Le confinement a aussi du bon. Il faut évidemment compatir avec tous ceux dans une situation plus difficile, malades ou étranglés financièrement, mais pour s’évader un peu, il y a ce retour aux plaisirs simples, la cuisine, la lecture, la méditation.

Je me suis surpris depuis deux semaines à redécouvrir dans ma bibliothèque personnelle des livres dont j’avais oublié l’existence. Laissons Pagnol et Kundera reposer pour l’instant, nous sommes dans la section des sports, après tout, et laissez-moi vous proposer un top 10 de mes lectures sportives.

J’en omettrai d’importantes, évidemment, je me concentre sur les ouvrages qui se trouvent sur mes rayons.

Guy Lafleur a fait l’objet de nombreuses biographies. Celle de Georges-Hébert Germain, publiée en 1990, chez Art Global/Libre Expression, m’a beaucoup marqué. Pour la première fois, à mes yeux d’adolescent, on racontait au Québec l’histoire d’un athlète de façon aussi romancée. La légende du Canadien s’y ouvre aussi sans pudeur, tant sur son quotidien dans le vestiaire du Canadien que dans sa vie privée.

L’autobiographie d’Andre Agassi, Open, m’a profondément touché. L’ancien numéro un mondial de tennis y raconte comment il a vécu la presque totalité de son existence à détester le tennis, dans une prison invisible, victime des exigences de son père, son bourreau, déterminé à en faire un champion, peu importe le prix. « J’ai sept ans et je parle tout seul parce que je suis effrayé et parce que je suis le seul qui veuille bien m’écouter. Je murmure entre mes dents. Abandonne, Andre, laisse tomber. Pose ta raquette et va-t’en de ce court. Est-ce que ça ne ressemblerait pas au paradis ? » Paradoxalement, il remerciera avec passion et émotion son père quelques années plus tard lors de son intronisation au Temple de la renommée du tennis international…

Le boxeur québécois Stéphane Ouellet avait un talent fou. Comme Agassi, lui non plus ne semblait pas aimer son sport. Ses vices l’ont aussi empêché de devenir champion mondial. Jacques Pothier a raconté sa vie en 2004. Sans filtre. L’une des meilleures biographies sportives jamais écrites au Québec, à mes yeux. « Mille fois dans ma carrière on m’a répété que mon talent de boxeur était un don du ciel. Pas une seule fois on ne s’est arrêté au fait que ce fabuleux don servait à frapper des hommes. À faire mal à des hommes. J’aurais tant préféré hériter d’aptitudes mieux adaptées à mon esprit pacifique. »

L’ancien gardien Ken Dryden a écrit quelques ouvrages formidables, en particulier The Game, publié en 1983. Dans Game Change, lancé il y a deux ans, et pour lequel j’ai eu le privilège de m’entretenir avec lui, il raconte le destin tragique de l’ancien hockeyeur Steve Montador, mort en 2015 à 35 ans, le cerveau ravagé par des commotions cérébrales à répétition. Le récit commence en février 2015, dans le laboratoire de la docteure Lili-Naz Hazrati, le scalpel à la main, prête à disséquer et à analyser le cerveau de l’ancien défenseur des Sabres de Buffalo et des Flames de Calgary. Une œuvre puissante…

Parce que John McEnroe est l’une de mes idoles de jeunesse, parce qu’il a été l’un des principaux acteurs d’une période fascinante dans le monde du tennis, parce qu’il n’a pas de filtre lui non plus, j’ai dévoré l’autobiographie de McEnroe publiée il y a maintenant 18 ans.

Je suis jaloux du collègue Luc Gélinas. Dans le bon sens, bien sûr. Luc a eu la brillante idée il y a une dizaine d’années de demander à huit hockeyeurs de la LNH de raconter leur parcours, de l’enfance aux rangs professionnels. Dans le premier des deux tomes, il sonde Vincent Lecavalier, Francis Bouillon, André Roy, Roberto Luongo, Ian Laperrière, Steve Bégin, Simon Gagné et Martin Brodeur. Cet ouvrage a lancé la prolifique carrière d’écrivain de notre homme, sur le plan des biographies sportives comme de la littérature jeunesse. J’ai côtoyé Luc pendant une dizaine d’années sur le beat du Canadien. Je dirai une seule chose : le succès ne pouvait pas arriver à un meilleur gars !

Pour ceux qui s’intéressent aux espoirs de la LNH et au repêchage, le journaliste Gare Joyce, anciennement du Globe and Mail, a réussi à passer un an avec les recruteurs des Blue Jackets de Columbus en prévision du repêchage de 2006.

Le défenseur repêché au 20e rang par le Canadien, David Fischer, porte la mention « ND » sur la liste des Blue Jackets : « Not draft », ne pas repêcher…

Mais ils se trompent tous. La saison précédente, l’organisation des Blue Jackets se tapait sur les cuisses après avoir vu le Canadien choisir Carey Price au cinquième rang. Leur cible privilégiée, Gilbert Brule, était donc toujours disponible.

En 1993, après mon stage estival à La Presse, le directeur de l’information, Marcel Desjardins, m’a suggéré de travailler pour son beau-frère Jean-Robert Danis, à l’Express d’Hawkesbury, afin de parfaire mon apprentissage. M. Danis m’hébergeait, et en plus de me conseiller sur le métier, il m’avait suggéré plusieurs lectures, dont l’autobiographie de Richard Garneau, la voix sportive de Radio-Canada pendant quatre décennies. Dans sa dédicace, signée le 20 septembre 1993, Jean-Robert Danis m’écrit : « D’une tête de cochon… à une autre. Amitiés. J.R.D. » Je l’ai pris comme un compliment.

L’Express a fermé de façon inattendue deux mois plus tard et je rentrais à Montréal pour ne plus jamais quitter La Presse. Mon mentor d’Hawkesbury allait mourir tragiquement quelques mois plus tard. Paix à son âme. Une dizaine d’années plus tard, Richard Garneau acceptait de participer à mon livre Paroles d’hommes sur les grandes questions existentielles avec Denys Arcand, Pierre Foglia, Guy A. Lepage et le père Emmett Johns (Pops).

Deux ouvrages, pour terminer : un tout petit livre, probablement le premier livre de sport qu’il m’ait été donné de lire, au début de l’adolescence, la biographie de Wayne Gretzky, encore en début de carrière, par le vénérable Terry Jones, de l’Edmonton Journal, et l’incontournable biographie du légendaire basketteur Michael Jordan, pourtant pas promis à une carrière aussi grandiose avant d’accéder à la NBA.

Bibliographie

• Georges-Hébert Germain, Guy Lafleur – L’ombre et la lumière, Art Global/Libre Expression, 1990, 407 pages.
• Andre Agassi, Open, Plon, 2009, 501 pages.
• Jacques Pothier, Stéphane vs Ouellet, les éditions JCL, 2004, 565 pages.
• Ken Dryden, Game Change – The Life and Death of Steve Montador, Signal, 2017, 357 pages.
• John McEnroe (avec James Kaplan), You Cannot Be Serious, Putnam, 2002, 342 pages.
• Luc Gélinas, La LNH, un rêve possible, HMH, 2008, 256 pages.
• Gare Joyce, Future Greats and Heartbreaks, Anchor Canada, 2007, 330 pages.
• Richard Garneau, À toi, Richard…, Stanké, 1992, 492 pages.
• Terry Jones, The Great Gretzky, General, 1982, 140 pages.
• Roland Lazenby, Michael Jordan – The Life, Talent Sport, 2014, 720 pages.