Il s’en passe, des choses, lorsqu’on décide de faire 26 marathons en 26 jours, sur deux continents. Il y a les belles rencontres, les bobos physiques, la fatigue mentale et, à la fin, un énorme sentiment de fierté qui fait oublier tous les moments pénibles.

Voici un peu le résumé de l’aventure de Jessica Lange, qui a couru 1117 km entre Québec et Halifax, puis en France, entre le 20 mai et le 16 juin. Ses objectifs étaient de promouvoir une bonne santé psychologique grâce à l’activité physique tout en amassant des fonds pour la Fondation CERVO. Elle remettra un chèque de 9000 $ à l’organisme impliqué dans la recherche sur les maladies neurologiques, les maladies mentales et les dépendances.

« Ce qui me fait plaisir dans ce défi-là [Tetrotop], c’est le message véhiculé. En ce qui concerne la Fondation CERVO, mon objectif était ambitieux puisque je souhaitais recueillir 50 000 $. Je suis quand même contente d’avoir fait connaître la Fondation et d’avoir récolté une belle somme en 26 jours », explique-t-elle.

Son message a eu un certain retentissement grâce à ses apparitions médiatiques et sa présence sur les réseaux sociaux. Certains lui ont indiqué qu’ils allaient se mettre à la course ou faire leur première compétition de 10 km. D’autres lui ont promis de marcher 6,5 km chaque jour afin de la soutenir moralement.

PHOTO FOURNIE PAR JESSICA LANGE

Jessica Lange à Québec, au premier jour de son défi

Elle a également reçu sa part d’encouragements sur le terrain. Elle repense à ces cyclistes qui ont écrit « Go go go Jessica, t’es capable » à la craie sur l’asphalte. Elle revoit aussi ce groupe d’une trentaine de personnes qui l’ont accompagnée dans les derniers instants de sa course, à Miramichi, au Nouveau-Brunswick. Elle n’oublie pas ses amis qui ont roulé pendant neuf heures pour l’appuyer ou cette classe de sixième année à Halifax particulièrement attentive à son épopée.

Ça s’est transformé au fur et à mesure en une aventure humaine. À ma grande surprise, tant de personnes m’ont encouragée et m’ont reçu chez elles pour manger ou dormir. Ç’a fait du bien de voir ce bon côté de l’humain et une telle générosité.

Jessica Lange

Jessica Lange divise son voyage en trois phases : le Québec, les provinces atlantiques et la France, son pays d’origine. Dans la première portion, des proches l’ont très souvent accompagnée. L’entrée au Nouveau-Brunswick a coïncidé avec de plus grandes périodes de solitude. C’est là qu’elle a usé « d’astuces mentales » pour terminer ses 43 kilomètres quotidiens.

« C’est comme si j’étais partie pour de bon. Je me retrouvais avec moi-même. Dans les moments difficiles, je pensais à une personne et je l’amenais avec moi jusqu’à l’arrivée. Ça m’a beaucoup aidée quand j’avais un petit coup de fatigue dans les 5 ou 10 derniers kilomètres. »

« J’avais toujours pensé qu’une telle aventure, c’est 80 % mental et 20 % physique. J’avais hâte de valider cette perception et je suis très heureuse de dire que c’est le cas. Tu peux être super bien préparé physiquement, mais si ton mental te dit “Je suis fatigué”, c’est foutu. »

Et la France ?

Après avoir récupéré ses bagages à l’aéroport Paris-Charles de Gaulle, Lange est sortie du terminal à la course. Habituée aux vastes espaces de l’Est canadien, elle a dû composer avec des rues exiguës sans trottoir et la conduite imprudente des automobilistes. « Des fois, je me demandais si je devais sauter dans le champ de blé tellement ils me frôlaient. »

Le grand moment de ce séjour sur le sol français a été les retrouvailles avec ses frères jumeaux, Kevin et Jordane. La maladie mentale dont est atteint le second – tout comme la dépression que la coureuse a elle-même vaincue – a été une source de motivation dès le début du projet.

PHOTO FOURNIE PAR JESSICA LANGE

Jessica Lange avec ses deux frères, Jordane et Kevin, devant la cathédrale de Chartres

« Ça faisait des années qu’on ne s’étaient pas vus. Mon frère [Jordane] était vraiment ému. Il avait la larme à l’œil et, au début, il n’arrivait même pas à me parler. Il ne m’a pas prise dans ses bras, parce qu’il n’est pas expressif à ce point-là, mais on était tous heureux. Je n’ai pas réussi à le faire courir, par contre. »

Sur le plan physique, elle a ressenti quelques douleurs à un genou à la première moitié de l’aventure, avant de souffrir d’un œdème à un pied, puis de nombreuses ampoules. Après chaque course, elle exécutait un plan de récupération qui comprenait des bains d’eau glacée, des massages et des étirements.

Passer le message « d’une autre manière »

L’aventure est terminée, mais la principale intéressée souhaite poursuivre son implication. Elle livrera des conférences, notamment lors du TEDx Québec ou dans le cadre du marathon de Québec, et planche sur l’écriture d’un livre.

Elle s’imagine aussi organiser un autre défi, mais pas avant deux ans. « J’aimerais proposer à d’autres personnes de vivre ça, que ce soit 1, 2 ou 30 jours. Pour l’instant, j’ai plus envie de faire des conférences et de transmettre le message d’une autre manière. »