Arts et être vous propose chaque dimanche un témoignage qui vise à illustrer ce qui se passe réellement derrière la porte de la chambre à coucher, dans l’intimité, loin, bien loin des statistiques et des normes. Cette semaine : Audrey*, mi-trentaine

Audrey n’en peut plus des trentenaires célibataires qui tremblent à l’idée de l’engagement. Qui partent en courant quand elle ose dire qu’elle veut des enfants. Ou qui la traitent carrément de « pathétique » parce qu’elle cherche à vivre une relation monogame, bref, exclusive.

« Une femme trentenaire qui se cherche une relation monogame, c’est tout un défi », confie la délicate avocate, assise sur un banc du centre-ville, pour « vider son sac ». « Tu te fais dire que t’es rétrograde. La nouvelle affaire, c’est la polygamie. C’est rendu la nouvelle norme, j’ai l’impression, dit la jeune femme d’une voix douce, et néanmoins affirmée. Moi, je me fais quasi juger quand je parle de monogamie ! […] Je me suis déjà fait traiter d’Amish, passée date ! » Et elle rigole à peine.

Audrey, jolie brunette au look naturel et intellectuel, a été célibataire presque toute sa vie. Alors les sites de rencontres, et les mauvaises rencontres, surtout, elle connaît. Elle collectionne, même.

« Je suis entrée dans la vie sexuelle tard, raconte-t-elle. J’étais une adolescente extrêmement timide et complexée. » Après un secondaire dans une école de filles (où voir un garçon était un « évènement », se souvient-elle), Audrey passe tout son bac sans jamais perdre sa virginité. « Et pour moi, c’était un gros deal… »

Début vingtaine, donc, elle décide d’en finir avec un gars « gentil » rencontré dans une soirée. « Je me suis servie de lui, presque, pouffe-t-elle de rire. En même temps, il ne s’est pas plaint ! »

Avec le recul, ça n’était pas son « meilleur move », comme elle dit : « Je n’ai pas eu beaucoup de plaisir. Mais il était doux et gentil. Disons que je voulais juste que ça se fasse… »

Suivent quelques aventures d’un soir, avant qu’Audrey ne rencontre son premier vrai chum, quelque part à la maîtrise. Son meilleur « amant » à vie, d’ailleurs. « C’était mon premier amour, et j’étais subjuguée par tout. » Une histoire qui ne dure que quelques mois, mais qui s’étire sur des années, à coups de « on se laisse » puis « on reprend ».

« C’était quelqu’un de très sexuel, se souvient-elle. Il m’a tout montré. Vraiment. »

On avait une chimie. On était très actifs. Et j’étais très amoureuse, alors ça joue, aussi.

Audrey

Sauf que la relation était malsaine (« le sexe, c’est le seul domaine qui marchait »). « Mais après toutes ces années [de vide, devine-t-on], j’ai eu du mal à renoncer à ça », dit-elle, comme pour justifier cette longévité. « Il comblait mes besoins physiques. »

Début trentaine, Audrey décide de tourner la page (« c’était n’importe quoi ») et commence alors le « cycle du dating ». Comment ? « J’essaie pour la première fois des applications de rencontre et c’est peu concluant », résume la jeune femme. Nommez-les, elle a tout essayé : Tinder, Bumble, Hinge. En plusieurs longs mois, elle ne tombe que sur « trois ou quatre personnes dignes de mention ». Pourquoi ? Parce qu’elle ose dire tout haut et d’emblée qu’elle souhaite une relation sérieuse, en vue d’avoir un jour des enfants. « Et quand potentiellement il y a des atomes crochus, je me fais quasi juger quand je parle de monogamie ! », réalise-t-elle très vite.

Elle le sait, d’ailleurs : « Si ton profil dit certaines choses, tu sais d’avance que tu réduis tes matchs. […] Et j’ai eu des gros débats là-dessus ! Des gars m’ont carrément traitée de pathétique. Mais ils confondent mon envie dans l’absolu, avec eux ! »

On a essayé de me faire passer pour une personne qui a un problème. Alors que ni l’un ni l’autre, on n’a de problème, on ne veut juste pas la même affaire !

