(Rafah) L’armée israélienne multiplie les frappes aériennes dans la bande de Gaza, où elle a déjà pris le contrôle du passage stratégique avec l’Égypte, pays hôte de pourparlers de la « dernière chance » en vue d’un accord de trêve associé à la libération d’otages.

Ce qu’il faut savoir

  • Israël dit avoir pris le contrôle du côté gazaoui du point de passage de Rafah avec l’Égypte ;
  • L’ONU s’est vu interdire par Israël l’accès au point de passage de Rafah dans la bande de Gaza ;
  • Israël dit avoir envoyé une délégation au Caire pour négocier un projet de trêve ;
  • Le ministère de la Santé du Hamas a annoncé mardi un nouveau bilan de 34 789 morts ;
  • Plus de 250 personnes ont été enlevées et 128 restent captives à Gaza, dont 35 sont mortes, selon l’armée israélienne ;
  • Dans un entretien téléphonique, le président des États-Unis, Joe Biden, a réitéré sa « position claire » à Benyamin Nétanyahou contre toute offensive à Rafah.

Tôt mercredi, des témoins ont fait état de frappes dans différents secteurs du territoire palestinien, notamment dans la ville de Gaza (nord) où l’hôpital al-Ahli a annoncé la mort de sept membres d’une même famille, les al-Louh, dans un bombardement aérien.

L’armée israélienne avait déployé des chars mardi dans Rafah (sud), pris le contrôle du passage frontalier avec l’Égypte et fermé les deux principaux points d’accès à l’aide humanitaire (Rafah et Kerem Shalom), une mesure jugée « inacceptable » par les États-Unis.

Washington a d’ailleurs « suspendu la livraison d’une cargaison » de bombes la semaine dernière après l’absence de réponse d’Israël face à ses « inquiétudes » concernant une offensive annoncée sur Rafah, a indiqué dans la nuit un haut responsable de l’administration du président américain Joe Biden.

La cargaison se composait « de 1800 bombes de 2000  livres (907  kg) et de 1700 bombes de 500 livres (226 kg) », a dit ce responsable, précisant que Washington estimait que ces bombes les plus lourdes pouvaient « être utilisées à Rafah » et dans des « environnements urbains denses ».

Cette décision est rendue publique au moment où l’administration Biden est confrontée aux États-Unis à un mouvement de manifestants propalestiniens sur des campus pour son soutien militaire à Israël.

Et alors que les médiateurs égyptien, qatari et américain tiennent des discussions au Caire en vue d’un cessez-le-feu après sept mois de guerre entre Israël et le mouvement islamiste palestinien Hamas.

« L’ensemble des parties sont d’accord pour retourner à la table des négociations » pour une trêve entre Israël et le mouvement islamiste palestinien Hamas, a indiqué mardi le média égyptien Al-Qahera News, proche des services de renseignements.

Israël et le Hamas « devraient être capables de combler les lacunes qui restent » pour conclure un accord de cessez-le-feu actuellement en discussion, a déclaré de son côté un porte-parole de la Maison-Blanche, John Kirby, disant espérer un accord « très bientôt ».

Le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou a indiqué avoir donné pour consigne à la délégation israélienne au Caire de « continuer à se montrer ferme sur les conditions nécessaires à la libération » des otages et « essentielles » à la sécurité d’Israël.

« Cela pourrait être la dernière chance [pour Israël] de récupérer les captifs […] vivants », a déclaré à l’AFP un haut responsable du Hamas ayant requis l’anonymat.

« Pression militaire »

Selon le numéro deux de la branche politique du Hamas à Gaza, Khalil al-Hayya, la proposition acceptée par son mouvement comprend trois phases, chacune d’une durée de 42 jours, et inclut un retrait israélien du territoire, le retour des déplacés et un échange d’otages retenus à Gaza et de prisonniers palestiniens, dans le but d’un « cessez-le-feu permanent ».

Israël s’oppose jusqu’à présent à un cessez-le-feu permanent tant que le Hamas, au pouvoir à Gaza depuis 2007, n’aura pas été « vaincu ».

