(Paris) Le gouvernement s’apprête à dévoiler mardi sa réforme explosive des retraites contre laquelle les syndicats prévoient déjà de manifester, ulcérés par le probable report de l’âge de départ à 64 ans et malgré des mesures d’accompagnement sur l’emploi des seniors ou la pénibilité.

« Si Emmanuel Macron veut en faire sa mère des réformes […] pour nous ce sera la mère des batailles », prévient le patron de FO Frédéric Souillot, opposé à cette réforme comme l’ensemble des organisations syndicales et les oppositions, hormis la droite plus conciliante.  

Lors d’une conférence de presse, la première ministre Elisabeth Borne pourrait, selon plusieurs de ses interlocuteurs, proposer un report de l’âge légal de départ à 64 ans, au lieu de 62 actuellement, après avoir envisagé 65 ans.

Ce report serait associé à une accélération de l’allongement de la durée de cotisation, qui passerait à 43 ans avant l’horizon 2035 fixé par la réforme Touraine.

Le chef de l’État a vu Elisabeth Borne vendredi « pour rendre ses derniers arbitrages », selon l’entourage du président.  

Sans confirmer les 64 ans, on a souligné de même source dimanche que « ce serait conforme aux engagements de campagne pris par le président au lendemain du premier tour », et « aligné avec les concertations qui ont eu lieu ces derniers mois ».  

Le gouvernement serait par ailleurs prêt à relever, lors du débat parlementaire, le minimum mensuel de la retraite à 1200 euros (1718 dollars CAN) pour l’ensemble des retraités et non seulement pour les nouveaux entrants.

Sur l’emploi des seniors, un index serait mis en place, avec obligation de négocier un accord en cas d’absence de communication sur cet index.

Sur la pénibilité, le ministre du Travail Olivier Dussopt assure avoir « répondu » aux syndicats réformistes, évoquant « un suivi médical renforcé » pour les « risques ergonomiques ».

Aurore Bergé, présidente des députés macronistes Renaissance, appelle aussi dans Le Parisien à la prise en compte des « trimestres d’apprentissage » entre 16 et 18 ans pour « un départ anticipé ».

Signes attendus

La pierre d’achoppement reste la mesure d’âge. Plus de deux tiers des Français (68 %) sont défavorables au report à 64 ans, selon un sondage Ifop-Fiducial.  

« Il n’y aura pas de deal avec la CFDT » en cas de report de l’âge légal et « on fera tout pour que le gouvernement recule », avertit son leader Laurent Berger.

Le porte-parole du gouvernement Olivier Véran reconnaît des désaccords sur les « solutions ». La CFDT a des propositions pour relever le taux d’emploi des seniors afin de combler le déficit. Tous les syndicats défendent une hausse des cotisations patronales, piste aussi évoquée par le haut-commissaire au Plan François Bayrou, mais écartée par l’exécutif.

« Une très légère augmentation » de ces cotisations pourrait « garantir qu’il y a une juste répartition des efforts », a insisté dimanche auprès des Échos M. Bayrou, qui pense qu’il faut des « signes » de justice.

L’ancienne ministre du Travail (2017-2020) Muriel Pénicaud prévient elle que l’emploi des seniors, particulièrement bas en France, est « le premier sujet qu’il faut traiter ».

Elisabeth Borne sera mardi soir l’invitée du 20 h de France 2, avant de répondre à des questions du public sur la chaîne franceinfo.

« Front syndical et politique »

À défaut de convaincre les syndicats, le gouvernement espère rallier les élus du groupe Les Républicains (LR), divisés sur cette réforme pourtant proche de ce que vote chaque année le Sénat, à majorité de droite.

Le patron de LR Éric Ciotti se dit prêt, dans le Journal du dimanche, à « voter une réforme juste » et étalée dans le temps, avec un âge de départ relevé à 64 ans en 2032 et un minimum à 1200 euros y compris pour les retraités actuels.

Le ministre délégué aux Comptes publics, Gabriel Attal, a salué « la responsabilité » des Républicains.

Un vote LR pourrait éviter le recours au 49.3 pour faire adopter la réforme, qui devrait passer par un projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale.

Le texte sera examiné en Conseil des ministres le 23 janvier mais les syndicats, qui se réunissent mardi soir, envisagent de mobiliser avant, alors qu’à gauche la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (NUPES) tient une réunion les 10 et 17 janvier et que La France insoumise (LFI) manifeste le 21.

Le projet de loi doit passer en commission à l’Assemblée nationale à partir du 30 janvier, et dans l’hémicycle le 6 février.

Le patron de la CGT Philippe Martinez ironise sur l’« exploit » de l’exécutif qui rassemble les syndicats dans l’action pour la première fois depuis douze ans.

« Le front syndical et politique sera totalement uni dans cette bataille », a promis sur BFMTV le coordinateur de LFI, Manuel Bompard. Et Marine Tondelier, numéro un d’Europe Écologie Les Verts (EELV), de lancer : « Nos baskets sont prêtes ».