Des milliers de civils palestiniens ont une nouvelle fois fui jeudi le nord de la bande de Gaza en ruines où bombardements et combats au sol entre l’armée israélienne et le Hamas font rage, au moment où des pourparlers pour une trêve humanitaire ont lieu au Qatar.

Ce qu’il faut savoir

  • Israël consent à observer des pauses humanitaires quotidiennes de quatre heures dans certaines zones du nord de la bande de Gaza.
  • Le gouvernement Nétanyahou nie que les Palestiniens traversent une crise humanitaire, estimant plutôt qu’ils vivent des « défis » et des « difficultés ».
  • Après avoir diffusé une nouvelle vidéo d’otages, le Djihad islamique palestinien évoque une possible libération de deux d’entre eux, un adolescent et une septuagénaire.
  • À quand la paix ? Une guerre d’usure n’est pas impossible, croit Sami Aoun, spécialiste du Moyen-Orient, mais il doute que le conflit s’éternise comme en Ukraine.

Des pauses quotidiennes de quatre heures

Israël promet d’observer des pauses quotidiennes de quatre heures dans certaines zones du nord de la bande de Gaza, qui seront annoncées trois heures à l’avance. La nouvelle a été annoncée par les États-Unis, dont le président, Joe Biden, a précisé qu’il n’y a cependant à l’heure actuelle « aucune possibilité » de cessez-le-feu.

Les pauses humanitaires quotidiennes représentent « un pas dans la bonne direction », a indiqué Joe Biden, qui dit que les États-Unis les réclamaient d’Israël depuis des semaines « pour mettre les civils en sécurité, permettre la libération d’otages et augmenter l’acheminement de nourriture, d’eau et de médicaments à Gaza ».

Le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, et le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, auraient convenu vendredi dernier d’observer ces pauses.

Israël a « l’obligation de distinguer les terroristes des civils », a aussi déclaré Joe Biden.

L’armée israélienne a semblé minimiser l’importance de ces pauses, l’un de ses porte-parole, Richard Hecht, relevant qu’« il s’agit de pauses tactiques locales pour l’aide humanitaire, qui sont limitées dans le temps et dans l’espace ».

Depuis dimanche, « un couloir d’évacuation » sécurisé, selon les termes de l’armée israélienne, est organisé plusieurs heures par jour dans Gaza pour permettre le départ des civils du nord (où se concentrent l’essentiel des combats) vers le sud du territoire.

PHOTO MAHMUD HAMS, AGENCE FRANCE-PRESSE

De la fumée s’élève après un bombardement israélien près de Gaza pendant que des civils quittent le nord de l’enclave.

Jeudi, comme la veille, une foule d’hommes et de femmes à pied, portant dans leurs bras leurs enfants et un petit baluchon, ont fui par la route.

M. Nétanyahou a déclaré jeudi que l’intention de son gouvernement n’était pas de gouverner Gaza. « Nous ne cherchons pas à l’occuper, mais nous cherchons à lui donner, ainsi qu’à nous, un avenir meilleur. »

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Soldats israéliens dans la bande de Gaza mercredi

En attendant, quoi qu’en pensent l’ONU (depuis la fin octobre) et diverses organisations humanitaires sur place, malgré les craintes que des épidémies ne se répandent dans la bande de Gaza, Israël nie que les Palestiniens vivent une crise humanitaire.

« Nous savons que la situation n’est pas facile pour les civils dans la bande de Gaza, nous savons qu’il y a de nombreux défis […], de nombreuses difficultés, mais je peux affirmer qu’il n’y a pas de crise humanitaire dans la bande de Gaza », a déclaré le colonel israélien Moshe Tetro.

« Nous sommes en guerre, une guerre que nous n’avons pas choisie », a-t-il ajouté.

Un milliard d’aide débloquée en Europe

À Paris jeudi, à la « conférence humanitaire » visant à acheminer l’aide vers la bande de Gaza, 1,4 milliard d’euros ont été débloqués.

Par-delà l’argent, le premier ministre palestinien, Mohammad Shtayyeh, a réclamé la fin du « deux poids, deux mesures ».

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Des enfants palestiniens dorment sur le sol, près de l’hôpital al-Nasser, à Khan Younès.

