Arts et être vous propose chaque dimanche un témoignage qui vise à illustrer ce qui se passe réellement derrière la porte de la chambre à coucher, dans l’intimité, loin, bien loin des statistiques et des normes. Cette semaine : Richard*, 49 ans

Richard* a eu une première vie avec la mère de ses enfants, une transition en dents de scie, puis une deuxième vie, recomposée, comme on dit. Et à 49 ans, avec une conjointe désormais ménopausée, il se questionne. Solide. Parce qu’il se sent « pogné ». Confidences, sans filtre et en toute transparence, d’un gars déchiré.

« Je suis pogné », répète l’homme, visiblement sportif, rencontré un matin de canicule dans le parc du Bois-de-Liesse. Un lieu où il a ses habitudes, en matière de plein air, justement. « On dit que l’herbe est plus verte chez le voisin. Moi, je pense que c’est toutes des différentes teintes de jaune… » Le ton est donné, disons.

Pour résumer : il a passé 15 ans avec la mère de ses enfants. C’était plus ou moins sa première blonde. « J’ai été longtemps célibataire, longtemps, longtemps, longtemps, dit-il en toute humilité. Rencontrer des filles, pour moi, c’est compliqué. » Sa femme, donc, puisqu’ils se sont mariés, il l’a rencontrée dans un party de bureau, début vingtaine. Au lit ? « Correct », répond-il d’abord. « Très ordinaire, se corrige-t-il aussitôt. Très de base. Pas de flafla. Au début, on avait une libido semblable, alors ça nous convenait tous les deux. »

Puis sont arrivés les enfants, et après une courte lune de miel, comme bien des couples, ils se sont éloignés. « Elle est devenue une maman à temps plein. Plus une fille, plus une femme, plus une amante. Une mère… » Sexuellement ? « Le néant… »

Vous devinez la suite : « On s’est éloignés, éloignés, éloignés… » Et pas que sexuellement. Mentalement, mais aussi physiquement, Richard multipliant à l’époque les voyages d’affaires. Que faire ? Avant de la quitter, le père de famille a tout de même hésité. Longtemps. « J’t’un écœurant, se disait-il. On ne fait pas ça. La famille avant tout. Ça a joué dans ma tête deux ans. » Jusqu’au jour où une fille de son bureau s’est montrée intéressée. À lui. Lui qui, par ailleurs, ne semblait plus intéresser sa femme. Alors il a saisi l’« opportunité » : « C’est fini, c’est assez, s’est-il dit. J’ai 40 ans. Je suis à la moitié de ma vie. Est-ce que je vais passer les prochaines 40 années à faire des affaires qui ne me tentent pas ? » Et ainsi s’est terminée cette première vie.

Avec la fille du bureau, disons qu’il est parti pour quelqu’un de franchement différent. Scénario classique : ici, il y avait tout à coup du piment, de l’excitation, et surtout du désir. « Elle parlait de sexe sans tabou. Elle avait des désirs. Elle voulait que ça se passe. Et elle ne le cachait pas. Elle faisait même garder ses enfants pour me voir ! »

Lui non plus, il ne le cache pas. « Je ne connaissais pas ça : n’importe où, n’importe quand, n’importe comment. Elle était vraiment open. Dans l’auto, au cinéma, quand le désir la prenait, attache ta tuque ! »

Je n’avais jamais vécu ça : c’était le fun, elle aimait ça, elle aimait ça beaucoup. Et moi aussi, j’aime ça beaucoup !

Richard, 49 ans

Sauf que la relation n’a pas duré. Madame l’a trompé, deux fois plutôt qu’une, et Richard a vécu une profonde débarque. « Je suis devenu fou. Complètement perdu. Je me suis remis à me questionner. J’aurais dû garder ma femme… » Il insiste : « J’ai vraiment pris une grosse débarque… » Pensez alcool, abus, idées noires, très, très noires. Mais fort heureusement pour lui, Richard a eu de l’aide. Une psychologue l’a vu d’urgence, à la suite de quoi il a passé plusieurs mois « tranquilles ».

