L’ambiance est festive dans le salon du Phare, Enfants et Familles. La musique joue à fond de train. Bénévoles, employés et jeunes pensionnaires tapent des mains. Bref, une journée comme les autres dans cette maison de soins palliatifs pédiatriques où séjournent des enfants atteints d’une maladie limitant leur espérance de vie.

Ici, la fin de vie n’est qu’une trame de fond. Elle tend à s’amplifier lorsqu’un enfant vient y passer ses derniers moments avec sa famille, qu’une lanterne à la flamme vacillante est accrochée à l’accueil, puis que cette flamme s’éteint en même temps que l’enfant. Mais pour la plupart des jeunes qui fréquentent la Maison André-Gratton, gérée par Le Phare, dans le quartier Rosemont, la fin de vie n’est pas pour demain. Ni pour après-demain.

« Quand on entre ici, ça respire la vie, ça respire la joie, ça respire l’amour, observe Jessica Lauzon, une spécialiste en loisirs adaptés qui travaille au Phare depuis une dizaine d’années. On ne pense pas à la mort, tu sais. Oui, on sait que c’est là, c’est présent, mais en même temps, la mort fait partie de la vie. Quand je regarde ces enfants-là, ce n’est pas la maladie que je vois, ce n’est pas la mort du tout. C’est la vie qu’ils ont en eux. »

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Jessica Lauzon, spécialiste en loisirs adaptés

Une vie qui a encore beaucoup de potentiel, explique la pédiatre Dre Silvana Barone, directrice médicale du Phare. « Par leur diagnostic de base, la majorité de nos patients sont des enfants avec des conditions chroniques complexes, donc avec des atteintes soit génétiques, soit biologiques, qui affectent plusieurs systèmes du corps, plusieurs organes. Ils ont une fragilité constante, mais ils peuvent vivre pendant des années », note-t-elle.

Les soins palliatifs pédiatriques peuvent être offerts dès qu’un enfant reçoit un diagnostic potentiellement fatal. La Dre Barone déplore qu’on les associe à tort au moment où, devant l’absence de traitement curatif, on baisse les bras. « En soins palliatifs pédiatriques, on a toujours quelque chose à offrir », remarque-t-elle. De l’accompagnement et du répit pour les parents au soulagement des symptômes pour les petits patients.

  • Elayna joue avec un globe terrestre.

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    Elayna joue avec un globe terrestre.

  • Nicolas, 7 ans lui aussi, fréquente régulièrement le Phare, l’un des deux organismes au Québec à offrir des soins palliatifs pédiatriques.

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    Nicolas, 7 ans lui aussi, fréquente régulièrement le Phare, l’un des deux organismes au Québec à offrir des soins palliatifs pédiatriques.

  • Pendant leur séjour au Phare, les enfants passent beaucoup de temps au salon commun. Chacun est accompagné d’une employée ou d’une bénévole.

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    Pendant leur séjour au Phare, les enfants passent beaucoup de temps au salon commun. Chacun est accompagné d’une employée ou d’une bénévole.

  • La musique est souvent présente à l’intérieur de la maison qui peut accueillir jusqu’à 12 enfants à la fois.

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    La musique est souvent présente à l’intérieur de la maison qui peut accueillir jusqu’à 12 enfants à la fois.

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L’essence de l’enfance

Massothérapie, musicothérapie, zoothérapie, piscine chauffée, activités multisensorielles : l’organisme a mis le jeu au cœur de son approche. Puisque 80 % des enfants qui fréquentent Le Phare ne s’expriment pas verbalement, le jeu est un puissant outil de communication. Mais, surtout, il est l’essence même de l’enfance, rappelle Dre Silvana Barone.

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La pédiatre Dre Silvana Barone dirige l’équipe médicale du Phare.

« On parle beaucoup, dans notre approche de soins palliatifs, de soulager la souffrance, d’enlever des symptômes, mais on veut aussi apporter quelque chose aux familles, leur amener un peu de lumière dans des journées qui seraient autrement grises, dit-elle. Tout enfant a droit à des soins qui respectent sa dignité, son humanité. »

L’apprentissage par le jeu, mis de l’avant dans les milieux éducatifs, résonne ici aussi.

C’est de permettre à l’enfant de s’amuser et de s’épanouir selon ses capacités, peu importe ses capacités, ses intérêts, son stade de développement.

