Un gratte-ciel de 87 mètres au Wisconsin, un autre de 90 mètres prévu à Toronto : la construction en bois structurel fait des pas de géant.

Les attaches russes

Depuis un demi-siècle, des bâtiments en bois sont construits en Russie grâce à un système d’attaches métalliques particulièrement solide. Alexander Salenikovich, professeur de génie à l’Université Laval, travaille d’arrache-pied depuis 20 ans pour importer cette approche ici.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Alexander Salenikovich, professeur au département des sciences du bois et de la forêt de l’Université Laval. Il fait des tests avec des matériaux de bois dans le but de construire des immeubles en bois de plus en plus hauts.

« Pour utiliser plus de bois de structure dans les bâtiments, particulièrement les bâtiments en hauteur, il faut mettre au point de nouveaux types d’attaches », dit M. Salenikovich, qui vient d’obtenir du financement supplémentaire du gouvernement québécois pour mener à bien ses recherches.

Les attaches métalliques couramment utilisées, par exemple des étriers de métal, ne sont pas assez solides quand il s’agit de charges importantes, dans les bâtiments très larges ou très hauts. La technologie soviétique résout ce problème.

  • Le professeur Alexander Salenikovich accompagné d’un groupe d’étudiants

    PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

    Le professeur Alexander Salenikovich accompagné d’un groupe d’étudiants

  • Tests avec des matériaux de bois à l’Université Laval. Sacha Tremblay, étudiant, observe une de ses pièces sur le banc de test.

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    Tests avec des matériaux de bois à l’Université Laval. Sacha Tremblay, étudiant, observe une de ses pièces sur le banc de test.

  • Le département des sciences du bois et de la forêt de l’Université Laval

    PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

    Le département des sciences du bois et de la forêt de l’Université Laval

  • Alexander Salenikovich et quelques étudiants

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    Alexander Salenikovich et quelques étudiants

  • Alexander Salenikovich et les étudiants Gabriel Carbonneau, Félix Coulaud et Victoria Levasseur

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    Alexander Salenikovich et les étudiants Gabriel Carbonneau, Félix Coulaud et Victoria Levasseur

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« Ce sont des tiges de métal encollées dans des poutres de bois laminé, explique M. Salenikovich. C’est non seulement plus solide, mais aussi plus esthétique. On ne voit pas le métal, seulement le bois. On peut laisser les poutres apparentes. Des milliers de bâtiments en Russie sont construits avec ces attaches. »

Le laboratoire de M. Salenikovich a également mis au point des attaches pour bois de structure, aussi appelé bois massif. « Un de mes étudiants a obtenu un brevet pour une attache », dit-il.

PHOTO FOURNIE PAR ALEXANDER SALENIKOVICH

Une structure en bois de 85 mètres de large dans une mine de Gremyachinsky, en Russie, construite avec la technologie soviétique des tiges encollées. À noter, le mur du centre n'est pas porteur.

M. Salenikovich est membre de l’Alliance de construction de bois de nouvelle génération, qui est soutenue par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG), un organisme subventionnaire fédéral. Dirigée depuis l’Alberta, cette alliance qui regroupe les fabricants de produits de bois a trois grands axes de recherche : les nouveaux types d’assemblage et de laminage, les attaches et la résistance au feu. Ce dernier axe est dirigé par un autre professeur de génie de l’Université Laval, Christian Dagenais.

Selon le Conseil du bâtiment durable du Canada, la construction d’immeubles représente 13 % des émissions de gaz à effet de serre du pays, soit à peine moins que le chauffage (17 %) et la moitié des émissions du secteur des transports.

Consultez une carte des projets de bois massif au Canada

Les normes d’incendies

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, le bois n’est pas particulièrement vulnérable aux incendies.

Le bois massif est tellement compact qu’il brûle très lentement. C’est un peu comme dans un foyer : on allume avec des journaux et du petit bois. Si on essaie de partir un feu seulement avec des bûches, ça ne marchera pas.

Christian Dagenais, professeur de génie de l’Université Laval

Les normes anti-incendies doivent toutefois être mises à jour pour tenir compte du fait que le bois massif brûle beaucoup moins bien que les 2x4 et 2x6 avec lesquels on fabrique les maisons. « Et quand on parle d’immeubles de plusieurs étages, il y a en plus des gicleurs, alors le risque est vraiment diminué », dit M. Dagenais.

  • L’École Sans-Frontières, à Saint-Jérôme, est en bois massif.

    PHOTO STÉPHANE BRÜGGER, FOURNIE PAR NORDIC STRUCTURES

    L’École Sans-Frontières, à Saint-Jérôme, est en bois massif.

  • La toiture de la patinoire Haendel, à Candiac, est en bois.

    PHOTO DAMIEN LIGIARDI/TARMAC, FOURNIE PAR NORDIC STRUCTURES

    La toiture de la patinoire Haendel, à Candiac, est en bois.

  • Une passerelle en bois a été installée le printemps dernier entre deux immeubles du collège George Brown à Toronto.

    PHOTO TIRÉE DU SITE DU COLLÈGE GEORGE BROWN

    Une passerelle en bois a été installée le printemps dernier entre deux immeubles du collège George Brown à Toronto.

  • La passerelle en bois au collège George Brown à Toronto

    PHOTO TIRÉE DU SITE DU COLLÈGE GEORGE BROWN

    La passerelle en bois au collège George Brown à Toronto

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De grands panneaux de bois comme planchers

Des panneaux de bois de 10 pieds sur 40 pieds (3 mètres sur 12 mètres) pour les planchers des immeubles en hauteur : c’est la solution imaginée par la firme d’architectes torontoise Dialog pour lancer la révolution du bois structurel.

