L'artiste mexicaine Frida Kahlo est partout ces jours-ci. Des carnets de notes aux linges de maison en passant par des cadres et des cache-pots, elle se manifeste en décoration, notamment chez l'actrice Sophie Faucher, qui l'adore.

QUAND FRIDA CADRE DANS LE DÉCOR

Des adeptes de déco - et de Frida Kahlo - nous ouvrent la porte de leur maison et nous expliquent pourquoi ils ont craqué pour un portrait de l'artiste mexicaine fait par un artiste québécois. Frida se retrouve tantôt sur une table de chevet, tantôt sur le vaisselier d'une salle à manger, tantôt au mur d'un bureau de travail.

Le coup de coeur de Zoé Asselin

Zoé Asselin a eu un coup de coeur pour une aquarelle réalisée par Katrinn Pelletier, une artiste de Québec. Elle a placé l'oeuvre dans un cadre blanc qu'elle a posé sur sa table de chevet.

«Dans mes cours en arts visuels, j'ai fait beaucoup de travaux dans lesquels je représentais Frida Kahlo ou je m'en inspirais. J'aime son style d'art. Je trouve que c'est réaliste et qu'elle ne s'embellit pas nécessairement quand elle fait des portraits d'elle. Elle s'est représentée comme dans la vraie vie et je trouve ça très inspirant», affirme l'adolescente de 13 ans.

«Quand j'ai vu cette oeuvre, je l'ai trouvée très belle. Elle m'a attirée parce que c'est Frida, bien sûr, mais aussi parce qu'elle a beaucoup de couleurs.»

Photo Bernard Brault, La Presse

Zoé Asselin a eu un coup de coeur pour une aquarelle réalisée par Katrinn Pelletier, une artiste de Québec.

Un cadeau pour Geneviève Provencher

Il y a deux ans, Geneviève Provencher a fait l'acquisition d'un portrait de Frida Kahlo et d'un autre de l'auteure Virginia Woolf. C'est son amie Amélie Dubois, une artiste de Trois-Rivières, qui a fait les dessins.

Récemment, Geneviève a reçu un cadeau dans sa boîte aux lettres. Un portrait plus récent de la peintre mexicaine.

«Il y a quand même deux ans de différence entre les deux. Son coup de crayon est plus raffiné aujourd'hui. Les fleurs sur la tête de Frida et la main sont fantastiques», dit Geneviève au sujet de l'image aux tons pastel, exposée dans son bureau de travail.

«On n'a pas tant parlé de Frida à l'époque où elle était vivante. Maintenant, on redécouvre sa vie et son travail. Je trouve ça bien qu'on mette cette artiste de l'avant», dit Geneviève.

L'ananas rose à côté de Frida est lui aussi signé par Amélie Dubois.

Photo Marco Campanozzi, La Presse

Une aquarelle signée Amélie Dubois est suspendue dans le bureau de Geneviève Provencher.

Cara Carmina, l'illustratrice

Cara Carmina, ou Norma Andreu de son vrai nom, voue une admiration à la peintre Frida Kahlo. C'est elle qui a illustré les deux livres jeunesse de Sophie Faucher, Frida, c'est moi et Moi, c'est Frida Kahlo. Comme ses amis connaissent sa passion, ils lui ont offert quelques oeuvres représentant l'artiste mexicaine qui sont exposées ici et là dans sa maison.

«Une amie m'a rapporté l'affiche du film Frida de l'Indonésie. Elle est imprimée sur du papier de riz et elle est faite par une artiste locale. Je l'ai exposée sur le mur de mon salon.

«Sinon, le peintre Cedric Taillon m'a aussi donné un portrait de Frida Kahlo qui se trouve dans mon salon, sur une table avec des plantes. C'était pour mon anniversaire.»

Photo Martin Chamberland, La Presse

Une affiche du film Frida suspendue à un mur de la maison de Cara Carmina.

Karina Buist-Tactuk et son dessin

Karina Buist-Tactuk connaît bien l'artiste qui a peint Frida Kahlo. C'est Valérie Boivin, l'une de ses bonnes amies.

Karina tenait à ce qu'on voie le dessin à partir de toutes les pièces communes de sa maison à aire ouverte. Elle a donc décidé de le poser sur le vaisselier de sa salle à manger.

«Je trouve que l'oeuvre de Valérie illustre bien le personnage fascinant.»

«J'ai toujours apprécié Frida Kahlo. Elle a été une précurseure en art et sa vie est fascinante. Je trouve que le dessin de Valérie illustre bien la profondeur du personnage», explique celle qui a jadis travaillé au Musée national des beaux-arts du Québec.

Photo Robert Skinner, La Presse

Une oeuvre de Valérie Boivin déposée sur un meuble de Karina Buist-Tactuk.

Mélodie Briand, charmée

Mélodie Briand l'admet: elle connaît les grandes lignes de l'histoire de Frida Kahlo, mais sans plus.

La jeune femme a tout de même été charmée par une image que l'artiste Cara Carmina a publiée sur les réseaux sociaux d'un portrait inachevé de l'artiste mexicaine. Mélodie a pris contact avec Cara pour lui acheter son oeuvre aussitôt qu'elle serait terminée.