« Combien de Palestiniens doivent être tués pour que la guerre s’arrête ? Tuer six enfants, quatre femmes par heure, c’est suffisant ? »

Jan Egeland, secrétaire général du Conseil norvégien pour les réfugiés, a tonné à cette conférence qu’« on ne peut plus attendre une minute de plus pour un cessez-le-feu humanitaire à Gaza et la levée d’un siège qui est une punition collective pour un million d’enfants ».

Projectiles et pertes humaines

Le Hamas soutient que les abords de plusieurs hôpitaux dans le nord de la bande de Gaza ont été pilonnés dans la nuit de jeudi à vendredi. Ces attaques auraient fait des blessés, mais pas de morts.

Un drone s’est par ailleurs abattu jeudi sur une école dans la station balnéaire d’Eilat sur la mer Rouge, dans le sud d’Israël, sans faire de victimes, selon l’armée, qui a toutefois frappé la Syrie en représailles. « En réponse à un drone provenant de Syrie qui a touché une école à Eilat, les Forces de défense israéliennes ont frappé l’organisation qui a mené l’attaque », a indiqué l’armée sur X, sans préciser le nom de cette organisation.

L’armée israélienne a indiqué avoir utilisé pour la première fois son système antimissile Arrow 3 pour intercepter un projectile tiré « de la région de la mer Rouge », les rebelles houthis au Yémen affirmant de leur côté avoir lancé des missiles balistiques contre Israël.

Médecins du monde a annoncé jeudi la mort de l’un de ses urgentistes, âgé de 28 ans, dans un bombardement à Gaza. Il a été tué avec sa famille dans le bombardement de leur immeuble. Sa mort « est le reflet de ce que subit toute la population civile » dans le territoire palestinien, a commenté Florence Rigal, présidente de l’organisation.

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Des secouristes évacuent un homme blessé lors des affrontements avec les forces de sécurité israéliennes à Jénine, en Cisjordanie.

Le ministère de la Santé palestinien a annoncé de son côté la mort de 14 Palestiniens tués dans le camp de réfugiés de Jénine, en Cisjordanie, lors d’un affrontement avec l’armée israélienne.

Israël déplore de son côté la mort d’un 34e soldat depuis le début de l’offensive terrestre, le 352e depuis le 7 octobre.

Une vidéo d’otages et dossier d’enquête pour génocide réclamé

Le Djihad islamique palestinien a publié jeudi une vidéo de deux otages israéliens, une septuagénaire et un adolescent, qu’il affirme retenir à Gaza, se disant prêt à les libérer « si les conditions sécuritaires sont réunies ».

L’armée israélienne a qualifié cette vidéo de « terrorisme psychologique de la pire espèce ».

En France, une centaine d’organisations et près de 300 avocats ont soumis au procureur de la Cour pénale internationale un dossier réclamant une enquête pour génocide dans la bande de Gaza.

Les signataires demandent aussi que l’enquête sur l’ensemble des crimes perpétrés le 7 octobre par le Hamas – le massacre de bébés, d’enfants et de civils israéliens dans des conditions atroces – soit aussi assurée par le procureur de la Cour pénale internationale.

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Des lits vides, un pour chaque otage détenu par le Hamas, ont été installés à Tel-Aviv.

À quand une sortie de crise ? À quand la paix ?

Sami Aoun, professeur de l’Université de Sherbrooke et spécialiste du Proche et du Moyen-Orient, estime que si Israël a fait des avancées militaires, il est loin de pouvoir prétendre avoir « paralysé, neutralisé ou éliminé » le Hamas ou le Djihad islamique palestinien.

Cela étant, il lui est impossible à l’heure actuelle d’envisager un cessez-le-feu. Israël « est un tigre blessé. Le 7 octobre a ouvert une blessure très profonde dans sa psyché et il a comme une rage de vengeance » rendant impossible pour l’instant toute trêve.

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Palestiniens dans les décombres d’immeubles détruits par les frappes israéliennes à Khan Younès

Il faut donc s’attendre à une guerre d’usure, « mais pas comme en Ukraine. Le territoire est trop petit », fait observer M. Aoun, soulignant au passage qu’aucune armée des pays voisins n’a été mobilisée pour venir en aide aux Palestiniens.

