Le dopage ayant gangrené à ce point le monde de l'haltérophilie, les médailles viennent souvent sur le tard, bien après les Jeux olympiques.

Huit ans après les Jeux olympiques de Pékin en 2008, la Québécoise Christine Girard a appris hier matin qu'elle mettait la main sur la médaille de bronze après le contrôle antidopage de sa rivale kazakhe Irina Nekrassova, médaillée d'argent. Girard avait terminé au quatrième rang en Chine.

«On est content quand même, même si ce n'est pas la même chose que si je l'avais vécu sur place, quand c'était le temps, a-t-elle confié hier après-midi au bout du fil à La Presse. Mais en même temps, c'est un bon message pour la lutte contre le dopage, ça prouve que ça vaut la peine de persévérer dans un monde "clean". Ça peut prendre du temps, mais on va y arriver quand même.»

Christine Girard n'en est pas à sa première médaille «à retardement». Quatre ans après les Jeux de Londres, en mai dernier, sa médaille de bronze s'est transformée en argent lorsque la médaillée d'or kazakhe Maya Maneza a échoué à un test antidopage.

Un mois plus tard, l'argent s'est changé en or pour Girard lorsque la médaillée d'argent devenue gagnante momentanée de l'or, la Russe Svetlana Tzarukaeva, a échoué à son tour au test antidopage.

«Au moins, j'ai pu avoir la chance de vivre l'expérience d'un podium sur place à Londres. C'est le fun de pouvoir dire désormais que ma performance à Londres était la meilleure et que j'ai mérité une médaille à ma première participation à des Jeux olympiques, à Pékin.»

Le processus de récupération de médailles demeurera particulier pour Christine Girard, 31 ans, absente des Jeux de Rio pour se consacrer à son métier d'entraîneuse et à son rôle de nouvelle maman.

«Quand les quatre vagues de tests antidopage seront terminées, ils referont le classement et iront chercher les médailles chez les athlètes pour les redonner. Ils n'ont pas annoncé officiellement que j'ai gagné la médaille, mais je suis la présumée gagnante, c'est en voie de se faire.»

Médaille usagée

La jeune femme devra redonner sa médaille de bronze gagnée à Londres avant de recevoir la médaille d'or par la suite.

«C'est un peu étrange de penser que je vais recevoir la médaille qui a passé quatre ans dans les mains de ma compétitrice qui était dopée. Ça fait bizarre de recevoir une médaille "usagée", et après huit ans encore plus, mais en même temps, c'est quelque chose d'unique qui me revient.»

Christine Girard se doutait bien que plusieurs de ses rivales trichaient.

«On observait chez certaines au fil des ans des changements [morphologiques] impossibles. Une, entre autres, a commencé à avoir une moustache. Puis sa moustache s'est transformée en barbe. Je me suis dit: c'est trop [rires]. Mais malgré les doutes, on ne peut pas les accuser sans preuve.

«Maintenant qu'on a la confirmation, poursuit-elle, on peut le dire. C'est bien pour les personnes qui sont propres comme moi parce qu'on se fait reconnaître et on va avoir les médailles auxquelles on a droit, mais c'est extrêmement triste pour mon sport parce qu'il y a plusieurs pays qui croient que c'est normal et que c'est la marche à suivre. Plusieurs pays devront changer leur mentalité pour suivre la voie.»

Quand elle aura reçu finalement ses deux médailles, Christine Girard prévoit une petite célébration.

«Je suis pas mal sûre que les membres du Comité olympique vont organiser un petit quelque chose. Je crois d'ailleurs que c'est eux qui vont récupérer les médailles au Comité international pour les redistribuer. Sinon, je vais le souligner avec ma famille et mes amis.»