Dre Silvana Barone, directrice médicale du Phare

Selon une étude publiée en 2014 par des chercheurs sud-africains et anglais sur le rôle du jeu dans les soins palliatifs pour enfants, il s’agit aussi de l’une des rares activités qui donnent à l’enfant malade un sentiment de contrôle et de libération des restrictions que lui impose sa maladie.

Chaque enfant ayant ses forces et ses limitations, l’équipe des loisirs adaptés travaille à les guider vers des activités qui correspondent à leurs besoins et à leurs intérêts. « On veut aller chercher la petite étincelle dans leurs yeux. La chose qui va les allumer », résume Jessica Lauzon.

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Elayna s’anime à la vue de la murale pensée par Jessica Lauzon.

Ce n’est pas une, mais plusieurs étincelles qui s’allument dans les yeux d’Elayna, 7 ans, lorsque l’animatrice lui montre l’immense murale qu’elle a peinte avec une amie artiste dans un des couloirs menant aux chambres des enfants. Agrémentés de peinture fluorescente, les animaux s’illuminent au contact de la lumière noire. Tout comme le Slinky arc-en-ciel que sort l’animatrice, à la grande joie d’Elayna qui rit, tape des mains et sautille dans son fauteuil roulant.

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Lorsque Jessica Lauzon sort un Slinky, qui s’illumine sous la lumière noire, Elayna sautille de joie dans son fauteuil.

Pendant le mois de décembre, d’autres lumières s’illumineront dans le salon de la Maison André-Gratton. Ce sont celles du grand Lite-Brite que l’organisme y a installé pour sa campagne de financement « Allumez votre cœur d’enfant ». Le Phare cherche à amasser 200 000 $, qui permettront de continuer à offrir gratuitement des services aux enfants et aux familles.

Les dons représentent 50 % du budget annuel de l’organisme, qui est de six millions de dollars.

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Maëva Hamel-Boivin, 3 ans, est atteinte du syndrome Pitt Hopkins. Sa mère, Véronika Boivin, de Sainte-Sophie, l’a déposée au Phare, jeudi dernier, pour un séjour de répit.

La lumière est aussi ce qui anime Maëva, une fillette de 3 ans atteinte du syndrome de Pitt Hopkins. « C’est un syndrome génétique qui affecte le développement global, autant moteur que cognitif, explique sa mère, Véronika Boivin. Elle a une déficience intellectuelle, de l’hypotonie, de l’épilepsie, des allergies alimentaires et aux médicaments. » Cette fin de semaine, Maëva vit son quatrième séjour à la Maison André-Gratton. Elle y restera cinq jours. Ce sont les seuls moments où ses parents, qui ont une autre fille de 5 ans, peuvent avoir à la fois du répit et l’esprit tranquille, puisqu’une équipe composée de médecins, d’infirmières, de préposés, de techniciens en loisirs et de bénévoles veillent sur les petits pensionnaires 24 heures sur 24.

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Véronika Boivin embrasse Maëva avant de la quitter pour cinq jours.

« D’être ici, en ce moment, on le voit dans son visage qu’elle aime ça, qu’elle est émerveillée, constate Mme Boivin. Dès qu’elle voit d’autres enfants jouer, ça la rend super heureuse. La stimulation, c’est bien pour elle. On a tellement de recommandations qui nous sont faites par les spécialistes que [jouer], ce n’est pas la première chose qu’on pense à faire avec Maëva. Kaélie [leur autre fille] ne va pas jouer vraiment avec sa sœur, elle a besoin que ce soit dans les deux sens, alors ça fait du bien à Maëva de voir d’autres enfants et d’avoir des gens autour d’elle. »

Pour Jessica Lauzon, il est primordial d’amener les enfants à explorer leur imaginaire. « L’imaginaire, ça n’a pas de limites et c’est ça qui est au cœur du Phare : s’amuser jusqu’au bout de la vie. »

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En savoir plus
  • 2911
    Nombre d’heures d’activités adaptées et d’approches complémentaires telles que la musicothérapie et la zoothérapie qui ont été offertes au Phare
    Source : Le phare, rapport annuel 2021-2022
    185
    Nombre d’enfants qui fréquentent le Phare avec leur famille chaque année
    Source : le phare