Quelque 50 000 civils palestiniens ont fui le nord de la bande de Gaza vers le sud mercredi, selon l’armée israélienne, alors que des combats rapprochés dans des quartiers très denses étaient imminents, selon des experts.

Ce qu’il faut savoir

Des milliers de civils ont fui le nord de la bande de Gaza à pied mercredi, selon l’armée israélienne.

L’incursion israélienne dans l’enclave palestinienne entre dans une phase particulièrement délicate, avec des combats urbains près d’hôpitaux bondés.

Le Hamas a déclaré au New York Times vouloir créer un « état de guerre permanent » avec Israël.

Des soldats israéliens s’infiltraient mercredi dans les immeubles déchiquetés pendant que des explosions jaillissaient du sol. Les corps de Palestiniens tués par les frappes étaient transportés vers les hôpitaux, certains dans des charrettes tirées par des ânes, alors que d’autres étaient chargés dans des bulldozers, selon des témoins interrogés par l’AFP.

« C’était terrifiant, a expliqué à l’AFP Ola al-Ghul, une femme qui a fui les combats mardi. Nous levions les mains et nous marchions. Nous étions très nombreux, nous portions des drapeaux blancs. »

En entrevue avec La Presse, Michael Horowitz, analyste sécuritaire pour la société de conseil Beck International, note que la mission israélienne dans Gaza s’apprête à connaître des moments cruciaux dans les prochains jours.

PHOTO JACK GUEZ, AGENCE FRANCE-PRESSE

Boule de feu éclatant dans la bande de Gaza lors d’un bombardement israélien, mercredi

« L’armée israélienne va devoir entrer dans des quartiers très denses, comme al-Shati, et aussi s’approcher d’hôpitaux comme l’hôpital al-Rantissi, mais surtout celui de Shifa, qui d’après l’armée israélienne sert de quartier général au Hamas », souligne-t-il.

Ce sont des hôpitaux bondés et cela s’annonce difficile, surtout s’il y a de vrais combats près de ces hôpitaux, voire à l’intérieur.

Michael Horowitz, analyste sécuritaire pour la société de conseil Beck International

Ce ne serait pas la première fois qu’une organisation terroriste s’implante dans un hôpital, dit-il. « L’État islamique par exemple, sans vouloir comparer les deux groupes, avait son quartier général dans l’hôpital principal de Mossoul. Mais ici on parle d’un nombre très important de patients qui ne sont pas facilement transportables. »

Négociations en cours

François Audet, directeur de l’Institut d’études internationales de Montréal à l’UQAM, explique en entrevue qu’Israël ne semble pas plier devant les pressions visant à protéger les civils dans Gaza.

« Même le président américain a récemment conversé avec [Benyamin] Nétanyahou sur cet enjeu, dit-il. On aurait pensé que la pression populaire et politique des dernières semaines sur l’importance du respect du droit humanitaire international produirait un effet, et qu’Israël ne tomberait pas dans le piège de la violence à tout prix. Ces derniers jours, on voit le secrétaire des Nations unies, la Croix-Rouge de même que des juristes qui utilisent des mots très durs. On entend des mots comme “génocide”, “massacre”, “crimes de guerre”. »

On aurait espéré d’un État de droit démocratique comme Israël qu’il respecte les droits humains, malgré la tragédie de l’attaque du Hamas le mois dernier.

François Audet, directeur de l’Institut d’études internationales de Montréal à l’UQAM

Parallèlement, M. Audet constate que le Hamas ne semble pas vouloir autoriser les ressortissants étrangers à quitter Gaza. « Le Canada n’a réussi qu’à faire sortir 75 ressortissants sur 400, et d’autres pays vivent une situation semblable. Derrière ça, c’est sûr que le Hamas joue le jeu de la pression, car ces personnes devraient être libres de partir, mais aujourd’hui elles sont pratiquement devenues des otages supplémentaires », dit-il.

Mercredi également, une source proche du Hamas à Gaza a indiqué à l’AFP que des négociations menées par le Qatar portaient sur la libération de 12 otages sur les 239 aux mains du Hamas, dont six Américains, en échange d’une trêve humanitaire de trois jours dans le territoire soumis à un blocus total d’Israël depuis l’attaque sanglante du 7 octobre.

« État de guerre permanent »

Le carnage résultant des semaines de bombardement d’Israël dans Gaza, et qui a fait « des milliers de morts », selon le Pentagone, est, dans les mots des dirigeants de l’organisation, le coût nécessaire d’une grande réussite, soit la rupture du statu quo, et l’ouverture d’un nouveau chapitre, plus explosif, dans la lutte contre Israël.

PHOTO YOUSEF MASOUD, THE NEW YORK TIMES

Des Palestiniens sont en pleurs près des corps de membres de leur famille tués dans une frappe aérienne israélienne à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza.

C’est ce qu’a révélé une entrevue avec plusieurs hauts placés du Hamas publiée mercredi par le New York Times.

« Nous avons réussi à remettre la question palestinienne sur la table, et maintenant personne dans la région ne connaît le calme », a déclaré Khalil al-Hayya, membre de la direction du Hamas, au Times à Doha.

Les dirigeants du groupe espèrent que les combats actuels mettront fin à tout semblant de coexistence entre Israël, Gaza et les pays qui les entourent, a rapporté le quotidien.

« J’espère que l’état de guerre avec Israël deviendra permanent sur toutes les frontières, et que le monde arabe sera à nos côtés », a déclaré Taher Nounou, conseiller médiatique du Hamas.