La Canadienne Priscilla Lopes-Schliep a tout donné à quelques mètres de la ligne d'arrivée - se penchant de toutes ses forces vers l'avant - et grâce à cette fraction de seconde, elle a pu surgir de l'obscurité.

Peu connue jusqu'ici, l'athlète originaire de Whitby, en Ontario, a remporté la médaille de bronze aux 100 mètres haies chez les dames, mardi, aux Jeux olympiques de Pékin. Elle a ainsi permis au Canada de décrocher une première médaille olympique en 12 ans en athlétisme, grâce à une performance excitante qui vient chambouler la hiérarchie canadienne dans l'univers des haies.

«Tout le monde avait négligé cette femme-là, a déclaré Anthony McCleary, son entraîneur depuis qu'elle a 16 ans. Je lui ai juste dit, 'Personne ne pense à toi, tu es la négligée, va vers la lumière, change tout ça'.»

Lopes-Schliep, qui pendant longtemps a couru dans l'ombre des meilleures spécialistes des haies au monde, notamment sa coéquipière blessée Perdita Felicien, espérait jouer les trouble-fêtes dans la finale olympique, après s'être amenée à Pékin alors qu'elle était classée neuvième au monde.

Dans les faits, chacune des médaillées de mardi étaient considérées comme des négligées. Elles ont été aidées par un coup du sort, quand la favorite, l'Américaine Lolo Jones, a vu son pied se prendre dans l'avant-dernière haie.

Pendant que Jones perdait tout son rythme, l'Américaine Dawn Harper l'a dépassée en route vers un chrono de 12,54 secondes, bon pour la médaille d'or. L'Australienne Sally McLellan a mérité l'argent, même si elle a enregistré le même temps que Lopes-Schliep, soit 12,64.

«Nous étions les négligées, personne n'attendait rien d'aucune d'entre nous, a souligné Lopes-Schliep, le visage illuminé par un large sourire. D'avoir pu prendre les trois premières places et montrer au monde que nous sommes là, que nous sommes des battantes, c'est une sensation tellement excitante.

«J'ai l'impression d'être sortie de mon corps, d'être allée au paradis et d'être revenue. C'est un rêve devenu réalité.»

Douze années après que le Canada eut raflé sa dernière médaille en athlétisme - deux médailles d'or décrochées par Donovan Bailey, au 100 m et au relais 4 x 100 m à Atlanta - il aura fallu plusieurs minutes supplémentaires avant que Lopes-Schliep n'empoche officiellement la sienne.

Seulement deux centièmes de seconde séparaient les coureuses de la deuxième à la sixième place, et celles-ci ont dû attendre les résultats officiels pendant qu'on affichait les mots 'photo finish» sur l'écran géant du Nid d'oiseau.

McLellan et Lopes-Schliep ont toutes deux été chronométrées en 12,64, tandis que l'Américaine Damu Cherry, quatrième, et la Jamaïcaine Delloreen Ennis-London, cinquième, l'ont été en 12,65.

«C'était si serré depuis l'angle que j'avais que c'était difficile à dire, a déclaré le mari de la médaillée de bronze, Bronsen Schliep, qui était assis dans les gradins acvec McLeary. L'écran a juste commencé à cligner avec les mots «photo finish, photo finish, photo finish» pendant une période qui m'a semblé durer à peu près 10 jours.

«Une fois que son nom est apparu, j'ai explosé de joie, a ajouté Bronsen, un ancien joueur de basketball à l'Université du Nebraska. Ceci est le sommet du sport. Être un médaillé olympique, c'est plus impressionnant encore qu'une bague du Super Bowl.»