« Nous avons visé ce marché en priorité. Il y a beaucoup de métal et de béton dans les planchers des immeubles en hauteur, fait valoir Craig Applegath, partenaire responsable du projet chez Dialog. À notre avis, nos panneaux pourraient augmenter de façon très importante le remplacement du métal et du béton par le bois. » Cette idée a valu à Dialog le prix de l’innovation 2021 du magazine Fast Company.

« Nous sommes en train de tester la résistance et le caractère ignifuge de nos panneaux avec des universités canadiennes et des partenaires américains, indique M. Applegath. Nous nous sommes assurés d’avoir l’un des principaux constructeurs américains d’immeubles commerciaux et multilogements comme partenaire. » Les laboratoires partenaires de l’Alliance participent aux tests des panneaux de planchers de bois de Dialog, confirme M. Dagenais.

Selon les calculs de Dialog, la fabrication des panneaux en bois émet 9 % moins de gaz à effet de serre que la fabrication de ceux en métal ou en béton. Et si on prend en compte que le bois, durant sa croissance, a absorbé du CO2 atmosphérique, la réduction des gaz à effet de serre est de 46 % par rapport au métal ou au béton.

« Des critiques disent que l’immeuble où le panneau de plancher est installé sera un jour démoli, et que si le panneau de bois est détruit, le carbone contenu dans le bois retournera dans l’atmosphère, reconnaît M. Applegath. Mais les immeubles durent très longtemps, et il n’est pas dit qu’on ne pourra pas réutiliser les panneaux de bois. »

  • Le projet d'immeuble en bois de 90 mètres à Toronto

    PHOTO TIRÉE DU SITE D’ICON

    Le projet d'immeuble en bois de 90 mètres à Toronto

  • L'immeuble Ascent

    PHOTO TIRÉE DU SITE DE THORNTON TOMASETTI

    L'immeuble Ascent

  • L'immeuble Ascent à Milwaukee, le plus haut immeuble en bois au monde, durant sa construction

    PHOTO TIRÉE DU SITE DE THORNTON TOMASETTI

    L'immeuble Ascent à Milwaukee, le plus haut immeuble en bois au monde, durant sa construction

  • L'immeuble Ascent à Milwaukee

    PHOTO TIRÉE DU SITE DE THORNTON TOMASETTI

    L'immeuble Ascent à Milwaukee

  • L'immeuble Ascent (à droite) une fois terminé

    PHOTO TIRÉE DU SITE DE THORNTON TOMASETTI

    L'immeuble Ascent (à droite) une fois terminé

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Une autre firme d’architectes torontoise, Icon, est derrière un projet d’immeuble de 31 étages au centre-ville de la Ville Reine, qui serait – à 90 mètres – le plus haut immeuble en bois au pays. Le record actuel est la tour Brock, une résidence étudiante universitaire de 53 mètres, terminée en 2017 à Vancouver. Le record mondial est détenu par la tour Ascent, de 87 mètres, à Milwaukee, aux États-Unis.

  • La résidence étudiante Brock à Vancouver est le plus haut édifice en bois au Canada.

    PHOTO TIRÉE DU SITE DE UBC

    La résidence étudiante Brock à Vancouver est le plus haut édifice en bois au Canada.

  • Impression d'artiste du quartier tout en bois de Sickla prévu en banlieue de Stockholm

    PHOTO TIRÉE DU SITE D'ATRIUM LJUNBERG

    Impression d'artiste du quartier tout en bois de Sickla prévu en banlieue de Stockholm

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L’exemple scandinave

Les pays scandinaves ont une longueur d’avance dans l’intégration du bois dans les immeubles en hauteur. Le quartier de Sickla, dans le sud de Stockholm, prévoit la construction de 2000 logements et 7000 bureaux et commerces totalisant 2,5 millions de pieds carrés, où l’usage d’acier et de béton sera réduit au minimum. L’utilisation du bois structurel a décollé en Scandinavie après des changements dans les normes, au milieu des années 1990.

L’obsession de la hauteur

La construction en bois va connaître un essor grâce à l’abandon de deux objectifs « mythiques » : celui de la hauteur et celui de la pureté, selon Craig Applegath.

« On a longtemps visé des immeubles en bois de plus en plus hauts, et des immeubles 100 % en bois. Mais la plupart des immeubles commerciaux ont quatre, cinq ou six étages », dit Craig Applegath.

Et si on veut vraiment faire une différence sur le plan de l’environnement et utiliser plus de bois, il faut viser des segments précis, et laisser l’acier et le béton dans les niches où ils sont les meilleurs.

Craig Applegath, partenaire responsable du projet chez Dialog

« Par exemple, nous nous sommes concentrés sur les panneaux de planchers quand nous avons réalisé qu’ils constituent de 60 % à 70 % de la masse d’un immeuble. »

M. Dagenais est entièrement d’accord. « Le but, c’est de remplacer de l’acier et du béton par le bois, pas de construire uniquement en bois. »

En savoir plus
  • 92 %
    Proportion des maisons unifamiliales à structure de bois aux États-Unis en 2021
    Source : Association nationale des constructeurs résidentiels (NAHB)
    7 %
    Proportion des maisons unifamiliales à structure de béton aux États-Unis en 2021
    Source : Association nationale des constructeurs résidentiels (NAHB)
  • 0,5 %
    Proportion des maisons unifamiliales à structure d’acier aux États-Unis en 2021
    Source : Association nationale des constructeurs résidentiels (NAHB)
  • 9 %
    Proportion des immeubles multilogements construits en bois en Suède en 2015
    Source : Université suédoise des sciences agricoles
    20 %
    Proportion des édifices multilogements construits en bois en Suède en 2020
    Source : Université suédoise des sciences agricoles