Avec la finale la plus disputée de son histoire vieille de 162 ans, la Coupe de l'America est finalement entrée dans l'ère moderne. Fini les régates au large, impossibles à suivre pour les spectateurs et réservées à quelques privilégiés.

Pour sa 34e présentation, la vénérable compétition s'est métamorphosée en une épreuve spectaculaire qui a su tirer profit de toutes les ressources technologiques modernes. On a déjà beaucoup parlé des incroyables catamarans géants - les AC72 - que les meilleurs spécialistes du monde ont poussés à des vitesses folles (un record de 47,5 noeuds, dans l'avant-dernière régate, par les Néo-Zélandais).

Très coûteux, très dangereux aussi, ces voiliers ont permis à la Coupe de l'America de redevenir la compétition de pointe de la voile, un titre qu'elle avait perdu au cours des dernières années alors qu'elle était devenue un divertissement pour milliardaires passionnés. C'est d'ailleurs l'un de ces hommes, Larry Ellison - propriétaire d'Oracle Team USA, défi victorieux -, qui a été à l'origine du renouveau en finançant en grande partie le défi américain, bien sûr, mais aussi l'organisation de la finale à San Francisco.

Avec le recul, on réalise qu'il s'agissait d'une idée de génie, même si la longueur de la phase finale - de juillet à septembre - et les phases préliminaires sans enjeu ont laissé planer des doutes sur le succès de l'opération. La finale a sauvé tout cela et offert aux organisateurs une véritable apothéose, même s'ils boucleront sans doute leur budget avec un déficit.

Chaque jour, depuis une semaine, le front de mer de San Francisco a été pris d'assaut par des milliers de spectateurs qui pouvaient voir les voiliers évoluer tout près des quais, avec le Golden Gate et la prison d'Alcatraz en arrière-plan.

Les spectateurs ont non seulement eu droit à des régates spectaculaires, mais aussi à l'une des couvertures médiatiques les plus complètes qui aient jamais été produites. Aussi bien à la télé que sur l'internet, les amateurs ont pu suivre les courses comme jamais auparavant, avec en surimpression les représentations virtuelles des courants et des vents, les statistiques instantanées, les routes des voiliers, avec aussi toutes les communications entre les marins.

Mercredi, sur le podium, Ellison a lancé que la Coupe de l'America ne serait plus jamais la même et il avait parfaitement raison. « Avec ces grands catamarans, nous avons tenté de rendre l'épreuve plus «extrême» afin d'attirer un public plus large, a rappelé le milliardaire américain. Plus de gens ont suivi la première régate de la compétition que toutes les régates précédentes de l'histoire de la Coupe de l'America mises ensemble!»

Le grand skipper français Loïck Peyron, qui était du défi suédois Artemis faute d'avoir pu monter un défi français, ne tarit pas d'éloges sur cette 34e Coupe de l'America. « On n'avait jamais vu une telle compétition, a expliqué Peyron, il y a quelques jours, en entrevue. Pour la première fois, la voile est devenue un sport capable de rejoindre les masses grâce à ces voiliers spectaculaires et aux régates très disputées entre les deux meilleurs équipages du monde.

«C'est un immense pas en avant pour notre sport et ce sera désormais impossible de revenir en arrière en Coupe de l'America. Je ne sais pas si nous garderons ces voiliers, très coûteux c'est vrai, qui limitent sérieusement la participation d'autres défis.

«Si on me demande si ces centaines de millions auraient pu être utilisées autrement, la réponse est oui, bien sûr, a poursuivi Peyron. Mais il ne faut pas oublier que la fabrication et la mise à l'eau de ces voiliers a fait travailler des centaines de personnes dans des secteurs de pointe de la science et de la technologie.

«La voile a toujours été l'un de ces sports où l'être humain fait face à ses limites. C'était particulièrement évident, cet été, à San Francisco.»