La Presse vous propose chaque semaine un témoignage qui vise à illustrer ce qui se passe réellement derrière la porte de la chambre à coucher, dans l’intimité, loin, bien loin des statistiques et des normes. Aujourd’hui : Kathleen*, mi-cinquantaine.

Elle ne sait pas trop pourquoi ni surtout quelle mouche l’a piquée ce jour-là, mais il y a quelques années, Kathleen a décidé que le temps était arrivé : elle allait réaliser ses fantasmes. Et c’est exactement ce qu’elle a fait.

La surprenante quinquagénaire, par ailleurs plutôt du genre réservé, vous verrez, nous a donné rendez-vous dernièrement devant un terrain de baseball, quelque part sur la Rive-Sud. « J’ai un parcours un peu atypique, alors je me suis dit : pourquoi pas en faire part ? »

Elle voit son éveil (sa piqûre, son illumination ?) comme une « bulle au cerveau », tout juste au tournant de la cinquantaine : « Il était temps de réaliser mes fantasmes et d’explorer. » Pourquoi là, précisément ? Aucune idée.

Il faut dire qu’elle n’avait jusque-là, et malgré une vie en dents de scie, pas trop « exploré », justement. Son premier partenaire sexuel, à 16 ans, était plutôt « basique », les relations « pas très longues, sans beaucoup de préliminaires ». Deux ans plus tard, et après quelques autres amourettes, elle fait la rencontre de son futur mari, avec qui c’est une fois de plus « ben ordinaire », grimace-t-elle. « Entre autres parce qu’il était éjaculateur précoce. Mais ce n’est pas ça qui a fait que la relation s’est brisée, prend-elle la peine de préciser. Je suis beaucoup plus axée sur les qualités de cœur que sur le sexe. »

Toujours est-il qu’un enfant et 10 années plus tard, ils se sont séparés, entre autres parce que monsieur buvait et la dénigrait.

Fin vingtaine, donc, Kathleen se retrouve célibataire, et vit quelques années à enfiler les « one-night ». Mais attention, les aventures demeurent ici encore assez « standards ».

Moi, je suis réservée quand je connais peu les gens. Ce n’était pas olé olé.

Kathleen, mi-cinquantaine

Mais oui, elle prenait son pied. « Ouais, ouais, dit-elle. C’était satisfaisant. Mais rien de fou. »

Elle finit par se faire un amoureux, « le coup de foudre de [sa] vie », et sexuellement, ça clique enfin vraiment. « Mais peut-être que c’était le fait que j’étais tellement en amour… »

L’histoire ne dure que deux ans (on ne saura pas trop pourquoi), puis Kathleen se retrouve de nouveau célibataire, et ce, pendant 10 ans. Cette fois, son célibat est plus « tranquille », explique-t-elle, entre autres parce qu’elle s’inscrit sur des sites de rencontres et, d’un naturel plus timide, disions-nous, elle a tendance à « chocker » : « je n’allais jamais jusqu’à la rencontre… » Pourquoi ? « Je ne sais pas : la gêne ? Les quelques livres en trop ? Je suis quelqu’un de timide à la base, répète-t-elle. On dirait que le one-night est moins gênant, à comparer à chercher quelqu’un pour du long terme, quelqu’un que tu reverrais… »

Fin trentaine, elle fait tout de même la rencontre d’un homme par l’entremise du travail : le père de son deuxième enfant. Seulement voilà : monsieur est toxicomane. « Alors j’ai été obligée de le sortir de ma vie. » Elle ne s’épanche pas sur le sujet, mais on comprend qu’elle tient coûte que coûte à garder l’enfant. Et même si son choix ne fait pas l’unanimité, disons. À ce sujet, elle en a entendu de toutes les couleurs : « Pourquoi tu n’avortes pas ? Plus un homme ne va vouloir de toi ! » Mais Kathleen ne voit pas les choses du même œil : « J’ai pris une décision très claire, se souvient-elle : tant que cet enfant ne serait pas grand, plus un homme ne rentrerait dans ma vie. »

Vous devinez la suite ? Près de 15 ans plus tard, l’enfant enfin « grand » (ou du moins adolescent), Kathleen, la cinquantaine sonnée, ose enfin. Nous y voilà : « je peux peut-être m’ouvrir à l’idée d’une possibilité », résume-t-elle en riant.