«C'est vraiment un coup de coeur que j'ai eu en ne sachant pas de quoi le résultat final aurait l'air», s'exclame Mélodie.

Comme par magie, les couleurs de l'oeuvre se marient avec des illustrations qui se trouvaient déjà dans son salon. Le cadre a donc été suspendu à l'un des murs de cette pièce.

«On l'a mis à côté de la grande fenêtre. On trouvait qu'il y avait une belle réponse entre les feuilles sur l'oeuvre et celles à l'extérieur», souligne Mélodie.

Photo fournie par Mélodie Briand

Une oeuvre de Cara Carmina exposée dans le salon de Mélodie Briand.

POURQUOI FRIDA EST-ELLE PARTOUT?

Sophie Faucher revient d'un voyage à Londres, où elle a visité l'exposition hyper courue du Victoria and Albert Museum consacrée à Frida Kahlo. La rétrospective qui se déroule depuis le début de l'été dernier s'est remplie en un claquement de doigts. Seuls ceux qui ont réussi à mettre la main sur un billet électronique auront la chance de la voir.

À la fin de sa visite, l'actrice québécoise a été frappée par le nombre d'objets à l'effigie de Frida Kahlo qui se vendaient dans la boutique de souvenirs. Cahiers de notes, pochettes de maquillage, chaussettes, miroirs, poupées décoratives...

«Frida devient une marque qui vend», constate-t-elle.

Mais pourquoi le visage de l'artiste, qui a été gravement malade et mariée à un homme infidèle, apparaît-il sur des tasses à café et des housses de coussins 60 ans après sa mort? Il y a peut-être le film hollywoodien ou encore la rétrospective du musée Tate Modern, tous deux présentés dans les années 2000, mais la réponse ne s'arrête pas là.

«On est tous un peu perdus», avance Sophie Faucher, qui a écrit deux pièces et deux livres jeunesse sur Frida Kahlo. «Et puis, tout d'un coup, un modèle de femme courageuse se présente à nous. Elle a eu une vie douloureuse, mais elle voulait tout de même en profiter pleinement. Quand on se penche sur son oeuvre, elle nous donne l'élan pour repousser nos limites», dit-elle au sujet de la peintre qui a souffert de poliomyélite et qui a été victime d'un grave accident d'autobus l'ayant forcée à subir plusieurs interventions chirurgicales.

En juin dernier, la galerie l'Artiste dans le quartier Rosemont a été frappée par la «Fridamania». La salle, qui exposait le travail de femmes inspirées par Frida Kahlo, a attiré un nombre record de visiteurs. L'exposition a même dû se prolonger d'une semaine tant elle a été populaire. La soirée de vernissage a attiré près de 500 curieux.

«Pour une galerie de quartier, ce n'est pas banal», souligne Sylvie Santerre, fondatrice et copropriétaire de l'endroit.

La galeriste, qui visite souvent le Mexique, constate que l'artiste est célèbre dans son pays d'origine depuis longtemps. Au Québec, cette popularité est plutôt nouvelle, dit-elle.

«Je ne sais pas si l'engouement pour Frida Kahlo a un lien avec tout ce qui se fait pour la liberté de la femme et avec les abus qui ont été dénoncés récemment, se questionne Mme Santerre. Mais ce qui est sûr, c'est que Frida est une icône, une source d'inspiration pour les femmes.»

Dans le bureau de travail de Liza Petiteau, trois petites affiches du visage de Frida Kahlo décorent les murs. Celle qui s'est penchée sur les artistes féministes et leurs vêtements, dans sa thèse de doctorat en histoire de l'art, croit aussi que Frida est un modèle de femme forte. Mais ce n'est pas tout. Elle a également un style «coloré» et envoûtant.

«Elle a un style vestimentaire qui plaît avec son ruban dans les cheveux, ses bijoux et ses robes très colorées qui attirent le regard. [...] Son travail est certainement plus accessible grâce à son univers coloré et les objets de décoration qui en découlent, j'imagine que ça plaît beaucoup», dit la chargée de cours à l'École supérieure de mode.

Le paradoxe 

Oubliez Kim Kardashian et ses égoportraits. Frida Kahlo réalisait des selfies - en peinture - bien avant la naissance des réseaux sociaux. Mais alors qu'elle peinait à gagner sa vie de ses autoportraits, son visage est aujourd'hui un sujet vendeur, un peu partout sur la planète.

Pour Liza Petiteau, il n'y a pas de doute que l'appropriation du visage de Frida Kahlo pose une question éthique. «Mais c'est la même chose avec d'autres grands artistes comme Van Gogh ou Picasso. Ce qui reste important, c'est de les faire connaître», avance-t-elle.

Sophie Faucher est quant à elle divisée. Elle n'aime pas quand Frida Kahlo sert d'outil de marketing. En même temps, elle comprend que l'artiste en inspire d'autres.

«Si on achète une toile d'un artiste qui a peint Frida Kahlo à sa manière, si les gens aiment ce qu'ils achètent, ça ne me dérange pas du tout. De toute façon, un Frida Kahlo, c'est inabordable. Il n'y a que les Madonna de ce monde qui peuvent s'en offrir.»

Photo fournie par Artistic Side of Life

Un portrait de Frida Kahlo trône sur une étagère.