Les Pays-Bas sont-ils touchés de la même façon que le Québec par le vieillissement de la population ?
En 2040, au moins 120 000 aînés supplémentaires auront besoin de soins aux Pays-Bas, selon les projections du gouvernement néerlandais. À ce moment, 25 % de la population aura 65 ans et plus. Une situation très semblable à celle du Québec.
Pays-Bas
Population de 65 ans et plus en 2023 : 20,2 %
Population de 65 ans et plus prévue pour 2040 : 25 %
Source : gouvernement néerlandais
Québec
Population de 65 ans et plus en 2021 : 20 %
Population de 65 ans et plus prévue pour 2040 : 26 %
Source : Institut de la statistique du Québec
À quel point l’offre de soins est-elle différente aux Pays-Bas ?
Des organismes sans but lucratif, financés par le gouvernement et différents régimes d’assurance privés, assument l’essentiel des soins aux aînés aux Pays-Bas. Ces groupes (ils sont 2350 au pays) offrent les soins à domicile sur un territoire donné, mais la plupart d’entre eux possèdent aussi des logements qu’ils louent aux aînés autonomes. Ils disposent également de lits de CHSLD. Ils prennent donc soin des aînés d’un bout à l’autre dans le processus du vieillissement.
Le professeur à la faculté des sciences infirmières de l’Université Laval Philippe Voyer – qui a étudié les systèmes de soins aux aînés de plusieurs pays d’Europe – explique que cette volonté d’assurer une continuité y est manifeste.
Ça permet de meilleurs soins de proximité. Tout se fait avec le même personnel, le même système informatique et les mêmes gestionnaires. Ça facilite les transitions.
Philippe Voyer, professeur à la faculté des sciences infirmières de l’Université Laval
Le secteur privé est peu présent aux Pays-Bas et ne représentait que 12 % des entreprises offrant des soins aux aînés en 2019.
Quelle est la place des soins à domicile dans l’offre de soins aux Pays-Bas ?
Primordiale. Au cabinet du ministre de la Santé des Pays-Bas, Ernst Kuipers, on explique que le vieillissement de la population est un « énorme défi » pour le gouvernement et que pour y faire face, on veut aider les aînés à « demeurer indépendants le plus longtemps possible, en recevant des soins et du soutien à domicile le plus longtemps possible ». Même si un grand virage a été pris ces dernières années au Québec pour accélérer le développement des soins à domicile, « le Canada et le Québec se distinguent par la part importante des ressources consacrées à l’hébergement, au détriment des soins à domicile », a écrit l’Institut du Québec dans un rapport publié en 2021. Dans un rapport publié le 15 novembre, la Chaire de recherche Jacques-Parizeau a aussi affirmé que le statu quo n’est plus tenable au Québec en soins aux aînés.
Lisez « Soins à domicile : pas de travail sans voiture »Nombre de lits en centre d’hébergement
Pays-Bas : 2,5 lits/100 personnes
Québec : 4 lits/100 personnes
Source : OCDE
Personnes de 65 ans et plus vivant en établissement de soins de longue durée
Québec : 9,4 %
Pays-Bas : 4,4 %
Source : Institut du Québec
Y a-t-il assez de places en résidence pour aînés et en CHSLD aux Pays-Bas ?
L’attaché de presse du ministre Ernst Kuipers, Job Holzhauer, reconnaît que si le gouvernement mise sur les soins à domicile, il investit « aussi pour ajouter des unités d’habitation pour aînés ». Car celles-ci pourraient être appelées à manquer. Les listes d’attente autrefois inexistantes ont commencé à se former ces dernières années dans plusieurs centres de soins. Mais en proportion de la population, l’attente pour une place d’hébergement aux Pays-Bas reste moins grande qu’au Québec.
3,6 millions
Nombre de personnes de 65 ans et plus aux Pays-Bas
Source : Banque mondiale (2022)
1,75 million
Nombre de personnes de 65 ans et plus au Québec
Source : Institut de la statistique du Québec (2021)
4080
Nombre de personnes qui attendent une place d’hébergement aux Pays-Bas
Source : Zorgverzekeraars Nederlands
4656
Nombre de personnes qui attendent une place en CHSLD au Québec
Source : ministère de la Santé et des Services sociaux (au 7 octobre 2023)
À quel point le pays est-il touché par une pénurie de personnel ?
M. Holzhauer affirme qu’il y a 60 000 postes vacants dans le secteur des soins aux Pays-Bas. « Et ce nombre ne fera qu’augmenter », dit-il. M. Holzhauer explique que le pays mise notamment sur « les aidants naturels et les bénévoles ». Car « on prévoit déjà que le nombre de travailleurs ne sera pas suffisant dans les prochaines années pour répondre à la demande », dit-il. Ayant lui-même étudié les systèmes de soins aux aînés dans plusieurs pays d’Europe, le professeur à la faculté des sciences infirmières de l’Université Laval Philippe Voyer note que la pénurie de personnel reste toutefois « plus forte au Québec que dans plusieurs pays d’Europe ».
Les personnes âgées ont-elles la possibilité de décider de l’endroit où elles recevront leurs soins aux Pays-Bas ?
Tout à fait. Une fois qu’un médecin les a évalués et que la grille déterminant les soins auxquels ils ont droit est remplie, les aînés peuvent choisir le prestataire de soins de leur choix. Les frais sont payés par le gouvernement ou les assureurs. « Ça fait que les organisations qui offrent des soins les veulent comme clients et tendent à vouloir mieux répondre à leurs besoins », note M. Voyer. Chaque personne âgée aux Pays-Bas peut aussi utiliser les sommes qui lui seraient normalement versées pour avoir des soins à domicile pour payer un aidant naturel. Cette option n’est toutefois pas très populaire dans le pays, car certaines règles administratives en limitent la portée.
Comment le Québec pourrait-il s’inspirer des Pays-Bas ?
Déjà, la documentation qui encadre le lancement des maisons des aînés au Québec parle de faire prendre « plus de risques calculés » aux aînés. Comme on le fait aux Pays-Bas. « Mais sur le terrain, ça reste à appliquer », dit M. Voyer. Selon lui, la meilleure façon de faire changer les choses est d’en parler, notamment dans les médias. Mais au bout du compte, la balle est dans le camp des politiciens. « Ce sont eux qui peuvent donner de nouvelles orientations pour que de réels changements s’opèrent », dit-il. Professeur titulaire à l’École de travail social de l’Université de Sherbrooke, Sébastien Carrier estime que pour que le système change au Québec, il faudra « un courage politique énorme ». Car « depuis les années 1970, on assiste plutôt à des réformes successives où les décisions sont de plus en plus centralisées », dit-il.