C’est ici qu’on arrive à sa deuxième vie. Sur un site de rencontres, il y a de cela six ans, Richard a fait la rencontre de la deuxième et actuelle femme de sa vie. Il se souvient encore de leur premier rendez-vous. « Notre première conversation a duré trois heures », dit-il en souriant.

Une semaine plus tard, ils couchaient ensemble. « Ça n’a jamais été aussi vite pour moi. Et ça a marché. C’était bon, vraiment bon. » Certes, un poil moins bon que la dernière (« je dois l’avouer, dit-il, elle est plus discrète »), mais « très, très bon » quand même. « On avait vraiment du plaisir. »

Tellement que quelques mois plus tard, ils se présentaient leurs enfants respectifs, et un an après, ils emménageaient ensemble.

Au début, tout roulait. « Les premiers temps, on amenait les enfants à l’école en retard parce qu’on baisait ensemble le matin… », illustre-t-il. Puis les choses se sont gâtées. Conflits en matière d’éducation des enfants, stress du côté de madame à cause de conflits avec son ex, jusqu’à ce que survienne un « incident ». Un incident ? Une soirée bien arrosée, un ami, dans un chalet, a « pogné un sein » à madame. Puis a « levé la couverte » alors qu’elle était couchée pour la regarder. Dégrisée, « elle a capoté », se souvient Richard. « C’est-tu une agression ? Ça ne se peut pas ! Ça fait 20 ans qu’on se connaît ! » Elle a « spinné » là-dessus pendant pas moins de six mois, raconte-t-il. « Elle avait un dégoût du sexe, c’était mal, elle s’était fait agresser, elle était un objet sexuel… », dit-il.

Les choses ont fini par se tasser, avant que madame ne tombe en préménopause. Nouveaux changements : elle a délaissé le sport, pris du poids, et se trouve désormais moche. Finis les sous-vêtements sexy : « elle ne se trouve plus cute ». Et c’est ici que se retrouve notre homme aujourd’hui : « Depuis deux ans, de dix relations sexuelles par semaine, on est passé à dix par an. » Et quand relation il y a, c’est vite fait, bien fait. « Elle n’a plus besoin de jouir… » Et lui ? Là ? « Je n’ai pas beaucoup de plaisir, confirme-t-il. C’est rendu que je me masturbe en cachette. Et elle est en c… quand je le fais. »

Oui, il a essayé de lui en parler. Pour se faire répondre à coups de « tu ne penses qu’à ça » et autres « ça se peut-tu que j’aie une passe où j’ai moins envie » ? D’où sa question : « Mais une mauvaise passe, ça dure combien de temps ? »

Sans parler de toutes les questions, plus existentielles les unes que les autres, qui s’ensuivent : « J’ai essayé deux fois de refaire ma vie, je repars encore ce processus-là, à m’épuiser ? Retrouver encore quelque chose qui n’est pas exactement ce que je veux, fucker mes enfants, fucker ses enfants, tout ça pour quoi ? Je suis rendu là. »

Rendu là, avec une question piège en prime, qui ne se pose pas, mais qu’il ose, grâce à son anonymat : « Le corps de la femme, le respect de la femme, je suis totalement d’accord avec ça. Dans un couple, il y a un gars et une fille, c’est entendu qu’il faut que le gars respecte la fille. C’est correct. C’est totalement correct. Peut-être que ça n’a pas été dit assez avant. Mais dans un couple, il y a deux entités. Si le gars est obligé de respecter la fille, son corps, son désir, tout ça, la contrepartie, c’est quoi ? Le gars, est-ce qu’il est respecté par la fille ? Si on a des désirs différents, on fait quoi ? Parce que là, je ne comprends plus le rapport de force entre un homme et une femme… Toi, tu fermes ta gueule et t’attends ? »

* Prénom fictif pour protéger son anonymat

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