En fin de semaine, deux sommets se tiendront en Arabie saoudite, note-t-il. Le premier réunira une vingtaine de pays arabes, samedi ; dimanche, une cinquantaine de pays islamiques – dont l’Iran et la Turquie – sont ensuite attendus.

Il faudra voir, indique M. Aoun, dans quelle mesure des pays comme l’Égypte, la Jordanie, les Émirats arabes unis ou le Maroc « seront en mesure de reprendre des initiatives de paix » et dans quelle mesure une solution à deux États fait son chemin.

Et que penser des efforts diplomatiques des États-Unis ? M. Aoun reconnaît qu’aucun pays occidental ne s’active autant dans la région, M. Blinken faisant notamment le tour de plusieurs capitales.

« Mais il faut en finir avec le mythe voulant que les Américains soient des médiateurs neutres. Ils ne le sont pas. Ils sont alignés avec Israël. Par contre, ils peuvent être efficaces, en ce sens qu’ils ont un bien meilleur accès aux belligérants que la Russie ou la Chine, par exemple. »

Avec l’Agence France-Presse

Le point sur la situation au 34e jour de la guerre

Fuite de milliers de civils

Des milliers de civils ont de nouveau pris le chemin du sud de la bande de Gaza jeudi, fuyant à pied le nord du territoire où les combats au sol, accompagnés de bombardements, font rage entre l’armée israélienne et le Hamas.

Quelque 50 000 civils avaient déjà fui mercredi le nord de la bande de Gaza vers le sud, selon l’armée israélienne qui a ouvert de nouveau jeudi un « couloir d’évacuation ».

Nétanyahou exclut de nouveau tout cessez-le-feu

Le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a de nouveau exclu mercredi tout cessez-le-feu sans la libération des 239 otages emmenés par le Hamas le 7 octobre.

Une source proche du Hamas à Gaza a indiqué de son côté que des négociations menées par le Qatar étaient en cours pour la libération de 12 otages, parmi lesquels six Américains, en échange d’une trêve humanitaire de trois jours.

Conférence « humanitaire » à Paris

Alors que les ONG et l’ONU tirent chaque jour la sonnette d’alarme sur la situation dans la bande de Gaza, la France a organisé jeudi une conférence humanitaire sur Gaza.

« Dans l’immédiat, c’est à la protection des civils qu’il nous faut travailler. Il faut pour cela une pause humanitaire très rapide et il nous faut œuvrer à un cessez-le-feu », a déclaré le président français Emmanuel Macron.

Le chef de la diplomatie égyptienne Sameh Choukri a dénoncé de son côté « le silence international sur les violations du droit humanitaire international commises par Israël ».

L’Italie a annoncé avoir dépêché au Proche-Orient un navire-hôpital qui devrait arriver sur place « dans quelques jours » pour venir en aide à la population palestinienne.

En Israël, un responsable militaire a estimé qu’il n’y avait « pas de crise humanitaire dans la bande de Gaza ».

Combats en Cisjordanie

En Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967, des combats ont fait rage jeudi à Jénine, avec des échanges de tirs et des explosions entendus par l’AFP.

Huit Palestiniens y ont été tués lors d’un raid de l’armée israélienne, selon le ministère palestinien de la Santé. Au moins 170 Palestiniens ont été tués par des tirs de soldats ou de colons israéliens dans ce territoire depuis le 7 octobre, d’après l’Autorité palestinienne.

Bilans

Le ministère de la Santé du Hamas a indiqué jeudi que 10 812 personnes avaient été tuées dans les bombardements israéliens sur la bande de Gaza depuis le 7 octobre.

Parmi les morts figurent 4412 enfants et 2918 femmes, selon lui.

Du côté israélien, au moins 1400 personnes sont mortes, en majorité des civils tués le jour même de l’attaque du Hamas, selon les autorités israéliennes. Le Hamas détient en outre 239 otages, selon un dernier bilan.

L’armée israélienne a publié les noms de deux soldats tués dans les combats à Gaza, portant à 34 le nombre des militaires morts depuis le début de l’offensive terrestre.