(Nations unies) L’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens, dans la tourmente depuis des mois dans la bande de Gaza, a réclamé mardi une « enquête » du Conseil de sécurité sur les attaques d’Israël qui ont tué selon elle 180 employés depuis le début de la guerre et compte sur une reprise de son financement gelé.

Le chef de l’UNRWA Philippe Lazzarini a répondu mardi devant la presse au siège des Nations unies à New York à un rapport d’experts emmenés par l’ex-ministre française des Affaires étrangères Catherine Colonna. Ce groupe « indépendant » a pointé lundi le manque de « neutralité » politique de l’agence humanitaire onusienne tout en reconnaissant qu’elle était « irremplaçable » pour les 5,9 millions de Palestiniens de la région.

Après plus de six mois d’offensive israélienne contre le Hamas, M. Lazzarini a déclaré avoir « demandé aux membres du Conseil de sécurité une enquête indépendante en responsabilité pour le mépris flagrant à l’égard des locaux de l’ONU, du personnel de l’ONU et des opérations de l’ONU dans la bande de Gaza ».  

« À la date d’aujourd’hui, 180 employés de l’UNRWA [avaient] été tués […] et plus de 160 locaux endommagés ou complètement détruits », a détaillé le dirigeant onusien italo-suisse.

PHOTO RAMADAN ABED, REUTERS

Des Palestiniens déplacés, qui ont fui leurs maisons à cause des frappes israéliennes, s’abritent dans une école affiliée à l’UNRWA, à Deir Al-Balah, dans le centre de la bande de Gaza.

Son agence, qui compte plus de 30 000 personnes dans toute la région, est accusée par Israël d’avoir dans ses rangs dans la bande de Gaza « plus de 400 terroristes ».  

Et 12 personnes sont montrées du doigt par les Israéliens pour avoir été, selon eux, directement impliquées dans l’attaque sans précédent du 7 octobre 2023 menée par le Hamas sur le sol israélien qui a fait 1170 morts, essentiellement civils, selon un bilan de l’AFP établi à partir de données officielles.

Gel des financements

Mais d’après le rapport de Catherine Colonna, « l’UNRWA n’a pas reçu de preuves par Israël » d’une éventuelle implication d’employés palestiniens avec des « organisations terroristes » comme le Hamas.

Ce qui ne veut pas dire, avait précisé lundi à New York l’ex-ministre française, que ces « preuves n’existent pas ».

Reste que les allégations israéliennes avaient provoqué en janvier le gel des financements d’une quinzaine de donateurs comme les États-Unis et le Royaume-Uni. Depuis, nombre d’États ont rouvert leurs caisses, à l’instar des pays scandinaves, du Japon, de l’Allemagne, de la France et du Canada.

L’Union européenne a même appelé mardi tous les donateurs à poursuivre leur soutien à l’UNRWA.

Mais la Maison-Blanche a réclamé « de vrais progrès » avant de rouvrir le porte-monnaie américain fermé jusqu’en mars 2025 en raison d’une loi budgétaire votée en mars suspendant tout financement de l’UNRWA par les États-Unis pendant un an.

« Confiance »

Au total, 450 millions de dollars ont été gelés au moment où les 2,3 millions d’habitants de la bande de Gaza vivent une catastrophe humanitaire et ont besoin d’une aide d’urgence, a rappelé M. Lazzarini.

PHOTO CHARLY TRIBALLEAU, AGENCE FRANCE-PRESSE

Le chef de l’UNRWA, Philippe Lazzarini

Il a dit « espérer qu’avec le rapport [Colonna] et les mesures que nous allons mettre en œuvre, le dernier groupe de donateurs aura suffisamment confiance pour revenir comme partenaire de l’agence ».

Le patron de l’UNRWA pense tenir financièrement « jusqu’à la fin juin » et fonctionner « pour l’instant au jour le jour » grâce à la collecte de « 100 millions de dollars » de dons privés, « signe extraordinaire de la solidarité du terrain ».

Mais Philippe Lazzarini, cible d’Israël depuis des mois, a riposté après que la diplomatie de l’État hébreu eut qualifié lundi soir l’UNRWA à Gaza d’« arbre pourri et venimeux dont les racines sont le Hamas ».

« Le véritable objectif derrière les attaques contre l’UNRWA est de nature politique : il est de priver les Palestiniens du statut de réfugiés à commencer par Gaza, Jérusalem et la Cisjordanie », a-t-il dit. Et « c’est exactement ce que nous avons entendu [la semaine dernière] au Conseil [de sécurité] de l’ambassadeur israélien [à l’ONU, Gilad Erdan]. C’est un objectif d’État ».  

M. Lazzarini avait alors prévenu : en cas de « démantèlement » de son agence, il pourrait y avoir une « famine » qui menace déjà le nord du territoire palestinien où plus de 34 000 personnes, la plupart des civils, ont été tuées depuis le début de l’offensive israélienne, selon le ministère de la Santé du Hamas.

Afin de faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire, Washington va débuter « très prochainement » la construction d’une jetée à Gaza, a indiqué mardi le Pentagone.