En quelques années, Mathieu Bilodeau est passé de l’anonymat des trottoirs albertains aux routes des Championnats du monde.

En quelques années, le comptable québécois, qui réside à Calgary, a appris les rudiments de la marche athlétique, s’est mis à fréquenter l’élite mondiale et a atteint les Jeux olympiques. Présent à Rio en 2016, il espère maintenant obtenir son billet pour ceux de Tokyo l’an prochain. Première étape : l’épreuve de 50 kilomètres des Mondiaux à Doha, le 28 septembre.

S’étant classé 31e et 25e lors de ses deux premiers Championnats du monde, Bilodeau espère de nouveau terminer dans le top 30 au Qatar. Il a surtout les yeux fixés sur Tokyo, dont les places s’obtiennent en atteignant un certain temps ou par l’entremise du classement international. Dans le premier cas, il devra retrancher plus de 3 minutes à son meilleur chrono réalisé au printemps dernier (3 heures, 53 minutes et 36 secondes).

PHOTO IVAN ALVARADO, ARCHIVES REUTERS

Mathieu Bilodeau aux Jeux panaméricains, en juillet dernier

« Je veux montrer que je figure parmi les 30 meilleurs au monde. Par contre, je sais que je n’ai ni les outils ni le support pour me battre pour un podium, dit-il en référence aux conditions de son ami français Yohann Diniz, champion du monde en 2017. J’aimerais surtout me qualifier pour Tokyo tout de suite. Si ça ne marche pas par le temps, je veux avoir le meilleur classement pour y arriver. Je connais les profils de mes adversaires et je vais être stratégique. »

En raison du temps chaud et humide, le départ sera donné à… 23 h 30. Dans sa préparation, qui va en partie se dérouler sous le soleil catalan, Bilodeau ne compte pas simuler de séances à cette heure précise.

« Quand tu es en forme et que tu es bien dans la tête, ça ne change rien que tu démarres à 7 h le matin ou à 23 h 30. J’ai le temps de m’adapter à Barcelone. Puis, dans les deux ou trois derniers jours avant la compétition, je dors tout le temps, autant le jour que la nuit », dit celui qui a vécu une répétition générale dans le cadre des Jeux panaméricains, le mois dernier.

Deuxième carrière

Âgé de 35 ans, Bilodeau n’est pas nouveau dans le monde du sport puisqu’il a déjà représenté le Canada, en triathlon et en cross triathlon (natation en eau libre, vélo de montagne et course à pied en sentier), sur la scène internationale. Par contre, il est relativement novice dans la marche athlétique, y ayant débuté en 2014 à Calgary.

Une rencontre avec Janice McCaffrey, olympienne à trois reprises, l’a conduit à explorer une deuxième carrière sportive. « Pas certain » de vouloir se lancer dans la marche athlétique, il a joué franc jeu avec elle. « Je lui ai dit : “Je suis prêt à prendre ma retraite du sport. Si je ne suis pas bon, tu me le dis tout de suite.” »

Non seulement Bilodeau avait-il quelques aptitudes intéressantes, mais encore son passé de sportif d’endurance lui procurait un avantage sur la distance de 50 kilomètres. Il reste que les premiers mois n’ont pas été simples avec une technique qui ne s’apprend pas du jour au lendemain. Le marcheur doit constamment maintenir un contact avec le sol. La jambe avant doit aussi être tendue du premier contact avec le sol jusqu’à sa position verticale. La démarche qui en découle a d’ailleurs été la source de nombreuses moqueries.

J’en ai eu, du monde qui se sont foutus de ma gueule ou qui me criaient des noms, mais à un moment donné, il faut passer par-dessus ça.

Mathieu Bilodeau

Avant d’atteindre cette étape, par contre, il allait s’entraîner le soir, « à la noirceur », ou se rendait à l’ovale de Calgary, là où se trouve la piste intérieure, le plus tard possible. Il lui a fallu environ six mois avant qu’il soit un peu moins gêné.

Mais au fait, pourquoi a-t-il accroché à la marche athlétique ? « Parce que ma conjointe peut me suivre en vélo et qu’on passe plus de temps ensemble, démarre-t-il. C’est aussi un sport qui prend un petit peu moins de temps que les autres. Je n’ai pas à m’occuper des temps de piscine ou faire du vélo quand il fait froid ou qu’il pleut. Finalement, j’ai été rapidement pris en charge par Gilles Roca, l’entraîneur de Yohann Diniz. Ça m’a motivé de pouvoir côtoyer les meilleurs au monde. Ça n’aurait pas été le cas en triathlon. »

Dans les dernières années, Bilodeau a multiplié les congés à l’approche des grandes compétitions. Depuis le mois de mai, le comptable chez Deloitte a cependant trouvé de nouvelles responsabilités qui lui permettent de travailler à domicile et de gérer ses entraînements plus facilement. Il devrait continuer à jongler ainsi encore quelque temps.

« Physiquement et mentalement, je me vois encore faire un an ou deux après Tokyo. Après, ce sera assez pour moi », dit-il en rappelant que la Fédération internationale d’athlétisme (IAAF) privilégie maintenant les plus courtes distances, au détriment du 50 kilomètres.

De toute façon, cet éternel sportif est en constante réflexion. « Je m’ennuie du cyclisme. Ça me chicote. Peut-être qu’il y aura un changement d’entraînement ou de carrière. »