Audrey

Faute de rencontres concluantes, Audrey décide alors de se concentrer sur ses études. Deux ans d’abstinence plus tard, elle croit aussi avoir vécu une sorte de dépression. « Je ne me sentais pas triste, mais j’essayais de me masturber et je ne sentais rien, se souvient-elle. Je ne me sentais pas déprimée, mais je faisais un doc en droit, c’était difficile, et je n’avais pas beaucoup de sources de bonheur… »

Un flirt avec un commis de bibliothèque (ça ne s’invente pas !) la sort heureusement de « sa torpeur », la ramène « dans [son] corps » et surtout « hors de [sa] tête ». L’histoire ne dure pas, mais lui fait néanmoins le plus grand bien.

Arrive ensuite la pandémie, et surprise : toutes sortes d’anciennes fréquentations et d’anciens échecs virtuels la relancent. « Ils te réécrivent comme si de rien n’était, dit-elle en riant. Parce qu’ils ont des besoins non comblés. C’est un peu absurde ! Ce n’est vraiment pas subtil… »

N’empêche que contre toute attente, l’an dernier, elle finit par tomber sur un type qui n’a pas peur de l’engagement. « Ç’a été vraiment rafraîchissant ! dit-elle en souriant. Il était all-in en ce qui concerne les sentiments. Il n’avait pas cette tiédeur à laquelle je m’étais habituée… » Au lit, c’est carrément le pied : « C’est la seule personne avec qui j’ai joui toutes les fois, constate-t-elle. Pour lui, c’était important. […] Ce n’est pas quelque chose que j’avais déjà vécu. Ni que je pense revivre un jour… », laisse-t-elle tomber. Parce que non, là non plus, l’histoire n’a pas duré. Quelque six mois plus tard, en fait, ils se sont laissés. « On n’était pas faits l’un pour l’autre. Ce n’est pas grave », résume-t-elle sommairement. Comme quoi non, le bon sexe ne suffit pas.

Depuis, Audrey fréquente de nouveau quelqu’un. « Au bout de 6 mois et au moins 20 mauvaises dates », dit-elle, sans ironie, « et sans compter toutes les maudites conversations qui ne mènent à rien… ». Et puis ? C’est un type « gentil » (« ça m’a manqué, j’ai rencontré tellement de mesquinerie ! », précise-t-elle), correct au lit, mais ça ne la « dérange pas ».

Ça se passe bien, mais…

Audrey

Parce que oui, vous l’aurez deviné, il y a « toujours » un « mais ». C’est qu’elle n’arrive pas à se « projeter » avec lui. Notre Audrey a l’horloge biologique en marche, et monsieur rêve plutôt d’une vie de « nomade ». Bref, ils ne sont pas sûrs que leurs projets d’avenir sont compatibles. « Oui, il veut des enfants, mais il n’est juste pas rendu là. » Et même si leur « fréquentation » n’a que quelques mois au compteur, elle se questionne.

Morale ? Elle ne mâche pas ses mots. « C’est dur en titi [les rencontres] à 30 ans. C’est tough. C’est drainant. Ça prend beaucoup d’effort. Et ça peut être extrêmement plate et chiant. »

À la rigueur, le célibat lui convient peut-être mieux. « Ce n’est pas un statut qui me fait peur. J’envisage même de faire un enfant toute seule, finit-elle par confier, au bout d’une bonne heure de confidences. J’ai 35 ans, je n’ai pas le temps d’attendre. […] Je suis tellement écœurée des trentenaires, des types qui ont peur de l’engagement. Et qui te font passer toi pour quelqu’un de bizarre. […] Je ne ferais jamais un bébé avec n’importe qui. Mais toute seule ? Peut-être… »

* Prénom fictif, pour protéger son anonymat

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