En 1962, trois ans après la naissance de Barbie, Mattel a lancé la Maison de rêve de Barbie : une maison de ranch pliante en carton, la première d’une longue série de demeures, qui ont évolué en fonction de l’époque.
Puis, ce fut le plastique aux couleurs pastel. Les maisons devinrent de véritables palais, souvent électrifiés, dotés d’ascenseurs, de terrasses ensoleillées, de meubles européens modernes, de bacs de recyclage et de plusieurs chambres à coucher… même si Barbie est restée éternellement célibataire, ne partageant jamais avec Ken ni le bail ni l’hypothèque.
Pour le 60e anniversaire, en 2022, Mattel a collaboré avec le magazine de design PIN-UP et réalisé un livre d’art en édition limitée, Barbie Dreamhouse : An Architectural Survey. Cette monographie de 151 pages retrace l’évolution des maisons de rêve à travers six exemples montrant leur mobilier d’origine et des plans architecturaux.
Ce que les lecteurs ne verront pas, c’est Barbie elle-même (ni aucun de ses proches). Le film Barbie, de Greta Gerwig, est sorti la semaine dernière et son esthétique hyper rose déferle depuis le début de l’année sur Instagram comme un tsunami de milk shake à la fraise. La répulsion féministe à l’égard de cette poupée passe au second plan, au profit d’une célébration ironique.
Le style suranné des années 1960 est devenu « le bruit de fond de notre culture », dit Whitney Mallett, rédactrice en chef de PIN-UP, qui a édité le livre avec Felix Burrichter, fondateur du magazine.
Le livre examine les forces culturelles et architecturales qui ont façonné les maisons de rêve au fil des décennies, notamment le style victorien, le modernisme des années 1950 et l’esprit granola du retour à la terre.
Des écrivains, des artistes et des architectes y expliquent comment la Barbitecture les a marqués. « La maison de Barbie est infiniment plus excitante que Barbie », écrit Elvia Wilk, critique culturelle. « Les structures dans lesquelles nous fantasmons de vivre en disent plus long sur nos vies et nos rêves que des corps en plastique. »
1962 – La fantaisie de carton
La première maison de Barbie, un ranch en carton qui se déplie à partir d’un étui, est étonnamment masculine, avec ses boiseries des années 1950 et le tissu à gros carreaux du divan. En 1962, est-ce le seul décor convenant à une jeune célibataire à l’aube de sa vie adulte ? Oui, si elle est étudiante, répond M. Burrichter, soulignant les fanions d’une équipe universitaire et l’absence de cuisine. « Elle contient tous les codes d’une chambre de résidence étudiante. »
1974 – La maison de ville bohème
Cette maison de ville à deux étages présente à la fois une palette moderne et des touches victoriennes. Burrichter et Mallett estiment que le décor bohème (lampes Tiffany, plantes vertes) est un clin d’œil aux bars pour célibataires de l’époque.
1979 – La cabane progressiste
Cette structure en A a été construite en trois sections pouvant être démontées et reconfigurées. Elle rappelle à Burrichter les maisons construites par Charles Moore et d’autres architectes progressistes à Sea Ranch, un lotissement dans le nord de la Californie.
1990 – Le manoir rose bonbon
Dans les années 1990, Barbie est devenue rose bonbon, rêveuse, et « tendant vraiment vers l’hyperféminité », explique Kim Culmone, vice-présidente du design chez Mattel. Les colonnes doriques, les fenêtres palladiennes et la terrasse sur le toit étaient aussi fréquentes dans les grosses maisons poussant comme des champignons dans les banlieues excentriques américaines.
2000 – La maison victorienne de l’avenir
Ce manoir de style victorien lavande semblait anachronique à son lancement coïncidant avec le nouveau millénaire, observe Mme Mallett. Mais il ressemblait à la maison représentée dans un tableau accroché dans la maison originale de 1962, comme si Barbie avait recréé son environnement familial 38 ans plus tard.
2021 – La maison des influenceurs
Si la première maison de Barbie avait été un décor de tournage, il y aurait eu une seule grosse caméra noir et blanc, comme pour une télésérie des années 1960. La version 2021 fait penser aux maisons que louent les influenceurs pour créer du contenu en groupe, avec des aires ouvertes naturellement éclairées, où de multiples téléphones intelligents peuvent enregistrer sous une infinité d’angles.
Cet article a été publié dans le New York Times.
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