Les championnes de tennis ne vivent pas leur carrière comme celle de leurs alter ego masculins. Elles ont plus de mal à encaisser le stress lors des grandes compétitions, affirme une étude. Forte pression de l'entourage, concurrence féroce, mesquinerie et star-system de plus en plus vorace font partie des défis que connaissent les jeunes joueuses.

Alors que Montréal accueille quelques-unes des plus grandes championnes du tennis, réflexion sur la réalité des stars de la raquette.

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Forte de sa récente victoire au tournoi de Sandford, en Californie, la Montréalaise Aleksandra Wozniak revient dans la métropole avec l'objectif d'obtenir la Coupe Rogers. «Je souhaite remporter de grands tournois et créer une belle surprise à Montréal», a-t-elle dit en point de presse la semaine dernière.

La jeune championne sait-elle qu'une récente étude américaine révèle que la performance des joueuses de tennis se détériore de manière significative aux moments cruciaux des matchs alors que celle des hommes varie beaucoup moins? «Les joueuses commettent plus d'erreurs lorsque ça compte», dit l'auteur de l'étude, Daniele Paserman, économiste à l'Université de Boston.

Il a cherché à expliquer pourquoi les femmes semblent moins performantes dans des milieux très compétitifs et, par conséquent, sont sous-représentées au sommet de la hiérarchie professionnelle. Il a ainsi mesuré la fréquence des erreurs commises dans les moments cruciaux aux tournois du Grand Chelem en 2006 et 2007.

«Les joueuses modifient leur stratégie lorsque la pression monte. Elles jouent un tennis plus timoré», dit M. Paserman. Alors que 30% des points importants d'un match se concluent en erreur chez les hommes, ce chiffre grimpe à 40% chez les femmes. Même s'il faut faire attention aux généralités, l'économiste croit que la différence entre les deux sexes est significative lorsqu'il est temps de se distinguer dans un environnement très compétitif comme le tennis.

«Je ne suis pas prêt à dire que les filles supportent moins bien la pression que les gars, mais je pense que les garçons ont une attitude plus saine face à la compétition», estime Sylvain Bruneau, entraîneur pour Tennis Canada. Pour le psychologue Marc Doucet, c'est dans l'établissement des objectifs que la différence se joue. «Les femmes se fixent des objectifs plus élevés que les hommes», dit-il. Selon lui, les blessures et les erreurs sont plus fréquentes lorsque l'on vise trop haut.

Pas toujours rose

Carrières en dents de scie, contre-performances et départs prématurés du circuit; de nombreuses joueuses de tennis ont craqué au sommet de leur gloire. Élevées au rang de superstars à 14-15 ans, elles n'ont peut-être pas la maturité physique et mentale pour supporter la pression. Et celle-ci est immense.

Martina Hingis, Jennifer Capriati, Anna Kournikova et, plus récemment, Justine Henin ne sont que quelques exemples de joueuses qui ont accroché leur raquette avant l'âge de 30 ans. Et dans la controverse. L'atmosphère entre les joueuses dans le circuit, l'intolérance face à la pression, une carrière qui débute à l'adolescence et des pères autoritaires sont quelques-uns des facteurs montrés du doigt.

Le tennis féminin, «c'est une véritable jungle», résume Sylvie Tétrault, psychologue à Tennis Québec. «Chez les femmes, il y a de l'envie et de la jalousie», ajoute-t-elle.

«Peut-être que cela contribue au fait qu'elles se retirent plus rapidement», dit l'entraîneur Sylvain Bruneau. «C'est sûr que c'est différent chez les garçons. Les filles ne se parlent pas avant le match, elles sont plus dans leur bulle», dit la joueuse Aleksandra Wozniak.

«Les filles ont tendance à être plus nerveuses, plus émotives», dit Hélène Pelletier, analyste à RDS et ex-joueuse. Aller aux toilettes en plein milieu d'un match pour déconcentrer l'adversaire ou carrément la bousculer lors d'un changement de côté de court ne sont deux exemples de coups bas observés par Sylvie Tétrault.

Des adolescentes

«Le tennis, c'est dur, plaide Hélène Pelletier lorsqu'il est question de retraite prématurée des joueuses. Tu ne t'assieds pas pour faire jouer un autre trio comme au hockey», dit-elle, tout en précisant que les plus grandes championnes arrivent dans le circuit vers 15-16 ans, beaucoup plus tôt que les garçons. «Justine Henin joue depuis qu'elle a 3 ou 4 ans», précise Mme Pelletier.

«Lorsqu'elles se retirent à 25 ans, ça fait plus de 10 ans qu'elles sont dans le circuit, alors que les hommes arrivent à cette étape dans la trentaine», confirme Sylvain Bruneau. «Il ne faut pas oublier l'horloge biologique», rappelle pour sa part Stacey Allister, présidente du WTA Tour. «Et puis, elles ont aussi envie d'avoir une vie normale», ajoute Hélène Pelletier.

Les déboires des joueuses comme Martina Hingis, qui a échoué à un test antidopage à Wimbledon, ou de Jennifer Capriati, qui a eu des problèmes de consommation, peuvent être attribués au fait qu'elles étaient très jeunes lorsqu'elles ont entamé leur carrière. «On voit moins ce genre de situation chez les garçons. Comme ils arrivent plus tard dans le circuit, ils sont mieux préparés au point de vue émotionnel», dit Sylvain Bruneau.

«Il y a aussi beaucoup de situations où les pères sont omniprésents dans l'entourage des jeunes filles. Steffi Graf, Monica Selles, Mary Pierce, Jennifer Capriati, Maria Sharapova, la liste est très longue, dit M. Bruneau. Certaines ont eu des problèmes avec un père abusif. C'est une situation qu'on ne voit pas dans le circuit masculin.»

Des mesures de la WTA

La présidente du WTA Tour, Stacey Allister, assure que les particularités du tennis féminin sont prises en considération. Depuis 1994, on s'assure que les plus jeunes ne participent pas à un trop grand nombre de tournois pour qu'elles ne se «brûlent» pas. En 2009, les joueuses auront deux ou trois semaines de vacances supplémentaires et la tournée sera planifiée en fonction de la rotation des types de terrain. Le nombre de tournois auxquels les joueuses pourront participer sera limité.

Ces mesures permettront aux joueuses d'êtres mieux reposées physiquement. Peut-être auront-elles aussi une incidence sur leur préparation psychologique, qui demeure le nerf de la guerre.