Architectes, designers, artisans et artistes s’activent à dépoussiérer l’art du vitrail hérité du Moyen Âge. Ces pièces maîtresses des églises et autres bâtiments publics, très convoitées par les particuliers au Québec au début du siècle dernier, s’invitent à nouveau dans les maisons qu’elles rehaussent de leur singularité en apportant davantage d’éclat au quotidien.

Lorsque Mathieu a franchi le seuil d’une maison du début du siècle dernier perchée sur les hauteurs de la ville, sur les flancs du mont Royal, son regard a immédiatement plongé vers une grande fenêtre quadrillée de vitraux à l’autre extrémité du bâtiment. « Cette percée offrait une perspective incroyable sur toute la longueur de la maison », raconte-t-il. C’est devant celle-ci que sa famille choisira d’aménager un salon donnant sur une élégante cuisine ouverte conçue par l’architecte Alexandre Bernier, à qui elle fera appel pour rénover les lieux.

PHOTO MAXIME BROUILLET FOURNIE PAR ALEXANDRE BERNIER

D’anciens vitraux ont été restaurés par le Studio du verre pour être intégrés dans les nouvelles fenêtres thermiques de cette maison de Ville-Marie rénovée par l’architecte Alexandre Bernier.

D’emblée, l’architecte choisit de centrer le projet sur la matérialité qui confère toute son âme à la vieille demeure, notamment les vitraux présents aux deux étages de celle-ci. S’ils datent de trois époques différentes, allant de mystérieuses armoiries de style anglais à des formes abstraites très graphiques, leur association apporte un charme suranné aux pièces qui les abritent. « Les vitraux étaient en assez bon état, mais les cadres de fenêtres, qui avaient perdu leur coupe-froid, ne s’ouvraient plus. Quelques verres brisés devaient aussi être remplacés », explique Alexandre Bernier.

Verre tout-terrain

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Le maître verrier Jeff Scheckman dans son atelier du Vieux-Montréal

L’architecte se tourne vers le maître verrier Jeff Scheckman, du Studio du verre, dans le Vieux-Montréal, pour restaurer les précieux vitraux, prélude indispensable à un confort conforme aux attentes d’une famille d’aujourd’hui. Pour réduire la facture des travaux et faire des économies d’énergie, les vitraux sont insérés entre deux plaques de verre dans des unités thermiques, elles-mêmes logées, grâce à l’expertise industrielle de Fenêtres MQ, dans des cadres en acajou.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Le vitrail de la salle d’eau de la résidence Cedar donnant sur la rue a été conservé tel quel. D’étranges plumes se marient à un graphisme inspiré d’armoiries anglaises.

Le résultat, par ailleurs facile d’entretien grâce à un relief lisse, trompe l’œil non averti. Seul le vitrail de la salle d’eau, à côté de la porte d’entrée, est conservé en l’état en soignant le cadre de fenêtre d’origine. « C’est notre préféré. Nous avons voulu garder la fenêtre telle quelle pour voir un ancrage dans le temps », confie le propriétaire. La porte est souvent entrouverte pour permettre à la famille et à ses invités d’admirer ce joyau du passé depuis l’entrée.

Jeff Scheckman, qui a fondé, en 1981, le Studio du verre avec Garth Jenkins, observe avec bonheur un regain d’intérêt du public pour les vitraux. Cela s’observe en particulier au centre-ville de Montréal, sur le Plateau, à Outremont et à Westmount, où l’architecture victorienne et le mouvement Arts and Crafts ont amené cette discipline artistique dans les foyers. « Les choses ont beaucoup bougé dans ce domaine au cours des 12 derniers mois. Les projets résidentiels représentent aujourd’hui environ un quart de notre travail », quantifie-t-il.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Un autre exemple d’intégration de vitrail dans cette demeure de Ville-Marie

Grâce à ses 42 ans d’expérience, il parvient à restaurer des vitraux du passé en préservant leur patine, mais aussi à créer de nouveaux modèles de toutes pièces en utilisant du verre d’art provenant des États-Unis. Pour ceux-ci, il prend plaisir à guider ses clients en fonction de leurs envies et contraintes. Si certains le consultent après une recherche pointue, d’autres viennent chercher l’inspiration dans les nombreux ouvrages de référence de son studio. « Les photos du décor, mais aussi de l’extérieur de la maison nous aident beaucoup », explique-t-il.

Le choix des couleurs est l’objet de la plus grande attention. « Si beaucoup de couleurs se marient bien, il faut veiller à ne pas trop attirer l’attention sur un vitrail, car celui-ci ne représente qu’un élément d’une pièce. Il faut prendre soin à ce qu’il s’harmonise avec l’ambiance du lieu », rappelle-t-il. Autre critère important à garder à l’esprit : l’ensoleillement de la pièce, mais aussi la vue sur l’extérieur et le degré d’intimité souhaités. Un verre opaque ou texturé peut ainsi être plus indiqué pour une utilisation en façade ou dans une salle de bains.

S’ouvrir à l’ailleurs

PHOTO RAPHAËL THIBODEAU, FOURNIE PAR NICHOLAS FRANCOEUR

Les espaces de jour et de nuit de la maison de Ronny Thériault et Caroline Lebel, conçue par Nicholas Francœur, bénéficient d’un apport de lumière naturelle grâce à l’installation d’un vitrail.

Loin d’être réservés aux maisons patrimoniales des grandes villes, les vitraux se glissent merveilleusement dans des intérieurs modernes par l’entremise d’un ajout architectural ou, plus simplement, d’un luminaire de verre teinté. Pour la maison à l’allure de temple, grâce à un toit monopente, qu’il a conçue à Eastman, dans les Cantons-de-l’Est, Nicholas Francœur a invité les propriétaires à imaginer un vitrail qui viendrait séparer les espaces de jour et de nuit, en permettant à la lumière de s’infiltrer entre eux.

Grands voyageurs, Ronny Thériault et sa conjointe Caroline Lebel ont sauté sur l’occasion pour intégrer chez eux une composition inspirée de la célèbre basilique Sagrada Família de l’architecte et designer Antoni Gaudí, admirée lors d’un séjour à Barcelone. Le vitrail était parfait pour une ouverture sur cette partie plus confidentielle de la maison. Les nuances bleutées de ce chef-d’œuvre réalisé par Serge Rodrigue, un artisan de la région, transportent le couple et ses hôtes dans un autre univers baigné de rêverie. « Ce vitrail a amené une touche de magie à notre maison. C’est fascinant d’observer la lumière s’y refléter à travers les saisons, les jours, les heures… », confie l’heureuse propriétaire.

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