Confortablement calé dans son fauteuil, dans le lobby d'un hôtel du centre-ville, Daniel Santos est bien entouré. Sa femme feuillète un magazine pendant que sa mère discute avec un employé de la réception. Son père et entraîneur, lui, supervise l'entrevue de son fils.

Chez les Santos, la boxe est une histoire de famille. Et pour ce clan portoricain «tissé serré», il n'est pas question de manquer le combat de Daniel vendredi contre Joachim Alcine. Après tout, ce n'est pas tous les jours qu'un champion déchu a la chance de le redevenir.

«C'est clair que je viens ici pour gagner, dit Daniel Santos, qui revenait hier de s'entraîner dans un gym de la rue Saint-Catherine. Je veux la ceinture d'Alcine. Je ne repartirai pas sans elle.»

«La ceinture», cet objet irréel pour bien des boxeurs, Daniel Santos en connaît la valeur. Il y a huit ans, Joachim Alcine livrait ses premiers combats pro contre des inconnus de circonstance. Santos, qui a le même âge que le Montréalais, remportait au même moment son premier titre mondial.

«Il était très bon, très tôt. Il était phénoménal chez les amateurs, et il l'est aujourd'hui chez les pros, lance son père, Francisco Santos. Des boxeurs comme ça, on n'en trouve pas à chaque coin de rue.»

Ce boxeur hors pair, qui fait la gloire de son père, n'avait pourtant pas été destiné à la boxe. Ses trois frères ont été les premiers à marcher sur le ring. Sans le dire à leur père. «Je ne voulais pas de boxeurs à la maison», dit Francisco, qui, comme son fils, a les bras recouverts de tatouages.

Une fois les aînés tombés amoureux fous du sport, Francisco a cherché à protéger le cadet. Daniel avait le droit de traîner au gymnase, mais pas de monter sur le ring. Dans ce gym de San Juan, à Porto Rico, il observait les athlètes avec des yeux ronds comme des gants de boxe.

«Il aimait tellement ça que j'ai accepté qu'il essaye. Il n'était alors jamais monté sur un ring, il avait 12 ou 13 ans, se souvient son père. Je suis allé voir un entraîneur au gym, et lui ai demandé s'il avait un jeune vaillant, du même poids. Il a mis un gamin entre les cordes, qui avait déjà livré huit combats. Ce n'est pas rien. Daniel est monté et n'en a fait qu'une bouchée. L'entraîneur était fou de rage. Il croyait que c'était un traquenard!»

Au cours de ses années chez les amateurs, il allait faire une bouchée de biens des adversaires. Même aujourd'hui, le petit monde de la boxe olympique se rappelle de lui. Yvon Michel, qui entraînait au milieu des années 1990 l'équipe nationale, a vu quatre boxeurs canadiens perdre contre Daniel Santos. «On ne l'a jamais battu», dit le promoteur. Au moment de passer pro, il avait gagné 117 de ses 120 combats amateur.

La chute

La fin du champion, la chute du prodige, viendrait bien après. Pour la sixième défense de son titre de champion WBO des super mi-moyens, il devait affronter l'Ukrainien Sergiy Dzinziruk (encore invaincu aujourd'hui). La défaite a été annoncée au terme de 12 rounds par décision des juges. Daniel Santos en est encore hanté.

«Ça a été très douloureux, dit-il. Il y a tellement d'aspects de ce combat que je trouve injustes que je ne veux pas en parler. Ça prendrait des heures. Disons que j'ai perdu. Maintenant il faut passer à autre chose.»

Depuis la défaite de décembre 2005 - que son père qualifie de «malchance» - il n'a livré que deux combats. Daniel Santos a assommé en un round Will Evans. Puis il a passé le K.-O. à l'excellent Jose Antonio Rivera en octobre dernier. Les deux se battaient pour le statut d'aspirant obligatoire, pour pouvoir affronter Joachim Alcine.

Joachim Alcine, qui possède ce que tout ancien champion désire plus que tout: une ceinture, un titre et les bourses qui vont avec.

«Alcine, je ne pense rien de lui, dit Santos sans le moindre dédain. C'est un boxeur comme tous les autres. Je vais monter sur le ring comme d'autres vont au bureau. Je vais faire mon boulot.»

Puis, le Portoricain réfléchit et se ravise. «Alcine, c'est un boxeur comme tous les autres boxeurs. La seule différence, c'est qu'il a une ceinture.»

Le combat de championnat du monde entre Joachim Alcine (30-0, 19 K.-O.) et Daniel Santos (31-3, 22 K.-O.) aura lieu vendredi au Parc Jarry.