Et son armée mène une opération de « contreterrorisme » dans « des zones spécifiques » de l’est de Rafah, après un appel à évacuer des dizaines de milliers de familles de ce même secteur de la ville qui abrite 1,4 million de Palestiniens, selon l’ONU.  

PHOTO PLANET LABS PBC, FOURNIE PAR L’AGENCE FRANCE-PRESSE

Vue d’un rassemblement de véhicules militaires israéliens dans le sud d’Israël, près du poste-frontière de Kerem Shalom avec la bande de Gaza.

Cette évacuation a été annoncée en prévision d’une offensive terrestre promise par Benyamin Nétanyahou pour éliminer les derniers bataillons du Hamas, mais aussi « exercer une pression militaire » sur le mouvement islamiste afin d’obtenir un éventuel accord qui réponde aux « exigences israéliennes ».

Son ministre de la Défense Yoav Gallant a d’ailleurs prévenu mardi que l’armée était prête à « intensifier » ses opérations « dans toute la bande » de Gaza s’il n’y avait pas d’avancées sur la libération des otages.

« Arrêter l’escalade »

Mais les États-Unis, l’ONU et l’Union européenne ont appelé Israël à ne pas mettre à exécution sa menace, redoutant un bain de sang et une aggravation de la crise humanitaire.

« Le conflit à Gaza est à un moment critique. Les décisions qui sont prises aujourd’hui et leurs conséquences en termes de souffrance humaine resteront gravées dans la mémoire de la prochaine génération », a écrit sur X le chef des opérations humanitaires de l’ONU, Martin Griffiths.

L’ONU a annoncé mardi que l’accès à partir de l’Égypte au point de passage de Rafah, principale porte d’entrée de l’aide humanitaire, vitale pour la population de Gaza, lui était interdit par l’armée.

En Égypte, « des centaines de camions chargés de carburant et d’aide humanitaire sont bloqués », selon des sources égyptiennes, après la fermeture du passage de Rafah et de celui de Kerem Shalom, entre Israël et Gaza, visé par des tirs.

L’ONU a en outre affirmé ne plus disposer que d’un jour de réserves de fioul pour les opérations humanitaires à Gaza, le secrétaire général António Guterres exhortant Israël à rouvrir « immédiatement » les deux points de passage [Rafah et Kerem Shalom] et à « arrêter l’escalade ».

L’armée israélienne a fait état de 18 tirs de roquettes mardi de Rafah vers le Sud israélien, dont certains en direction du passage de Kerem Shalom, ce qui a « empêché » selon elle l’entrée d’aide humanitaire dans le territoire.  

Selon Washington, Kerem Shalom doit rouvrir mercredi et la construction du port artificiel au large de la bande de Gaza est désormais terminée, ce qui devrait faciliter l’acheminement, par voie maritime, de l’aide humanitaire, enjeu clé depuis le début de la guerre.

« Terrifiés »

La guerre a éclaté le 7 octobre quand des commandos du Hamas infiltrés à partir de la bande de Gaza ont lancé une attaque dans le sud d’Israël, qui a entraîné la mort de plus de 1170 personnes, majoritairement des civils, selon un bilan de l’AFP établi à partir de données officielles israéliennes.

PHOTO AGENCE FRANCE-PRESSE

Sommés d’évacuer par l’armée israélienne, des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants, désespérés, pour beaucoup déjà déplacés par la guerre, avaient emballé à la hâte quelques affaires, sans trop savoir où aller.  

Plus de 250 personnes ont été enlevées et 128 restent captives à Gaza, dont 36 sont considérées comme mortes, selon l’armée.

En représailles, Israël a lancé une opération militaire dans la bande de Gaza qui a fait jusqu’à présent 34 789 morts, principalement des civils, selon le ministère de la Santé du Hamas.

Sommés d’évacuer Rafah par l’armée israélienne, des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants, pour beaucoup déjà déplacés par la guerre, ont emballé à la hâte quelques affaires, sans trop savoir où aller. « Nous sommes terrifiés. On va partir vers l’ouest de Rafah, mais on ne sait pas exactement où », a confié Hanah Saleh, 40 ans.