rester un peu plus près de lui sur les 15 premiers mètres. »

Moins spectaculaires, ses chronos au 100 m libre, sa spécialité d’antan, l’enthousiasment tout autant. Nager sous les 50 secondes, ce qu’il a réussi à ses trois départs, ne lui a jamais semblé aussi facile. Il croit que l’année supplémentaire lui permettra d’améliorer ses capacités en aérobie, plus sollicitées sur cette distance.

PHOTO MARTIN BUREAU, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Brent Hayden montre sa médaille de bronze remportée au 100 m libre des Jeux olympiques de Londres.

« Je suis vraiment surpris de la façon dont mon corps répond pour le 100 m. À l’origine, j’y voyais plus une occasion pour le relais. Mais plus j’ai de courses derrière la ceinture, plus je réalise que j’ai de très bonnes chances de le nager aussi individuellement. Même que je pense pouvoir faire la finale [aux Jeux]. Et si tu es en finale, tu as une chance pour une médaille. »

« Le sport peut être reporté »

Malgré son âge, le co-champion mondial de 2007 ne croit pas être désavantagé par le délai de 12 mois. Il se sent devenir plus fort et a considérablement adapté sa préparation. Il a oublié les doubles séances quotidiennes en piscine, se donne plus de repos après la musculation, prend un soin jaloux de son alimentation et ne néglige jamais la récupération.

Hayden s’étonne « de la capacité incroyable du corps à se souvenir et à revenir où il était ». « Il y a peut-être des années où tu peux t’entraîner plus fort et où ton corps se remet plus vite, mais ça ne signifie pas que c’est là que tu seras à ton sommet. Ça veut juste dire que c’est plus facile. »

En cette période de confinement, le natif de Mission s’entraîne dans son salon ou seul au parc quand la météo le permet.

« Le plus grand danger qui guette l’athlète en ce moment est de passer trop de temps sur le sofa. Après, les muscles commencent à se crisper. Mais ce qui est aussi vraiment important, c’est de s’occuper de sa santé mentale. Rester actif et garder un horaire d’entraînement est très important. »

La décision initiale du Comité olympique canadien de ne pas envoyer d’athlètes aux Jeux l’été prochain puis celle du CIO de les remettre étaient incontournables aux yeux du vétéran. « Le sport peut toujours être reporté. Tu ne peux pas reporter une vie. »