Il est temps

Après quelques échecs de nouveau du côté des sites de rencontres (« j’ai eu quelques rejets, alors j’ai fermé la porte, je suis tannée de ça »), elle change son fusil d’épaule et se tourne vers un autre type de site : un site pour réaliser ses fantasmes. Carrément. Exclusivement. Parce qu’il est temps, se dit-elle, à ce moment clé de sa vie, « de réaliser [ses] fantasmes ». Et elle en a de très précis en tête : « Je voulais vivre un trio, énumère-t-elle, et faire ça en groupe, surtout ça. Et puis un autre, mais c’est peut-être dangereux : j’aurais aimé essayer avec deux ou trois hommes. Mais je ne le ferai pas. Dans une chambre d’hôtel avec des hommes que je ne connais pas, ça pourrait être dangereux. »

Ça ne l’empêche pas de réaliser les deux autres.

Et j’ai eu presque exclusivement que de bonnes expériences. Ce qui est rare !

Kathleen, mi-cinquantaine

Kathleen nous raconte donc ses trios, avec une certaine pudeur, quoiqu’en insistant sur plusieurs faits marquants : la rencontre (par le fameux site) de gens « super gentils » (« on est encore amis sur Facebook ! »), leur « chambre du plaisir », le « respect » omniprésent, ses « limites », etc. « On avait aussi de belles discussions. C’était positif », résume-t-elle. L’expérience a renforcé certains couples, elle en a vu d’autres se détruire. Quant à elle, ça a assurément été bon pour son ego. « Énormément », hoche-t-elle de la tête.

Et en groupe ? Positif également. « Super belle expérience, dit-elle en souriant, moi qui suis complexée, je pensais être super gênée, dit-elle, mais tout le monde n’était pas tout nu à 100 % non plus ! […] Encore là, c’était très respectueux, il y avait beaucoup de discussions, ce n’était pas juste du sexe pour du sexe, mais vraiment plaisant. » Un verre de vin par-ci, une discussion par-là, comprend-on, puis de temps en temps, des rapprochements. « Mais pas tout le temps, tout le monde en même temps », précise-t-elle.

« C’était comme un club sélect, croit-elle, il n’y avait pas de douchebag, personne qui manquait de respect […]. Juste du bon monde. Je suis bien tombée. » À nouveau, que des gens trouvés par l’entremise de son fameux site.

À ce sujet, sa seule et unique « mauvaise expérience » aura été avec du moins beau monde, disons, des gens « pas de classe » à l’hygiène plutôt douteuse : « je ne me sens pas à l’aise, je vais quitter », se souvient-elle leur avoir dit. Ainsi s’est terminée la soirée.

Depuis ? « Tout s’est arrêté avec la COVID-19 », répond Kathleen. Et elle n’est pas sûre qu’elle poursuivra non plus. Elle voit plutôt ces aventures comme une « parenthèse dans sa vie », parenthèse qu’elle n’est pas peu fière d’avoir vécue, cela dit. « J’ai fait un X dans une petite boîte, c’est fait, j’ai trouvé ça excitant quand j’étais là, mais quand j’y repense, ça ne m’allume pas nécessairement. »

N’empêche qu’une chose est sûre, conclut-elle : « Ce n’est pas parce qu’on est dans la cinquantaine qu’il faut se limiter, ni parce qu’on a quelques kilos en trop non plus. On a juste une vie ! Tout n’est peut-être pas bon à réaliser, mais tout ne peut pas être mauvais non plus. Moi, je ne regrette rien ! »

* Prénom fictif, pour protéger son anonymat.