Chaque semaine, les journalistes des Sports de La Presse répondent à une question dans le plaisir, et un peu aussi dans l’insolence

Miguel Bujold

« ADRIAN ! ! ! ! » Un seul mot qui voulait tout dire : l’amour est plus fort que tout. Eh oui, du grand romantisme dans un film de boxe. Pendant que l’annonceur maison rendait la décision des juges dans l’arène, Rocky Balboa cherchait sa dulcinée, Adrian Pennino, femme de caractère et force tranquille cachée derrière une grande timidité. « L’un des plus grands exemples de courage et d’endurance », dira l’annonceur maison en parlant de Balboa, l’ultime « underdog » s’il en est un. Ce qui rend la scène si puissante est son réalisme dans la mesure où il n’y a pas eu de fin hollywoodienne, du moins d’un point de vue sportif : Apollo Creed a conservé son titre, même si c’était par décision partagée. La trame sonore signée Bill Conti, qui allait devenir un classique instantané, ajoutait à l’émotion dans les derniers moments du film. On peut certainement débattre de la sélection de Rocky pour l’Oscar du meilleur film de 1976. Les autres films sélectionnés étaient Taxi Driver, All The President’s Men, Network et Bound for Glory… Grosse cuvée. Ce dont on ne peut débattre, c’est que Rocky a été l’un des meilleurs films de sport de l’histoire, sinon le meilleur. Et la scène « Adrian ! ! ! » est l’un des crescendos les plus mémorables de l’histoire du cinéma américain, malgré une défaite du héros du film. Faut le faire.

> (Re)voyez la séquence en question (en anglais)

Mathias Brunet

IMAGE TIRÉE DU FILM THE CHAMP

Une scène émouvante du film The Champ

Il ne s’agit pas de la plus grande scène sportive de l’histoire du cinéma, mais de celle m’ayant le plus marqué. The Champ a été présenté au cinéma en 1979. J’allais avoir 11 ans. Jon Voight y interprète un boxeur déchu, alcoolique, résolu à mettre de l’ordre dans sa vie et à disputer un ultime combat pour assurer l’avenir du fils de 7 ans qu’il élève seul, incarné par Rick Schroder. Billy Flynn remporte son combat, mais s’écroule avant son entrée dans le vestiaire. Le gamin en moi a réussi à refouler ses larmes lors de la scène finale, où le blondinet voit son père s’éteindre doucement sous ses yeux, mais j’ai craqué dans la salle de bains quelques instants après la fin du film. Je tremblais de tous mes membres. Presque 40 ans plus tard, je suis encore marqué par cette scène. Rien de mieux que des films de boxe pour nous procurer de telles émotions au cinéma !

Simon Drouin

IMAGE TIRÉE DU FILM THE BIG LEBOWSKI

Jesus Quintana, le personnage incarné par John Turturro dans The Big Lebowski

Réglons d’abord une chose : rien n’accote le retentissement des scènes d’entraînement de Rocky, encore citées à l’occasion par les jeunes athlètes que j’interviewe. Comme je ne veux pas être jugé par les collègues Cassivi et Lussier quand je les recroiserai dans la salle de rédaction en 2023, j’ai repêché une autre scène… de quilles. Dans The Big Lebowski, Jesus Quintana réussit un abat après avoir titillé la boule du bout de la langue. Tout y est : les bagues, le jumpsuit violet, le faux ongle de l’auriculaire, le déhanchement, la grâce… « Fucking Quintana », réagit le Dude (Jeff Bridges) après le pas de danse et le baiser narquois envoyé par le personnage joué par John Turturro. Avec Hotel California interprété par les Gipsy Kings, c’est parfait. N’est-ce pas, les deux Marc ?

Frédérick Duchesneau

PHOTO TIRÉE DU FILM MONEYBALL

Brad Pitt incarne Billy Beane dans le film Moneyball.

La première qui m’est venue en tête est la fameuse bagarre entre Happy Gilmore et Bob Barker. Toujours un bijou du burlesque. Ensuite, le tir de pénalité d’un jeune Rob Lowe à la fin de Youngblood. Pour un film de hockey des années 1980, avec l’intimidant masque du gardien adverse, c’était bien joué. Mais aucun doute que je trouverais ce film terrible si je le revoyais aujourd’hui. Alors, final answer : Moneyball. La longue séquence qui commence avec Brad Pitt en camion, se dirigeant vers le match d’un club-école des A’s. Parce qu’il est convaincu que sa présence porte malheur à son équipe, qui tente au moment même de battre un record des majeures avec 20 victoires de suite. Coup de fil de son ex-femme et de sa fille pour le féliciter. Ouvre la radio et entend qu’Oakland mène 11-0 en quatrième manche. Prend brusquement la première sortie, en direction du stade des A’s… pour assister à un retour improbable de Kansas City jusqu’à 11-11. Puis, le circuit gagnant de Scott Hatteberg en fin de neuvième qui concrétise l’exploit. Tout est là, appuyé par une trame sonore simple, mais parfaite.

Richard Labbé

IMAGE TIRÉE DU FILM ROCKY III

Rocky et Hulk Hogan, dans Rocky III : L’œil du tigre

Bien sûr que toutes les scènes qui vous sont proposées ici sont excellentes, mais à mon humble avis, il n’y a rien, mais absolument rien, qui pourra à jamais rivaliser avec l’apparition de Hulk Hogan dans Rocky III : L’œil du tigre. Un peu de contexte, tout d’abord : au moment où le film prend l’affiche en 1982, les réseaux sociaux n’existent pas (le bon vieux temps !), et les surprises peuvent rester des surprises bien longtemps. Ainsi, quand on a vu Hogan arriver sur l’écran géant du cinéma Paradis, mon ami Philippe et mon père et moi-même avons tous été saisis d’une énorme stupeur, en sachant trop bien que Rocky allait sans doute mourir. Hogan, il faut bien le préciser, avait commencé à lutter un peu partout sur la planète, dont ici à Montréal, et personne ne pouvait lui faire mal, encore moins lui river les épaules au tapis pour le compte de trois. Et puis, dans toute l’histoire du cinéma, y a-t-il une scène aussi dramatique que celle du face-à-face entre Hogan (Thunderlips dans le film) et Rocky, en plein centre du ring, alors que le valeureux boxeur prend soudainement connaissance du défi qui l’attend ? Non.

IMAGE TIRÉE DU FILM ROCKY III

Guillaume Lefrançois

IMAGE TIRÉE DU FILM THE NAKED GUN

Le détective Frank Drebin revêt les habits d’un arbitre derrière le marbre et profite de chaque occasion pour fouiller les joueurs, dans The Naked Gun

Comme c’est souvent le cas, le premier des trois films de la série L’agent fait la farce (The Naked Gun) était le meilleur. L’histoire de ce premier volet : le détective Frank Drebin doit empêcher l’assassinat de la reine Élisabeth II à un match entre les Mariners de Seattle et les Angels de la Californie. Pour y parvenir, Drebin remplace l’arbitre derrière le marbre et profite de chaque occasion pour fouiller les joueurs, à la recherche de l’assassin potentiel. Arrive donc cette fameuse scène où Drebin juge les balles et les prises. Toute la drolerie de la scène repose sur un principe bête : l’arbitre carbure aux réactions de la foule. Ça fait en sorte qu’il donne des prises au lanceur de l’équipe à domicile, les Angels, qu’il agrémente de pas de danse inspirés de Michael Jackson, question de faire lever la foule. Le regretté Leslie Nielsen ne donnait pas sa place dans l’humour absurde, et cette scène en est un excellent exemple !

https://www.youtube.com/watch?v=dqpgpqTOnd8

Simon-Olivier Lorange

IMAGE TIRÉE DU FILM ANY GIVEN SUNDAY

« Soit nous nous relevons comme une équipe, soit nous mourons comme des individus. » Bonne chance pour garder les yeux secs au terme du monologue que sert Al Pacino à ses joueurs dans Any Given Sunday (Les héros du dimanche, en français). Dans ce film de 1999 réalisé par Oliver Stone, Pacino campe un entraîneur de football aigri et dépassé qui doit composer avec les multiples ego de son vestiaire, à commencer par celui, démesuré, de son quart-arrière (Jamie Foxx). Le film culmine sur un match éliminatoire, et le discours de la mi-temps est tout simplement une leçon d’humanité, fondée sur le principe que le terrain – et la vie, finalement – doit être franchi un pouce à la fois. Si, à la suite de l’écoute, vous n’avez pas envie d’aller rudoyer de gros bonshommes de 325 lbs, vous avez un cœur de pierre.

> (Re)voyez la séquence en question (en anglais)

Alexandre Pratt

IMAGE TIRÉE DU FILM THE NATURAL

Roy Hobbs (Robert Redford) dans The Natural

Le circuit final de Roy Hobbs (Robert Redford) dans The Natural. Un éclair déchire le soir. Hobbs fracasse son bâton préféré. Il demande au jeune préposé Bobby Savoy de lui ramener un « bâton gagnant ». L’ado choisit le Savoy Special, que Hobbs et lui ont fabriqué ensemble. Hobbs retourne au marbre. Il saigne de l’abdomen. Le receveur demande un lancer à l’intérieur. Mais Hobbs prévoit le coup. Il frappe la balle avec aplomb. « That ball is still going. It’s way back. High up in the air. » Puis elle fracasse les lumières du stade. Le système électrique explose. Hobbs contourne les buts – au ralenti – sous un feu aussi nourri que celui du bombardement de Londres. Fondu au noir. Snif.